Gazettescope
Gazettescope : c’était mieux avant ?
On prend la machine à remonter le temps ? On oublie la Covid-19 ? On se projette quelques décennies en arrière en Moselle ? Au fait, hier, c’était l’alpha et l’oméga ? Le nirvana ? Tentative de réponse.
C’est certain que par les temps qui courent, mieux vaut avoir le moral en acier trempé pour faire face au tourbillon d’infos toutes plus déprimantes les unes que les autres. Si on y ajoute l’effet grossissant et déformant des réseaux sociaux, la coupe est pleine ! Chômage, pauvreté, désastres environnementaux, faim, maladie, guerres, batailles politiciennes… N’en jetez plus ! Le passéiste, ça vous parle ? C’est cette certitude que le monde tournait bien mieux avant. Si, on vous l’assure : «les jeunes n’ont plus aucun respect, plus rien de les intéresse», «la fin de l’humanité est pour bientôt, c’est tant mieux», «le QI de la population est en baisse.» Qui n’a jamais entendu ces réprobations… que l’on entendait également dans les décennies antérieures ? En fait, cette préférence pour le passé est aussi vieille que la nuit des temps. Dans son manifeste, C’était mieux avant, le philosophe Michel Serres l’affirmait, caustique : «Oui c’était mieux avant. On ne connaissait pas les antibiotiques, on mourrait de nombreuses maladies. Il n’y avait pas de soins palliatifs. Les chambres à coucher restaient glaciales tout l’hiver.» On peut décliner tout cela à l’envi. Mieux avant en France ? Pas de droit de grève (1864) ni de congés payés (1936), point de salaire minimum - inauguré en janvier 1970 en France, d’assurance chômage (1958) ou vieillesse pour tous (1975). Mieux avant la Sécurité sociale (1945) ou la médecine du travail (1946) ? C’est très humain, nous sommes plus sensibles aux défauts qu’aux qualités. Et pourtant, une récente étude de l’Université de Caroline du Nord démontrait que nous sommes enclins à nous remémorer davantage les événements passés positifs que négatifs. Ouf, un coin de ciel bleu, dans cet atmosphère bien gris, après bientôt deux ans de Covid-19. Chaque jour, chaque minute, chaque seconde surviennent des bonnes nouvelles, des instants heureux, individuels ou collectifs. Y compris bien sûr dans le cénacle de l’entreprise. Justement, là aussi, c’était mieux avant ? Mieux avec un Smic mensuel brut à 340 € en 1980 ? À 750 € en 1990 ? À 1 000 € en 1997 ? En 2022, il s’élève à plus de 1 600 €. Mieux quand la vie était moins chère ? Certes. En 1980, l’inflation était de 14 %. 40 ans plus tard, de 1,5 %. Un dernier argument pour vous convaincre qu’économiquement «ce n’était pas mieux avant». Prenons le produit intérieur brut par habitant, indicateur de richesse, qui a bien évolué : 15 512 € en 1990, 21 232 € en 2000 et 41 143 € en 2020. On le concède, à notre époque, les seniors et les parents ne sont plus les seuls à se faire des cheveux blancs en pensant à l’avenir. Car il existe bien un domaine où la régression semble indiscutable : l’état de notre bonne vieille planète bleue.