Filière nautique : un nouveau filon pour le Nord - Pas-de-Calais - Picardie ?

Le développement de la plaisance et des activités nautiques constitue un réel facteur de croissance économique. Y compris pour la région la plus septentrionale de France. Les chiffres, révélés à la suite d’une longue enquête, le prouvent…

Le port d’Etaples, blotti dans l’estuaire de la Canche, respire la nature et la tranquillité.
Le port d’Etaples, blotti dans l’estuaire de la Canche, respire la nature et la tranquillité.
D.R.

Le port d’Etaples, blotti dans l’estuaire de la Canche, respire la nature et la tranquillité.

L’économie de la filière nautique de la grande région Nord – Pas-de-Calais – Picardie fait vivre directement ou indirectement 994 entreprises ou entités et 2 213 personnes, pour un chiffre d’affaires de 323 millions d’euros. C’est le résultat principal de l’étude que vient de réaliser le Pôle métropolitain de la Côte d’Opale, en partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie Nord de France et Côte d’Opale. On ne dénombre pas moins de 28 800 bateaux immatriculés, et le secteur est en pleine évolution : en 2014, quelque
3 252 permis – un record − ont été délivrés dans la région, tandis qu’ont été enregistrées 308 nouvelles immatriculations et 1 635 mutations.

Déjà en 2013, ces deux CCI avaient mené, en partenariat avec la Fédération des industries nautiques et le Réseau Plaisance Côte d’Opale, une étude sur la filière qui avait permis de mesurer le poids économique du nautisme dans le Nord-Pas-de-Calais. Cette fois, l’étude englobe la Picardie, ce qui porte à 270 km le linéaire côtier et à 681 km la longueur des canaux, fleuves et rivières susceptibles d’accueillir des loisirs ou des sports nautiques.

Quatre entités ont été principalement étudiées par Tapiau Poteau (CCI Nord de France), Sylvie Logié (Pôle métropolitain) et Julie Rault (CCI Côte d’Opale) : les ports de plaisance maritimes, les ports fluviaux, les prestataires de sports et loisirs nautiques, les entreprises (industries, commerces et services).

L’offre de pratique est d’abord maritime. De Dunkerque à Cayeux-sur-Mer (et son petit port du Hourdel, en baie de Somme), six ports publics (Dunkerque, Gravelines, Calais, Boulogne-sur-Mer, Etaples, Le Crotoy), six ports de plaisance associatifs et un prestataire privé de stockage à sec offrent 2 900 anneaux dont 300 pour les visiteurs, ce qui correspond, en appliquant les coefficients du code du tourisme, à 11 600 lits touristiques marchands.

L’escale de plaisanciers extérieurs (8 996 bateaux avec un total de 56 300 personnes à bord) représente une manne annuelle de 1,63 million d’euros. Si les Néerlandais sont les principaux étrangers accueillis (41%) devant les Belges (18%) et les Britanniques (15%), Boulogne est le port d’escale privilégié par nos hôtes avec près de la moitié des nuitées de bateaux en 2014 : 10 733 sur un total de 23 462 enregistré par les ports du Nord-Pas-de-Calais. Cette activité génère 34 emplois équivalents temps plein dans les ports et 2,35 millions d’euros de recettes (dont 70% sur la location d’anneaux à l’année et 19% de services proposés par le port). Sans doute faudra-t-il jouer davantage à l’avenir avec ce levier de croissance, car le chiffre d’affaires moyen annuel par port maritime dans notre région (291 700 €) est bien inférieur à celui observé en Bretagne (560 000 €). Heureusement, nos ports investissent : sur les dix dernières années, les seuls ports de plaisance publics, éléments majeurs de l’aménagement du territoire, ont consacré plus de 15 millions d’euros à la construction et à la rénovation.

 

Le port d’Etaples, blotti dans l’estuaire de la Canche, respire la nature et la tranquillité.

Le port d’Etaples, blotti dans l’estuaire de la Canche, respire la nature et la tranquillité.

Un bassin de navigation transfrontalier. La plaisance fluviale, qu’elle soit professionnelle (transport de passagers à bord d’embarcations) ou privée (petit bateau motorisé habitable ou non), profite de sa position charnière entre le Benelux et l’Ile-de-France. La somme injectée par ce tourisme fluvial dans l’économie régionale et locale, que ce soit par les dépenses de fonctionnement (carburant, maintenance, assurance, location d’anneaux) ou par celles occasionnées lors des navigations (loisirs, nourriture), est équivalente à celle du maritime (2,36 millions d’euros). Les auteurs de l’étude répertorient 18 ports de plaisance (avec 793 anneaux) et 48 haltes nautiques (avec 384 anneaux), correspondant à 4 708 lits touristiques marchands. En 2014, 34 242 passages ont été enregistrés aux différentes écluses du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. “Le développement de la plaisance, estiment Sylvie Logié et Tapio Poteau, passe par la reconnaissance de la complémentarité entre les ports maritimes et les ports fluviaux. Les premiers deviennent ainsi des portes d’entrée à l’hinterland et partie prenante d’une nouvelle offre touristique régionale.

À tous ces ports, il convient également d’ajouter 265 autres sites de pratique sportive ou de loisirs : baignades aménagées, activités aquatiques, pêche, plongée, aviron, canoë-kayak, eau vive… En pleine mutation de la pratique, le chiffre d’affaires de ces loisirs nautiques et véliques est monté à 35 millions d’euros dans la grande Région. Au total, 417 prestataires sportifs emploient 600 personnes. Les plus nombreux sont spécialisés dans les sports sous-marins (124) et la pêche de loisir (113).

Une répartition sur tout le territoire. Bien sûr, la Côte d’Opale est le premier territoire de la grande Région à accueillir les entreprises liées au nautisme : avec 72 des 222 entreprises (soit 33%), elle devance le Grand-Lille (22%), le Grand-Hainaut (11%), l’Oise (10%), l’Artois (9%), l’Aisne (6%), le Grand-Amiens (5%), le littoral picard (4%). Le négoce (de bateaux, de vêtements, d’accastillage et de matériel de pêche) et la maintenance-réparation représentent 64% de l’activité et 70% de l’emploi. Les autres secteurs sont les services, la location, la glisse, la construction ou la motorisation. À la différence d’autres régions, le tissu d’entreprises nautiques est ici constitué essentiellement de TPE. On n’a pas la chance de posséder une locomotive comme les gros constructeurs Beneteau ou Fountaine-Pajot, ou un pôle de course au large (110 emplois en Bretagne).

Après le constat, place à l’action. Déjà en 2010, Alain Lebel, administrateur référent Nord-Pas-de-Calais de la Fédération des industries nautiques, avait signé à Boulogne une convention avec les CCI “pour offrir aux professionnels du nautisme la possibilité de bénéficier d’une information spécialisée sur la filière et sur la vie des entreprises dans une logique de guichet unique de proximité“. Si la Fédération demeurait l’interlocuteur principal des professionnels pour toutes les questions techniques propres au nautisme (technique, réglementaire, juridique, social…), les CCI s’engageaient à offrir un accompagnement basé sur les spécificités du territoire concerné. Particulièrement novateur, cet accord de partenariat figurait parmi les premiers de cette nature en France. Il faut aller plus loin.

Les auteurs de l’étude préconisent aujourd’hui un schéma de développement de la filière nautique régionale. “Dans le cadre de la troisième révolution industrielle, conseillent-ils, il faut rechercher de nouveaux gisements d’emplois, notamment dans plusieurs directions : location, démantèlement des bateaux hors d’usage, création d’une filière de déconstruction et de recyclage, dépollution, énergies renouvelables… L’enjeu est important : on considère qu’à 100 anneaux de plaisance correspondent entre 0,5 et 3 emplois, directs et indirects, à travers les dépenses d’escale des visiteurs, mais aussi 10 emplois dans toute la filière nationale : construction navale, fournisseurs de services ou de matériel.

  L’étude est téléchargeable sur www.plaisance-opale.com

Wauquiez : 50 ans de succès dans le nautisme de luxe

Le Nord-Pas-de-Calais abrite depuis un demi-siècle l’un des fleurons français de la construction de voiliers haut de gamme : Wauquiez.

Elisabethan, Prétorien, Gladiateur, Hood, Chance, Amphora, Centurion, Pilot Saloon… ont marqué l’histoire de la plaisance internationale. Certaines séries ont même connu des succès que n’aurait jamais imaginés le créateur du chantier en 1965, Henri Wauquiez : le Centurion 32 a été vendu à 380 exemplaires entre 1968 et 1977, le Gladiateur à 299 durant la période 1977-1986. Au total, la société a mis sur l’eau quelque 2 500 bateaux. Début 2015, c’est encore un dernier-né de la famille Wauquiez qui a été couronné au European Yacht of the Year 2015 à Dusseldorf, dans la catégorie “reine des croiseurs de luxe” : le Centurion 57 est racé, puissant, maniable comme un voilier de course, mais aussi confortable, élégant et luxueux qu’un yacht de grande tradition. La gamme actuelle va de l’Optio – le premier daysailer de la marque (9 mètres) − au Pilot Saloon de 65 pieds, pour des prix de vente compris entre 15 000 et 950 000 euros.

Depuis 2011 adossé à un groupe industriel, le transformateur d’acier isérois Experton-Revollier qui lui a redonné de la visibilité, le chantier de Neuville-en-Ferrain, à proximité de Lille, et ses 53 salariés vont gagner en espace de travail sur un site de 4 hectares, dont 20 000 m² de bâtiments rachetés à son ancien actionnaire Bénéteau. Wauquiez Boats demeure aujourd’hui l’un des rares chantiers à perpétuer une fabrication artisanale 100% made in France et à posséder encore son propre atelier de menuiserie et un bureau d’études intégré qui participe activement à la conception des futurs modèles. Les tecks (rigoureusement sélectionnés) y sont travaillés sur mesure et posés latte après latte par les ébénistes. Les coques sont moulées en utilisant des résines bisphénoliques pour les couches extérieures afin d’assurer une longue et saine vie aux voiliers. Réalisé en sandwich balsa et selon la technique de l’infusion pour un ratio résine/fibre optimal, ce procédé  développé pour les voiliers de compétition offre un gain de poids important, une excellente rigidité et une parfaite isolation thermique et phonique. Pour l’aménagement de ses voiliers, le chantier fait la part belle au bois, au cuir, au verre et à l’inox. Certains modèles peuvent exiger jusqu’à mille heures de travail.