Etat et prospectives dans le recyclage

Dans une étude sur la filière RH du secteur du recyclage, le cd2e de Loos-en-Gohelle met le doigt sur une problématique qui compte dans l'économie circulaire que l'association appelle de ses vœux.

Réalisé par le cd2e (Création de développement des éco-entreprises) qui fête son douzième anniversaire à Loos-en-Gohelle, «Etat des lieux et analyse des besoins en matière de formation des actifs de la filière recyclage valorisation matière» dans le Nord-Pas-de-Calais est un document qui fourmille d’idées. L’étude, soutenue par le Conseil régional et l’Etat, s’est appuyée sur l’université d’Artois et met en exergue l’enjeu crucial de «l’économie circulaire par le recyclage». Trois cadres, un ingénieur, un chercheur et deux personnes œuvrant dans la formation ont formé l’équipe réunie autour de trois objectifs : «observer la capacité des entreprises à percevoir les enjeux et évolutions de la  filière impactant leurs ressources humaines ;  identifier les obstacles au développement des entreprises dus aux ressources  humaines ;  préconiser des actions correctives ou prospectives à courte ou moyenne échéance,  notamment en termes de propositions de formation à destination des acteurs de la  filière». Si le panel reste «court» (253 entreprises étudiées), l’étude montre comment entrer dans la green economy via les ressources humaines.

Repères. Les déchets en France (près de 800 millions de tonnes/an) se répartissent comme suit : 48% proviennent de l’agriculture ; 33% sont issus du BTP et de la construction ; 14% découlent des activités industrielles et tertiaires. A peine 4% sont produites par les ménages, tandis que les collectivités ne sont responsables que d’1%. Côté recyclage, 40% des matériaux sont recyclés, mais 60% des matières ne le sont pas (chiffres 2010). Les taux de recyclage varient selon la nature des déchets : 57% des emballages, moins de 14% des équipements électroniques et électriques, 30% des huiles usagées ou des pneus, 40% pour un véhicule… La marge de progression reste donc importante. La responsabilité élargie du producteur conduit ce dernier à s’y investir de plus en plus ; son besoin en personnel est bien un enjeu de la filière. Car des emplois devront être créés pour faire face à la hausse attendue des taux de recyclage dans certains sous-produits, des taux aujourd’hui très bas selon les auteurs de l’étude : «les produits manufacturés (ameublement, VHU, DEEE et textile) ;  les  composants (emballages, pneumatiques, piles et accus) ;  les déchets chimiques des ménages ; les matières plastique qui restent le parent pauvre des REP du fait de leurs  faibles masses et coûts ;  de même pour le réemploi qui ne décolle pas vraiment (sauf dans le textile-friperie exporté)». L’étude permet d’ailleurs d’avoir un aperçu des personnels de la filière : 91% des emplois sont des CDI, 5% des contrats d’insertion, 4% des CDD et de l’intérim ; 75% sont des opérateurs, 15% des cadres et 10% des techniciens intermédiaires. Le marché du recyclage étant composé de petites et moyennes entreprises, la structuration de la ressource humaine est jugée importante, et donc stable. Parmi les entreprises sollicitées pour l’étude, 50 ont recruté en 2011. Sur la même année, le solde d’emploi est positif (423 recrutements pour 359 départs sur l’échantillon étudié). Le turn-over montre bien que l’évolution de carrière est grande. Pour l’heure, l’essentiel de la main-d’œuvre se situe chez les opérateurs, en particulier dans le tri, très chronophage.

Segments et préconisations. Dans quatre segments clés du recyclage, les recrutements restent majoritaires chez les opérateurs et techniciens (voir schéma ci-contre). Les difficultés de recrutement touchent la plupart des postes : exploitation, ingénierie, expertise, techniciens de maintenance et comptables expérimentés. Les raisons sont multiples selon l’étude : manque de candidats ou de leur adaptabilité (17% chacun), manque d’expérience professionnelle (9%),  inadéquation de la formation (7%), et niveau de rémunération (4%). Pour s’ajuster, les entreprises développent des plans de formation «souvent dépassés». La polyvalence avance lentement. A noter que les actions de formation concernent premièrement (22%) le secteur commercial. Viennent ensuite l’exploitation (15%), puis la qualité. La moitié des plans de formation sont relatifs à l’industrialisation de la chaîne des déchets : «une mutation industrielle du secteur est en marche» écrivent les auteurs du rapport. En effet, «l’enjeu est bien de passer d’une logique artisanale vers une logique industrielle orientée vers la qualité client», ajoutent-ils. L’étude conseille de monter en gamme au regard des axes de formation : “Une formation sur le management de la qualité et les compétences associées à ce type de démarche s’avère des plus utiles.» La multicompétence est également préconisée : «plusieurs gisements de déchets (….), différentes matières (…), différentes consignes”, les agents font souvent plusieurs métiers à la fois. Des formations plus longues sont aussi nécessaires, notamment sur les matières dangereuses. Au final, l’étude a mis à jour des données qui, une fois analysées, ont permis d’«observer une faible capacité des entreprises à percevoir les enjeux et évolutions de leur filière impactant leurs ressources humaines ; identifier plusieurs obstacles (…) comme le manque d’acculturation des entreprises aux mécanismes réglementaires  spécifiques à la filière et relatifs à la GPEC et plus particulièrement aux modalités de mise en œuvre et de financement de la formation continue».

Du chemin a été parcouru, mais la filière − encore jeune et relativement peu étoffée − prend à peine conscience de la taille de l’enjeu dans laquelle elle entre.