Entretien avec Frédérique Macarez, maire de Saint-Quentin
Saint-Quentin, plus importante ville de l'Aisne en terme de population avec près de 53 000 habitants, se veut tournée vers l'avenir et un dynamisme économique retrouvé. Cette ville historiquement industrielle compte quelques poids-lourds économiques comme Yamaha ou l'Oréal. Frédérique Macarez, maire depuis 2016, présidente de la communauté d'agglomération du Saint-Quentinois depuis 2020, développe les principaux axes de son action.
De quelle manière gérez-vous votre commune et quelle est votre philosophie d'action ?
Ce sont d'abord d'être
utile à la population et au territoire et d'être ambitieux pour
avancer. Cela tout en veillant à ce que les services du quotidien et
la proximité fonctionnent. Il est important de donner la ligne
directrice que ce soit par rapport aux négociations qu'on doit
mener, aux idées qu'on met en place sur un territoire et quand on
travaille avec des partenaires également. L'un des sujets qui m'a le
plus intéressé est la question de l'enseignement supérieur, le
fait de structurer cette offre, de permettre à la jeunesse de se
former sur place, de réfléchir avec des chefs d'entreprises aux
besoins qui étaient les leurs et ensuite de partir à la négociation
avec des acteurs du domaine. Nous avons 2500 étudiants et nous en
avons gagné 250 en 4 ans et l'un des éléments dont je suis la plus
fière est la création de l'école d'ingénieurs publique montée
avec l'Université de Picardie Jules-Verne et qui a ouvert l'an
dernier. Nous leur prêtons des locaux et nous sommes en train d'en
construire pour eux à l'écoquartier du Maréchal-Juin. La jeunesse
est aussi un marqueur très fort avec la création d'un service
complet dédié à la jeunesse et d'une maison des adolescents, sur
le médico-social. Et il y a aussi la partie économie avec le
déploiement des zones d'activités qui se remplissent bien ou encore
le totem robonumérique qui va être construit à partir de début
2025 pour accueillir des entrepreneurs dans ce domaine.
Les zones d'activités sont bien pleines à tel point que vous souhaitez en créer une nouvelle ?
Nous arrivons un peu à
l'étroit en effet, nous avions deux zones sur lesquelles nous avions
encore un peu de terrains en début de mandat et l'une de ces zones
est complète, pour la seconde, il reste peu de réserve foncière et
nous avons enclenché des dossiers confidentiels de potentielles
entreprises arrivantes. C'est pourquoi nous menons des études
techniques pour étudier les futurs terrains. Nous avons repéré
deux à trois terrains pouvant accueillir cette nouvelle zone, nous
allons regarder quels seront les besoins des industriels pour qu'on
soit connectés à leur typologie de taille de terrain, les
connexions en transport, la question de l'accès à l'eau et du
raccordement électrique. On part un peu sur une extension du Parc
des Autoroutes et de la ZI du Royeux pour peut-être se raccorder à
une route existante, ce qui est mieux en terme de coûts. Je suis
fille d'agriculteur donc attachée à garder des terres agricoles et
je comprends la loi ZAN mais s'il faut accueillir une industrie
lourde, on ne peut pas faire n'importe quoi et la placer sur une
friche en centre-ville.
La ville se distingue aussi par la construction et rénovation de nombreux logements ces dernières années, c'est une preuve de dynamisme ?
Nous sommes un peu
atypiques dans ce domaine parce que ça s'est arrêté de construire
globalement en France et le secteur du BTP est à la peine. Comme
tout projet, il faut l'enclencher 4-5 ans avant pour en récolter les
fruits et depuis que je suis maire, nous avons travaillé sur 3
champs : la démolition de friches avec de la construction
neuve, des réhabilitations de logements existants au niveau des
bailleurs, et la réhabilitation d'espaces privés plus contraints,
plus difficiles avec parfois des îlots à reprendre et des fonds à
lever. Depuis 2020, nous sommes à 800 logements neufs construits.
Sur le quartier Europe, nous avons un programme de rénovation
urbaine avec 960 logements en rénovation et plus de 120 millions
d'euros engagés.
Dans une ville de près de 53 000 habitants, comment maintient-on la proximité avec les habitants ?
On le fait par les
services de proximité et par les moments qu'on vit ensemble. Nous
nous sommes battus pour conserver des services à la population comme
la Poste récemment où il y avait un risque de perdre une agence au
quartier Saint-Martin, mais aussi les centres sociaux qu'on a
réhabilité. C'est important dans un moment qui est à la fois plus
numérique et plus individualiste aussi. Les centres sociaux sont le
pivot de l'action de quartier, ils doivent être des lieux de
rencontre où on doit être bien accueillis pour faire une activité,
pour être ensemble et se sentir bien. Les récompenses, ce sont les
ateliers cuisine qui sont plein, ce sont les familles qu'on arrive à
faire partir en vacances à moindre coût... Nos quartiers ont une
vitalité forte avec plus de 500 associations et nous restons une
ville industrielle, de tradition ouvrière où la solidarité voulait
dire quelque chose et cela s'est transmis. Nos fêtes populaires sont
par exemple des fêtes qui ressemblent à celles du nord et attirent
énormément la population.
Comment se dessine l'économie saint-quentinoise ?
Nous avons eu certains
éléments intéressants : les entreprises déjà présentes sur
le territoire ont fortement investi et ont grandi et puis nous avons
eu également l'arrivée d'entrants sur des domaines d'activités
assez divers, ce qui est important parce qu'il ne faut pas être mono
activité. Yamaha a fait le choix d'investir, de recruter, de
basculer en partie sur du vélo électrique, les deux usines L'Oréal
sont toutes les deux en cours d'extension, Vabel aussi s'est
agrandie, Lu-Mondelez a reconstruit son usine. Et puis Amazon, cela
pèse aussi, ils proposent des emplois avec peu de diplômes requis
et ça correspond aussi à une partie de la population. Tout cela
donne une promesse d'employabilité plus forte et nous avons soutenu
cela, avec notre opérateur Itinéraire Emploi, qui arrive à mettre
en connexion des demandeurs d'emplois et des chefs d'entreprise. Et
puis nous continuons à construire les niveaux de formations qui
correspondent aux besoins des entreprises, nous avons par exemple
lancé cette année un BTS assurances avec Laho et la CCI, et en
janvier, on va ouvrir le diplôme d'auxiliaire de puériculture parce
qu'il y aura un besoin accru. Et nous lançons aussi une formation de
maître-nageur, on en manque partout en France, et nous pourrons
financer les formations si la personne s'engage à rester avec nous
durant un certain temps.
Peut-on dire que vous préférez voir s'implanter de l'industrie plutôt que de la logistique ?
La logistique est
importante, quand on a des grands groupes bien enracinés comme
Houtch et Blondel, qui se développent ici, c'est très important et
ils ont toute leur place. Ce sont des acteurs qui ont une visée
patrimoniale et qui veulent s'investir ici quand parfois dans
certains groupes étrangers, la prise de décision se fait ailleurs
et ça peut impacter notre économie locale. La logistique compte
beaucoup, il peut y avoir de la préparation de commande, du
conditionnement, ce qui peut correspondre aux profil d'emplois du
territoire et puis il faut aussi faire de la logistique autrement en
ne s'étalant plus comme avant sur de grandes surfaces.
Vous avez de grandes projets comme celui de réaménager complètement le parvis de la basilique, est-ce que l'attractivité du territoire passe par l'amélioration du cadre de vie ?
Complètement, la
basilique, c'est vraiment le cœur de la ville de Saint-Quentin.
C'est le lieu de la création de la ville, créée autour du culte de
Quentin avec la première église qui s'y est édifiée. Toute
l'histoire de la ville passe par là et c'est en plein centre, en
hauteur, c'est un point de repère. Il fallait qu'il y ait des
connexions en transport, des connexions piétonnes et que ce soit un
point de rencontre. On y plante tout de même 90 arbres au passage,
et ils vont se situer dans le prolongement des arcs-boutants de la
basilique. Ce sera un véritable espace de rencontre pour les
habitants et un atout touristique pour valoriser la basilique encore
davantage.
Quelle est votre vision de la ville à moyen et long terme ?
Ce qui va beaucoup compter ce sera de continuer à travailler pour développer l'emploi avec le dossier de la zone d'activités et sur l'enseignement supérieur. On continue à investir dans la ville, nous sommes en train de finaliser l'éco-quartier du Maréchal-Juin au faubourg d'Isle. Tous les logements sont livrés, les espaces publics aussi et la résidence étudiante est en cours de construction, livrée en septembre avec la maison de service aux étudiants. Et on va commencer la construction de l'école d'ingénieur et du totem robonumérique en janvier. Après, nos enjeux seront financiers, nous avons eu un mandat difficile et il a fallu tenir la baraque. Le contexte est compliqué avec l’État qui n'a plus d'argent, le Département non plus. Nous avons toujours été responsables mais on ne fera rien qui dégrade la vie des gens comme de freiner le nombre de place en cantine, ça n'est pas possible par exemple. On ne pourra pas non plus arrêter les actions de solidarité avec les habitants dans les centres sociaux. Dans un autre domaine, nous travaillons à valoriser la voie d'eau dans la ville, un espace naturel très important. Nous aimerions en faire un élément fort de la structuration du territoire de l'agglomération du Saint-Quentinois du nord au sud puisque ça traverse l'intercommunalité, notamment le chemin de halage et le vieux port. Nous travaillons à chiffrer, financer des investissements pour les mettre en valeur.
Saint-Quentin, en chiffres
52 958 habitants (Ville)
79 401 habitants (agglomération)
4
897 entreprises actives
120
millions d'euros engagés dans le programme de rénovation urbaine du
quartier Europe
800 logements neufs construits depuis 2020
Le parvis de la basilique en pleine transformation
C'est l'un des grands projets de la ville qui doit être livré d'ici la fin de l'année : le parvis de la basilique se transforme. Hier dégradé, cet espace doit renaître et devenir beaucoup plus qualitatif avec des espaces verts et devenir un lieu central et d'échanges avec les différents modes de transport. « La basilique, c'est vraiment le cœur de la ville de Saint-Quentin. C'est le lieu de la création de la ville, créée autour du culte de Quentin avec la première église qui s'y est édifiée, rappelle Frédérique Macarez. Toute l'histoire de la ville passe par là et c'est en plein centre, en hauteur, c'est un point de repère. Il fallait qu'il y ait des connexions en transport, des connexions piétonnes et que ce soit un point de rencontre. On y plante tout de même 90 arbres au passage, et ils vont se situer dans le prolongement des arcs-boutants de la basilique. Ce sera un véritable espace de rencontre pour les habitants et un atout touristique pour valoriser la basilique encore davantage. »