Gérald et Sabine Masson reprennent Leclercq-Ventura

Si ce couple de professionnels de la menuiserie bois et PVC se loue des qualités de sa société, il se mord les doigts de n’avoir pas assez vérifié des informations capitales alors que l’activité forcit.

Une vue imprenable sur l’axe Douai-Cambrai et bientôt un showroom en façade.
Une vue imprenable sur l’axe Douai-Cambrai et bientôt un showroom en façade.

 

D.R.

Gérald et Sabine Masson aux commandes de Leclerc-Ventura.

La Gazette. Quels sont vos formations et parcours avant cette reprise ?

Mon mari a été 25 ans responsable logistique d’exploitation chez Profex à Avion, une menuiserie en PVC, et moi-même technicienne logistique. J’y ai travaillé neuf ans avant la fermeture. Nous avions acquis l’expérience de la fabrication artisanale de ces produits et le négoce. Aujourd’hui Gérald et moi sommes gérants de Leclercq-Ventura.

 

Quel a été le facteur déclencheur de votre volonté de reprendre cette entreprise ?

Gérald a d’abord voulu créer un centre d’usinage PVC mais le marché restait caché et son associé a renoncé. Donc, à la BGE deux dossiers de reprises se sont ouverts, un à Maubeuge et l’autre à Cantin. C’est là que Leclercq-Ventura montrait pas mal d’avantages. D’abord une situation géographique idéale, proche de Douai, avec autoroutes et voies rapides. De plus l’entreprise est en façade de rue sur l’axe très fréquenté Douai-Cambrai, et, enfin, la notoriété de cette menuiserie était forte et fondée. Donc la création a été écartée au profit de la reprise, à réaliser rapidement car le cédant partait en retraite. C’était l’occasion à saisir !

 

Quels ont été les facteurs prépondérants dans le choix de cette entreprise ?

Nous restions près du bassin minier où nous travaillions, la taille de Leclercq-Ventura nous allait avec une dizaine de collaborateurs compétents, le marché Nord-Pas-de-Calais pouvait être agrandi, l’investissement en machines avait été fait par le cédant. On pouvait accentuer l’aspect qualité et nous appuyer sur le sur-mesure dans l’individuel et sur le collectif via les appels d’offres. Donc, avec une volonté de progresser en marketing et commercial, tout en maintenant l’activité grâce à une équipe compétente et satisfaite de poursuivre sans heurts l’aventure, Gérald et moi sommes entrés dans la phase active de la reprise. A première vue les bilans étaient intéressants et les 65 ans d’existence de l’entreprise étaient garants de pérennité.

 

D.R.

L’investissement machines a déjà été réalisé.

Combien de temps a pris la reprise ?

Le premier contact avec le cédant a eu lieu en septembre 2011 et la signature, après six compromis de vente, est intervenue en février 2013, donc 18 mois.

 

Quels ont été vos partenaires pendant la reprise ?

 La CCI Grand-Lille territoire de Douai avec Douaisis initiative qui servi de conseil et de premier levier pour un prêt d’honneur, puis le Réseau Entreprendre Hainaut pour un autre prêt d’honneur, le tout consolidant la trésorerie, l’agence de Billy-Montigny du Crédit du Nord, l’expert-comptable M. Dubois d’Escaut-Douai, Me Pilarczyck, notaire, et le cabinet KPMG. Enfin, un avocat d’affaires nous a rejoints plus tard, Me Silvert.

 

Sur quels critères avez-vous estimé la valorisation de l’entreprise ?

Le cabinet MGC a évalué financièrement la société, l’étude sur son avenir portait sur trois ans, avec prise en compte du fonds de commerce, les salaires et avantages du gérant et le CA. Il y a eu réajustement du prix en notre faveur mais en fonction des possibilités de développement de la société. Il y avait de quoi être satisfaits de la cession côté finances.

 

Au final, comment avez-vous trouvé l’entreprise reprise ? Avez-vous été surpris par certains points ?

Disons qu’il y a eu deux phases. La première, jusqu’à la signature, très heureuse. Et la seconde juste après où là, des choses négatives se sont montrées au grand jour, au point que nous allons au tribunal contre le cédant. D’abord un audit a montré peu de points négatifs et beaucoup de positifs : des paiements de factures tardifs, une trésorerie un peu faible mais rien de grave. En face, une société saine avec un CA 2012 de 900 000€ stable sur les années précédentes. En effet, la crise n’impacte pas notre activité, des possibilités de développement réelles et un marché dans l’individuel solide avec des ouvertures intéressantes sur les marchés publics, dans un rapport 80/20. Ajoutons que le cédant a d’abord été avenant, clair, coopératif et désireux de céder. Donc négocier avec lui en direct a été facile sauf qu’il n’a jamais été possible de nous rendre dans l’entreprise à part une fête de fin d’année où nous avons rencontré le personnel. Le cédant était empêché à chaque fois pour nous accueillir…

Après signature, le 28 février 2013, nous avons vu dans le bilan de mars 2013 d’autres choses… mais hélas trop tard : 78 000€ de dettes, des encours en pagaille et des stocks faux depuis deux ans, enfin un climat social dégradé mais nous n’avons vu le personnel que très tardivement. L’audit n’a vérifié ni les affirmations, ni les documents du cédant, ni ceux du comptable. Or, les parts sociales sont établies d’après cela et nous les avons reprises en totalité comme le reste. Tout le monde a été abusé. Malgré cela le cédant a effectué ses six mois d’accompagnement et n’a rien nié − en petit comité seulement − de ces réalités qui étaient devenues un vrai système de gestion.

 

Quels sont les projets pour l’entreprise ?

En interne, personnel, méthodes, administration, nous n’avons rien changé. En revanche nous analysons chaque produit par rapport à la clientèle et surtout nous avons quitté l’ancien fournisseur en PVC. Nous voulons en effet mettre l’accent sur la qualité qui a son prix, mais qui correspond à une demande croissante chez le particulier, sans négliger les appels d’offres. Donc il faut être bons dans le produit brut et sans changer les prix. Pour le reste, nous nous appuyons sur un site internet côté publicitaire et nous nous rapprochons du client pour qu’il soit plus en contact physiquement avec nos produits et l’entreprise. Pour cela, le grand projet est de construire en façade un showroom. Le marketing et le commercial vont être nos deux chevaux de bataille qui, avec la publicité, manquaient beaucoup à Leclercq-Ventura. Alors, certes, le litige financier avec le cédant rend notre prévisionnel caduc tant qu’il n’est pas réglé, mais nous sommes tout de même satisfaits de voir que l’activité, par exemple en période de fêtes de fin d’année, ne ralentit pas du tout, là aussi contrairement à l’ancienne époque.

 

Trois conseils à donner à un repreneur potentiel ?

Rentrer dans la société physiquement, s’y montrer souvent avant la reprise. Ne racheter qu’une partie des parts sociales et intégrer comme associé, pour un temps donné, le cédant dans la nouvelle équipe. Prendre un solide avocat d’affaires et participer aux audits.

 

 

D.R.

Une vue imprenable sur l’axe Douai-Cambrai et bientôt un showroom en façade.