Et si les forêts étaient au cœur du monde de demain ?
C'est aujourd'hui que l'on construit l'avenir dont l'un des enjeux est la lutte contre le réchauffement climatique. Un enjeu qui englobe de nombreux défis et parmi eux, la forêt et le bois. Dans les Hauts-de-France, l'association interprofessionnelle régionale Fibois préconise la redynamisation de la filière et l'utilisation des circuits courts pour s'inscrire totalement dans la troisième révolution industrielle en mettant les bois et forêts au cœur de la stratégie.
La forêt représente une source de bien-être et constitue le poumon de la planète. Une image inscrite dans l’inconscient collectif se traduisant par le respect des arbres et de l’écosystème environnant. La forêt est paisible, inspirante et même magique. Oui, mais elle est aussi stratégique, intégrant le pan sociétal, environnemental et économique. C’est ce qu’on appelle le modèle de multifonctionnalité de la forêt. La vision moins romantique du bûcheron et des entreprises qui exploitent le bois est intégrée dans une filière qui préserve la forêt dans une dynamique de gestion, de recherche et de développement, en pleine transformation.
En France, trois entités régissent la filière bois-forêt : France bois qui est du côté de la gestion (culture, plantation, préservation…), France bois industrie entreprises (FBIE) qui s’occupe de l’industrialisation du bois, et Fibois, l’association qui fédère tous les acteurs de la filière. Cette dernière est très active en région, notamment dans les Hauts-de-France, une des régions les moins forestières de France mais dont le bois est l’un des plus industrialisés. «Nous ne sommes pas des massacreurs de forêts, rappelle Olivier Fossé, président de Fibois Hauts-de-France. À chaque arbre coupé, un arbre est replanté, et nous ne déforestons pas. Nous ne saccageons pas non plus les forêts car nous les exploitons de façon responsable, et ceux qui le font sont des professionnels.» Cette mise au point est essentielle car cette préservation est vitale pour la transition écologique.
La gestion forestière : nouveaux enjeux ?
Dans un rapport de juin 2017 de l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière), une étude a simulé les effets de trois scénarios contrastés de gestion forestière. Au travers des résultats de cette étude, «il apparaît que le rôle de la filière forêt-bois française dans l’atténuation du changement climatique devrait s’accentuer d’ici 2050», précise-t-elle. Elle confirme également le rôle central de la filière forêt-bois française dans l’atténuation du changement climatique : «Au stockage de carbone dans la biomasse forestière, s’ajoutent les bénéfices importants à attendre d’une accélération des usages du bois en tant que source d’énergie et surtout en tant que matériau. Ce second facteur, qu’une gestion forestière active et une politique volontariste de plantations pourraient favoriser, jouerait en outre un rôle d’autant plus crucial que les conditions climatiques auraient tendance à se dégrader ou que la forêt subirait des crises biotiques ou abiotiques de grande ampleur».
C’est toute la réflexion régionale mais aussi nationale : le Gouvernement étudie actuellement ces questions afin de les intégrer dans son plan de relance actuel. L’association Fibois, impliquée dans cette problématique environnementale, a notamment émis des propositions de contribution de la filière forêt-bois des Hauts-de-France au rapport parlementaire, dont la députée Anne-Laure Cattelot est chargée (voir encadré). Au cœur de sa stratégie ? Le local et les circuits courts. «L’objectif est de créer un cercle vertueux avec plus de transformations en région. Nous avons une richesse forestière française avec des essences spécifiques dans chaque région ainsi que de nombreuses entreprises et professionnels. Pourquoi transformer en Chine quand nous pouvons le faire davantage dans nos territoires ? L’idée n’est pas de créer de grosses industries mais de gérer les forêts tout en préservant le tissu rural et en créant une filière dynamique grâce aux circuits courts», clame Olivier Fossé.
Pour cela, Fibois Hauts-de-France appelle le Gouvernement à mettre en place une politique proactive dans ce sens. «Depuis plus de dix ans, la filière partage avec le Conseil régional l’ambition de développer l’utilisation des bois issus de nos forêts, en particulier dans la construction, la rénovation et les aménagements extérieurs. Pour que la transformation en région de ces bois locaux puisse se développer, face aux puissants lobbies des autres matériaux, des mesures cruciales sont nécessaires», évoque-t-il. Actuellement, Fibois Hauts-de-France et la Région ambitionnent de replanter un million d’arbres.
Le peuplier, source régionale
Du côté des essences, la région Hauts-de-France se distingue par une forêt composée à 92% de feuillus (chêne, hêtre, frêne, peuplier…). L’intérêt pour le peuplier, à la réputation grandissante pour ses propriétés mécaniques et esthétiques, est de plus en plus grand de la part des industriels comme des constructeurs. La région se situe dans le deuxième bassin populicole européen ; elle a donc développé une expertise en devenant même une terre d’expérimentation pour le développement du feuillu dans la construction et la structuration de filières autour de cet axe. «Nous n’avons pas de sapins et le peuplier est utilisé pour les cagettes des légumes ou les palettes. Nous avons réussi à l’intégrer dans des constructions de bâtiments», note le président régional. Mais, selon l’association, le Gouvernement doit aussi intervenir. «Un plan ‘peuplier’ doit être travaillé en région, cette année 2020, pour soutenir cette filière. Son but essentiel est de communiquer et de soutenir la replantation : depuis 15 ans, on ne replante que les deux tiers des peupliers que l’on coupe», explique Olivier Fossé.
Car si les forêts sont une solution contre le réchauffement climatique, ce dernier peut leur être fatal. En effet, les forêts des Hauts-de-France sont confrontées actuellement à des crises sanitaires d’ampleur et de caractère exceptionnels, générant de très importantes surfaces à reboiser : on constate un dépérissement adulte, un échec de renouvellement lié aux contraintes climatiques (manque d’eau), la pression des hannetons qui s’attaquent aux racines des arbres ou encore la chalarose (une maladie provenant de champignons très virulents) sur les frênes ou l’attaque de scolytes (sous-famille d’insectes coléoptères). «Nous devons nous aussi faire face à ces défis du réchauffement pour protéger la forêt», continue-t-il.
La redynamisation de la filière
La forêt est donc un acteur majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique qui, dans son exploitation raisonnée, demande, selon Fibois Hauts-de-France, «plus de dialogue entre les acteurs de la filière et davantage de transversalité pour que les gens échangent, se parlent au niveau national comme on le fait au niveau régional, dans le but de redynamiser la filière». Mais toute cette redynamisation ne peut se faire sans davantage de moyens. «Il faut tripler les moyens en matière de reconstitution et de renouvellement dans les forêts privées et publiques, en plus des moyens courants pour la bonne mise en œuvre des aménagements sur toutes les surfaces restantes. Il faut plus de moyens pour une filière plus stable», continue-t-il. Parce que, si la filière-bois se redynamise, la compétitivité s’accroît.
Enfin, le renforcement du tissu industriel de la première transformation du bois est au centre des préoccupations. Par exemple, «pour conforter le développement de nos scieries et au-delà de la seconde transformation et de toute la chaîne aval, le Gouvernement doit apporter un appui ferme à la mise en avant du bois français dans tous les usages, détaille son président, et développer une offre de transformation industrielle régionale plus solide peut contribuer à une réorientation d’une partie des flux partant actuellement à l’exportation». Cette redynamisation est vertueuse et écologique : l’utilisation du bois dans les constructions exploite aussi d’autres matériaux biosourcés.
Quid de Fibois Hauts-de-France ?
Fibois Hauts-de-France, dont le siège se situe à Amiens, est l’association interprofessionnelle et le pôle d’excellence régional de la filière forêt-bois en Hauts-de-France. C’est un lieu de rencontre, d’échange et de concertation : l’association fédère et représente tous les acteurs de la filière (du propriétaire forestier au constructeur bois, en passant par les scieurs, charpentiers…), toutes celles et ceux qui contribuent à faire pousser du bois, à le récolter, à le transporter, à le transformer et à le mettre en œuvre. Fibois anime également Bois&Vous, un réseau d’acteurs dont le but est de mettre en relation les différents maillons de la filière forêt-bois.
La filière bois-forêt au cœur d’un rapport gouvernemental
Depuis le 22 janvier 2020, le Premier ministre a missionné la députée Anne-Laure Cattelot pour faire des recommandations englobant l’adaptation de la forêt française au changement climatique, son rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi la question des usages de la forêt et du modèle de multifonctionnalité. Pour ce faire, elle a rencontré de nombreux acteurs de la filière forêt-bois, tant au niveau national que régional. La région Hauts-de-France a été choisie pour l’une de ces rencontres, le 4 juin dernier, tenue à Mello, dans l’Oise, pour visiter une peupleraie, et à Cambronne-lès-Clermont, dans l’Oise également, pour visiter l’école communale construite en bois d’essence régionale (peuplier) et paille locale. Ce rapport est très attendu pour être intégré dans le plan de relance du Gouvernement afin de remettre cette filière au cœur des enjeux environnementaux.
La filière bois-forêt en Hauts-de-France en chiffres
- 92% de feuillus (chêne, hêtre, frêne, peuplier…).
- 8 800 entreprises.
- 42 000 emplois.
- 11e région (sur 13) en surface forestière.
- 5e région dans l’industrialisation du bois dans la construction.