Rencontre avec Bertrand Ringot, son maire
Gravelines au défi de la réindustrialisation du territoire dunkerquois
Située à mi-chemin entre Calais et Dunkerque, Gravelines est dotée d’un riche patrimoine architectural hérité de Vauban, mais c’est aussi une ville industrielle où se trouve la plus importante centrale nucléaire d’Europe de l’Ouest. Bordée par le port de Dunkerque, elle se trouve au cœur des gros projets d’implantations industrielles annoncés sur le territoire. Emploi, formation, logement, tourisme… Les défis ne manquent pas pour son maire, Bertrand Ringot, également 2ème vice-président de la Communauté urbaine de Dunkerque en charge de l’eau.
La Gazette Nord-Pas-de-Calais. Gravelines se trouve au cœur d’un territoire qui connaît une réindustrialisation inédite, notamment grâce au développement de nouvelles filières issues de la décarbonation, comme la batterie pour véhicules électrique. Quels sont les projets qui touchent directement Gravelines ?
Bertrand Ringot. Beaucoup ! D’ici le premier semestre 2024, le groupe français SNF, leader mondial des polyacrylamides, va commencer l’exploitation des deux premiers ateliers de sa nouvelle usine située à Gravelines. C’est un énorme investissement de 180 millions d’euros qui doit conduire, à terme, à la création de 180 emplois. Le groupement franco-chinois XTC New Energy-Orano a annoncé aussi l’implantation sur notre commune d’une usine de production de cathodes pour équiper les batteries pour véhicules électriques. Et enfin, nous avons aussi le gigantesque projet de construction de deux réacteurs EPR à proximité de la centrale nucléaire EDF.
Par ailleurs, sur la commune voisine de Saint-Georges-sur-l’Aa, le groupe belge Clarebout vient de commencer sa production de frites surgelées dans sa nouvelle unité de production. Sans parler, évidemment, des deux gigafactories de modules pour batteries pour véhicules électriques attendues d’ici 2030, là encore, à moins de dix kilomètres de Gravelines. Cette réindustrialisation à marche forcée va transformer notre commune, et plus globalement tout l’ouest du Dunkerquois. Cela nous oblige à relever quelques défis, en premier lieu desquels, l’emploi et la formation, pour que ces emplois à venir, on parle quand-même de plus de 20 000, profitent d’abord aux habitants du territoire.
Justement, comment Gravelines compte-elle relever le défi de l’emploi et de la formation ?
Nous avons mis en place une cellule emploi-formation au sein de nos services. Très active, elle fait le lien entre les entreprises qui s’implantent et nos demandeurs d’emplois, en collaboration avec Pôle Emploi. Elle relaie les C.V. et a participé aussi à l’organisation de visites d’entreprises ou à des Job-dating. Elle sensibilise aussi les plus jeunes aux métiers de l’industrie afin de créer des vocations dans un secteur qui connaît déjà des tensions de main d’œuvre. Côté formation, Gravelines accueille depuis une douzaine d’années déjà un centre de formation dédié aux métiers de l’industrie. D’ici la rentrée 2024 va s’implanter également un CFA pour les métiers du bâtiment qui devrait accueillir plus de 400 apprentis par an.
La CCI Littoral-Hauts-de-France porte aussi un projet de centre de formation autour des métiers de l’industrie, de la logistique, du BTP et du calorifugeage qui doit se concrétiser à court terme à Gravelines. La formation est primordiale pour l’accès à l’emploi de nos jeunes. Je réfléchis même à la création d’une ligne de bus dédiée à ces centres de formation qui circulerait sur l’ensemble du territoire du SIVOM des Rives de l’Aa et de la Colme afin que le problème de mobilité, qui constitue le frein principal à la formation et donc à l’emploi de nos jeunes, puisse, pour partie, être résolu.
Ces 20 000 emplois annoncés vont également créer une forte demande de logements. Comment Gravelines s’y prépare-t-elle ?
Depuis mon élection en 2001, nous avons construit un millier de logements à Gravelines. Densifier la ville était l’une de mes priorités. Il nous faut poursuivre cet effort si nous voulons disposer des logements nécessaires à l’accueil des nouveaux arrivants. Ce n’est pas simple car nous sommes confrontés à la loi dite du «Zéro artificialisation des sols» mais aussi à la longueur des procédures administratives. Selon plusieurs estimations, il faudra construire 4 000 logements sur le territoire communautaire dans les 5 à 10 années qui viennent. Actuellement, nous avons plusieurs programmes en accession libre en cours à Gravelines, notamment sur d’anciennes friches. Nous avons également un gros programme «haut-de-gamme» à venir en face du port de plaisance. D’ici cinq ans, nous devrions disposer d’environ 400 logements supplémentaires. C’est un minimum au vu des enjeux démographiques.
Gravelines n’est pas seulement une ville industrielle. Balnéaire, elle dispose aussi d’un patrimoine historique remarquable. Y développer le tourisme, notamment eurorégional et de court séjour, est-ce toujours une priorité ?
Complètement. Gravelines a les atouts pour cela entre sa jolie plage et ses remparts auxquels nous consacrons un gros budget pour leur rénovation et leur entretien. Nous avons également aménagé un parc de loisirs nautiques autour d’un bassin d’aviron olympique, le PAarc, dont la notoriété se développe d’année en année. Nous avons aussi augmenté significativement les anneaux de notre port de plaisance, dont le développement est aussi une priorité municipale. Notre ville est géographiquement très bien placée, à une heure de la métropole lilloise, en face de l’Angleterre et à une trentaine de kilomètre de la Belgique. Nous accueillons d’ailleurs déjà de nombreux touristes belges.
Toutefois, nous sommes confrontés à un manque d’hébergements. Ville située en bordure de la plateforme industrialo-portuaire de Dunkerque, Gravelines a la particularité de voir une grande part de son camping, ses meublés de tourisme, ses hôtels et ses gîtes ruraux régulièrement occupés par des personnes en déplacement professionnel. C’est pourquoi, il est important de densifier notre parc d’hébergement. Ce que nous faisons au PAarc où un hôtel de moyenne gamme de 55 chambres doit prochainement voir le jour. Il va s’y implanter également de l’hôtellerie de plein air haut de gamme. A plus longue échéance, j’aimerais trouver des investisseurs privés pour implanter un hôtel sur le port de plaisance ou encore dans la caserne Uxelles rénovée, au cœur des fortifications.