Féminicide à Bordeaux en 2021: 30 ans de réclusion requis

Un "guet-apens" qui "n'a laissé aucune chance" à son ex-compagne: l'avocate générale a requis vendredi 30 ans de réclusion contre Mickaël Falou, jugé depuis mercredi devant les assises de Gironde pour ce que...

Le dossier d'un homme accusé d'avoir poignardé mortellement son ancienne compagne, jugé au palais de justice de Bordeaux, le 29 janvier 2025 © Christophe ARCHAMBAULT
Le dossier d'un homme accusé d'avoir poignardé mortellement son ancienne compagne, jugé au palais de justice de Bordeaux, le 29 janvier 2025 © Christophe ARCHAMBAULT

Un "guet-apens" qui "n'a laissé aucune chance" à son ex-compagne: l'avocate générale a requis vendredi 30 ans de réclusion contre Mickaël Falou, jugé depuis mercredi devant les assises de Gironde pour ce que les parties civiles qualifient de "féminicide annoncé".

"Il a eu le dessein d'aller tuer Sandra Pla", retrouvée poignardée de 50 coups de couteau le 2 juillet 2021 chez elle à Bordeaux, a déclaré l'avocate générale Véronique Compan qui a insisté sur un "massacre" dans une "scène de violence inouïe".

L'accusé âgé de 40 ans, que la victime avait quitté quelques mois auparavant, s'était caché plusieurs heures dans une remise du jardin de la mère de sa fille, "équipé d'une petite gourde, d'un miroir, d'un t-shirt, de barres de céréales" et avait enlevé "la puce de son téléphone pour ne pas se faire détecter", a décrit l'avocate générale. 

Pour retenir la notion "d'assassinat", comme l'a fait Mme Compan, l'auteur des faits doit soit avoir prémédité son geste, soit avoir mis en place un guet-apens. C'est cette dernière notion qui a été choisie par l'avocate générale.

"Il l'a attendue, il l'a surprise, il l'a terrifiée et il l'a tuée", a-t-elle ajouté, estimant que c'était une "circonstance à retenir pour considérer qu'il est l'auteur d'un assassinat sur Sandra Pla". 

La peine de 30 ans de réclusion est requise avec une période de sûreté des deux tiers. 

L'avocate générale, reprenant les termes utilisés par les experts psychiatres, a dépeint "un être arrogant, vaniteux, autocentré" et estimé que "Sandra Pla fait partie de ces victimes qu'on qualifie de féminicide".

Un fléau

C'est important de "lutter contre ce fléau", a-t-elle ajouté regrettant des "retards dans la prise en charge de cette jeune femme", qui avait alerté la justice durant des mois sur les violences et le harcèlement qu'elle subissait, en déposant des plaintes et des mains courantes.

Elle a également jugé "terrible pour la justice" que les faits soient survenus trois jours après le placement de Mickaël Falou en garde à vue, puis sous contrôle judiciaire avec interdiction d'entrer en contact avec son ex-compagne, pour une plainte de harcèlement.

"Ca me hante d'avoir tué Sandra", a déclaré l'accusé qui tout au long de son procès a irrité la cour par son comportement "insupportable" comme l'ont décrit ses avocates elles-mêmes.

Entre deux sanglots, il a redit son sentiment "de ne pas être compris". Niant depuis le début toute préméditation, M. Falou n'a jamais réussi à expliquer les coups de couteau, une scène dont il dit ne pas se souvenir.

Il dit aussi ne pas se souvenir d'avoir vu sortir, le jour des faits, un homme qui avait passé la nuit avec Sandra Pla, alors que depuis sa position, l'accusé l'a forcément aperçu, selon les enquêteurs.

"Amnésique quand ça l'arrange", a ironisé vendredi Me Del Risco, avocat du père de Sandra Pla, pour qui Mickaël Falou "a voulu effacer totalement" la jeune femme, en la lacérant de coups de couteau.

Pas de jalousie

Me Elsa Crozatier, qui représente la mère, le beau-père et le frère de la victime, la mort de Sandra Pla est un "féminicide annoncé. (...) et les féminicides ne sont pas un hasard. C'est toujours les mêmes mécanismes".

Une position réfutée Me Elena Badescu, qui considère, au contraire, que son client "n'a pas tué (son ex-conjointe) parce que c'était une femme, parce qu'il la considérait comme sa chose" et qu'il "n'y avait pas de possession, pas de jalousie".

M. Falou n'a "pas de condamnation pour violence" à son casier judiciaire, renchérit son autre avocate, Me Anaïs Divot.

Les parents de Sandra Pla avaient, pendant quelques mois, déménagé chez leur fille, où une sonnette avec visiophone et une caméra de surveillance avaient été installées après qu'elle avait annoncé à M. Falou son départ du domicile conjugal fin décembre 2020.

Une des voisines de Sandra Pla, appelée à témoigner, a expliqué qu'elle voyait régulièrement l'accusé "rôder" autour de la maison de la victime, qui était "terrorisée".

Le verdict est attendu vendredi soir.

En 2023, 96 femmes ont été victimes de féminicide conjugal en France, un chiffre en baisse de 19% par rapport à 2022, selon le bilan du ministère de l'Intérieur publié le 26 novembre 2024.

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