Frédérique Seels, cheffe de file de la transition écologique régionale
Nommée directrice générale du CD2E en avril 2021, Frédérique Seels - également vice-présidente au Département du Nord - a impulsé un nouvel élan à l’accélérateur de l’éco-transition basé à Loos-en-Gohelle depuis son arrivée. À 54 ans, la native de Boulogne-sur-Mer, déterminée et infatigable, met son expertise de la construction bois et du bâtiment durable au service des collectivités, entreprises, bailleurs et promoteurs, grâce notamment à sa double casquette public-privé. Son ambition ? Accélérer sur l’utilisation de matériaux bio-sourcés en région et relever le défi de la massification.
Frédérique
Seels vous êtes issue d’une famille d’entrepreneurs du bâtiment,
avez dirigé l’entreprise Création Bois construction entre 2013 et
2019, lancé votre cabinet de conseil autour de la construction bois
avant d’être propulsée à la tête du CD2E. Cette nouvelle
aventure débutée au printemps 2021 s’inscrit comme la suite
logique de votre carrière ?
FS. J’ai
toujours suivi ce que
faisait le CD2E.
La transition écologique, c’est un ADN que j’ai depuis
très longtemps. Vous voyez, je mange des paniers bio depuis 25 ans,
ma fille avait des gourdes à l’époque où personne n’en avait.
Je n’ai pas attendu que le sujet de la transition écologique soit
à la mode pour me poser ces questions car j’ai toujours été
engagée sur ces sujets. Je suis issue d’une famille dans le
bâtiment, j’ai toujours voulu travailler dans la construction bois
et chez Création Bois, j’ai dû lutter contre des gens qui me
disaient qu’on pouvait faire autrement. Ici au CD2E, je ne fais que
travailler et accélérer sur de nouveaux procédés, de nouveaux
matériaux. Je suis au bon endroit.
Le
champ d’actions du CD2E est immense entre le bâtiment durable, les
énergies renouvelables, l’économie circulaire et bien d’autres
sujets. Être aux commandes de ce pôle d’excellence de
l’éco-transition vous passionne ?
J’ai
toujours aimé les challenges et dès
que ça commence à tourner, ça m’ennuie.
Ici
un défi en chasse toujours un autre. Si toutes les entreprises de la
région sont formées au bâtiment durable, si l’on a un maximum
d’énergies renouvelables développées dans les territoires, si l’économie
circulaire devient la norme, je pense que des défis il y en aura
encore et c’est ce qui m’anime.
Comment
se traduit la patte Frédérique Seels ?
Ici, il y avait tous les ingrédients pour réussir sauf peut-être les
clients. Grâce à mes expériences passées, j’ai bâti un réseau
et il est vrai que j’ai impulsé cette dynamique au niveau des
donneurs d’ordre. Non seulement ils sont venus voir mais ont vu
tout le professionnalisme des collaborateurs. Le CD2E c’est très
concret, on travaille pas sur la performance du bâtiment pour la
performance, c’est la performance pour la transition écologique.
Nous travaillons déjà sur la norme Aéro 2030, on a toujours une
longueur d’avance. La neutralité carbone, on ne va pas l’atteindre
en restant sur des critères faibles. Il
faut vraiment accélérer, appuyer les dynamiques positives et il ne
suffit pas d’avoir les solutions, il faut former.
Le
CD2E a signé le pacte bois-matériaux bio sourcés en avril 2023. Où
en est-on ?
29
acteurs - 21 bailleurs, deux collectivités et plusieurs promoteurs - se
sont engagés à travers le pacte à mettre entre 10 à 40% de
leurs surfaces construites en bio-sourcé à la fois pour de la
rénovation et de la construction. On a fait un premier bilan en
avril 2024 sur l’avancée du pacte : il y a eu 550 000 m²
engagés. 159 000 m² ont été faits dès la première année, on a
déjà été plus loin que ce qu’on imaginait et 260 000 m² ont
déjà été programmés. Ce qui est encourageant, c’est que des
acteurs, sans jamais avoir utilisé de bio-sourcé, sont déjà dans
les starting-blocks. On est sur la bonne voie. Une filière ne
s’organise que si celle-ci a des perspectives, un cadre et des
volumes.
Quels
sont les matériaux bio-sourcés les plus utilisés actuellement
dans la construction et la rénovation en région ?
La
laine de bois est le premier isolant utilisé, le chanvre et le
métisse sont également bien travaillés puis le lin arrive en
dernière position puisque les ATEX sont en cours de réalisation. On
a des linières à Bourbourg par exemple, on a 3/5e du lin
mondial qui pousse entre la Normandie et Amsterdam et en région. On a
donc tout un croissant de lin qui passe par le Dunkerquois. On se
sert du déchet du lin pour faire des isolants. Côté chanvre, on a
quelques chanvrières en Hauts-de-France mais il y a un développement
engagé par un certain nombre d’agriculteurs, qui réfléchissent à
passer sur le chanvre. Des acteurs du lin pensent également à
passer sur le chanvre.
Quels
sont les bienfaits de ces isolants bio-sourcés ?
Le
chanvre a besoin de très peu d’eau, donc avec le réchauffement
climatique, malheureusement, c’est bien un produit d’avenir. Le
lin lui a besoin de pluie et de soleil. Les isolants bio-sourcés
(béton de chanvre, métisse, paille, lin) sont les plus efficaces
sur le confort d’été, car ils apportent de la fraîcheur l’été
et gardent la chaleur l’hiver. Ils sont peu émissifs et locaux. Cela coûte très peu en empreinte carbone contrairement à des produits
pétro-sourcés ou autres types d’isolants.
Le
défi de la formation est justement majeur. Comment fonctionnent les
ateliers et formations au sein du CD2E ?
La
formation est capitale aussi bien au niveau des donneurs d’ordre,
des promoteurs, des bailleurs, des collectivités que des maitres
d’ouvrage et entreprises. Les sessions de formations se font soit
au CD2E soit chez les acteurs directement.
Que
représentent les acteurs qui ont signé le pacte ? Et quels
sont les gros chantiers de rénovation en région ?
Les
acteurs signataires représentent 80% des logements de la
région. La volonté est vraiment de massifier, on n'est plus là pour
mener de petits projets. L'enjeu, c’est la baisse de l’empreinte
carbone. Le coût d’une structure comme la nôtre, c’est que ça
pousse et que ça fasse des volumes. Je suis confiante à l’échelle
régionale car je vois un réseau d’acteurs de plus en plus
important qui s’engagent dans des solutions de rénovation durable, de
construction durable. Là où j’ai des inquiétudes, c’est côté
promoteurs. Car le marché de l’immobilier est compliqué, je
comprends la difficulté du moment.
Le
nombre d’adhérents a t-il augmenté ces dernières années ?
Le
nombre a augmenté de 200 à 260 mais ce n’est pas ça qui fait la
différence, car tous les acteurs qui travaillent avec nous ne sont
pas forcément adhérents. Nous sommes 30 personnes au CD2E, c’est
beaucoup et peu à la fois, eu égard aux enjeux de la région. Nous
ne donnons pas le poisson, nous donnons la canne à pêche. On cherche à
ce que les gens avancent sans nous à terme.
Quelle est la feuille
de route 2025 ?
Le
CD2E a la chance de faire partie du réseau national Bâtiment
durable. On organise les 4 et 5 septembre 2025 le congrès
national bâtiment durable à Lille Grand Palais sur le thème
adaptation au changement climatique. On attend 3 000 personnes. On
retrouvera toutes les structures similaires au CD2E partout. La
feuille de route comprend également le lancement d’un AMI
territorial (déploiement de la rénovation durable sur trois territoires), la construction et la rénovation hors site tout comme
la dynamique du réemploi ou encore les achats publics durables. Je
pourrais vous parler d’une trentaine de sujets : la feuille de route
du CD2E est dense !