Environnement

Érosion côtière : une ordonnance pour accompagner les territoires et les habitants concernés

La loi Climat et résilience, promulguée le 24 août 2021, prévoyait plusieurs dispositions visant à adapter les territoires littoraux aux effets du changement climatique, et en particulier, au recul du trait de côte. Une ordonnance du 6 avril dernier vient compléter ces dispositions.

L’érosion, qui touche un cinquième du littoral français, est un phénomène naturel mais amplifié par le réchauffement climatique. (c)AdobeStock
L’érosion, qui touche un cinquième du littoral français, est un phénomène naturel mais amplifié par le réchauffement climatique. (c)AdobeStock

L’érosion, qui touche un cinquième du littoral français, est un phénomène naturel mais amplifié par le réchauffement climatique. Elle se traduit par un recul du rivage qui provoque un risque de submersion progressive du littoral menaçant les espaces naturels, mais exposant aussi les zones urbanisées. 

Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (cerema) estime que, d’ici 2100, jusqu’à 50 000 logements pourraient être concernés par ce risque de submersion. 

Face à ce défi d’adaptation, il est nécessaire d’anticiper la relocalisation progressive de l’habitat et des activités affectés par l’érosion. En anticipant ces phénomènes, l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 crée les conditions nécessaires aux nouveaux aménagements à venir.

Pour les propriétaires : une méthode d’évaluation de leurs biens

Dans le cadre d’une procédure d’expropriation ou de préemption dédiée au recul du trait de côte (art. L. 219-1 et suivants du Code de l’urbanisme), l’ordonnance définit une méthode d’évaluation de la valeur du bien concerné.

La valeur d'un bien immobilier sera en priorité déterminée par comparaison, au regard des références locales entre biens de même qualification et situés dans la même zone d'exposition à l'érosion ( zéro à 30 ans).

En l’absence de telles références, une décote proportionnelle à la durée de vie résiduelle prévisible pourra être appliquée à la valeur du bien estimée hors zone d'exposition au recul du trait de côte.

Pour les locataires : un nouveau bail réel longue durée

L'ordonnance du 6 avril crée un bail réel de longue durée : le bail réel d’adaptation à l’érosion côtière. Ce nouveau type de contrat pourra être conclu entre un bailleur public et un preneur, en vue d'occuper ou de louer, d'exploiter, d'aménager, de construire ou de réhabiliter des installations, ouvrages et bâtiments situés dans les zones exposées au recul du trait de côte. La durée du contrat est fixée entre douze et 99 ans.

Un mécanisme de résiliation anticipée du bail est prévu lorsque « la sécurité des personnes ne peut plus être assurée ». Cette résiliation de plein droit sera déclenchée par le maire ou le préfet. Le preneur s’acquitte d’un prix à l’entrée, puis d’une redevance foncière pendant toute la durée du bail. Ce type de bail est cessible, mais le prix de cession est encadré pour prévenir des situations où les droits réels seraient cédés à une valeur disproportionnée au regard de la durée de vie résiduelle du bien.

Pour les communes : des dérogations possibles à la loi Littoral

Pour faciliter la mise en œuvre des opérations de relocalisation des installations et constructions de certaines communes menacées par l'érosion, l'ordonnance autorise des dérogations à la loi Littoral. 

L’une des mesures phare de la loi Littoral, inscrite à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, prévoit, en effet, que l’urbanisation ne puisse s’effectuer qu’ « en continuité avec les agglomérations et villages existants ». Cette disposition représentait, bien entendu, un frein à l’aménagement urbain des communes victimes de l’érosion du trait de côte.

Par suite, l’ordonnance du 6 avril prévoit, à l’article L. 312-9 du Code de l’urbanisme, qu’une dérogation à ces dispositions est possible, après accord du préfet et avis de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites, lorsqu’elles « empêchent la mise en œuvre d'une opération de relocalisation de biens ou d'activités menacés dans des espaces plus éloignés du rivage, moins soumis à l'aléa du recul du trait de côte »

Les contrats de Projet partenarial d'aménagement sont déjà expérimentés sur trois territoires littoraux pilotes, dont celui de Saint-Jean-de-Luz. (c)AdobeStock

Seules sont concernées les communes incluses dans le régime spécifique au recul du trait de côte créé par la loi Climat et résilience. Ces communes doivent être engagées dans une démarche de Projet partenarial d'aménagement (PPA).

Les contrats de PPA sont déjà expérimentés sur trois territoires littoraux pilotes : Lacanau, Saint-Jean-de-Luz (Nouvelle-Aquitaine), et Gouville-sur-Mer (Normandie). Ces trois territoires pilotes bénéficient d’un financement de 10 millions d’euros du plan France relance, indique le compte rendu du Conseil des ministres du 6 avril dernier.

À noter : un projet de loi ayant pour unique objet de ratifier l’ordonnance du 6 avril 2022 relative à « l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte » a été adopté en Conseil des ministres, le 20 avril, et déposé dans la foulée au Sénat.