Entreprendre, une question d’initiative et d’envie

Onze éditions et toujours autant de ferveur à développer le salon Créer, dédié à la création et à la reprise d’entreprise en Hauts-de-France. La création d'entreprises en Hauts-de-France a été globalement favorable en 2016 avec 32 895 nouvelles unités recensées, en légère hausse de 2,2 % sur 2015 à 32 197 unités. Laurent Degroote, président du Conseil Economique Social et Environnemental Régional des Hauts-de-France, revient sur les chiffres de l’entrepreneuriat en région.

Favoriser la culture entrepreneuriale, aller à la rencontre des créateurs et les soutenir : Laurent Degroote prône un accompagnement poussé des entrepreneurs.
Favoriser la culture entrepreneuriale, aller à la rencontre des créateurs et les soutenir : Laurent Degroote prône un accompagnement poussé des entrepreneurs.

La Gazette. On connaît le dynamisme des Hauts-de-France en matière de création d’entreprise et pourtant la région occupe l’avant-dernière place en ce qui concerne la densité entrepreneuriale1. Comment expliquer ce phénomène ?

Laurent Degroote. La culture salariale est importante en région. Auparavant, dans chaque famille, on comptait un agriculteur ou un commerçant qui représentaient la culture entrepreneuriale, mais ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui. Les personnes pensent donc que l’entrepreneuriat n’est pas pour elles. Ce n’est pas dans leur culture alors qu’elles en sont capables. Si, avec 12,6 créations pour 100 entreprises, les Hauts-de-France enregistrent le deuxième taux de province derrière l’Occitanie à 12,7%, ce dont il faut se féliciter – l’Ile-de-France affichant 14%, et devant PACA à 12,7% qui est aussi le taux de la France métropolitaine – par contre, en densité entrepreneuriale, le travail reste à faire puisque la Région s’affiche à 54,5 créations pour 10 000 habitants, se situant à l’avant-dernière place juste devant la Normandie (54,2), mais loin derrière l’Ile-de-France (133,5), et de la moyenne France métropolitaine (83,3). Les Hauts-de-France affichent près de 33 000 créations d’entreprises en 2016, soit une hausse de 2,2 % en un an après une baisse de 6,3% en 2015. C’est en soi un résultat très satisfaisant, même si la région ne retrouve pas le nombre des années précédentes qui était compris entre 34 000 et 35 000 par an depuis 2011.

En 2016, le nombre de défaillances d’entreprises régionales a reculé de 6% par rapport à l’année précédente, dans tous les secteurs d’activité (soit 4 369 défaillances). Avec 20 défaillances pour 1 000 entreprises, la région reste la plus impactée de France. Que faire ?

La France compte 2,5 millions de TPE sur les 4 millions d’entreprises. Leur mortalité est très forte. Si un client ne paie pas, c’est la mort de l’entreprise. Ce qui compte ? L’accompagnement du dirigeant pour qu’il ne soit pas aveugle en cas de difficultés. Il faut être réaliste sur les fondements de l’entreprise et sur ses capitaux. Un réseau est indispensable aujourd’hui. Mon conseil ? Se faire accompagner pendant au moins cinq ans, de la création jusqu’à la maturité de l’entreprise. Souvent le dirigeant qui a un projet est seul et ne veut pas être accompagné, mais c’est un tort. Seuls les départements du Nord et de l’Oise connaissent une augmentation du nombre de nouvelles entreprises (+8% et +2%), les trois autres enregistrent des baisses comprises entre -2% et -6%. 4 369 défaillances ont été enregistrées en 2016 (-6%) : les secteurs les plus fragiles sont l’hôtellerie-restauration, le BTP et le commerce de détail. Seuls les services aux entreprises et les services aux particuliers ont connu des hausses de 7 et 2%.

Quels sont les secteurs d’activité les plus actifs en création d’entreprises ?

Deux secteurs pèsent la moitié des créations : les services aux entreprises (11 337 créations) et les services aux particuliers (6 352 créations), preuve que l’immatériel se développe énormément. Suivent le commerce de détail et la construction, devant l’hôtellerie-restauration, l’industrie, le commerce de gros et le transport-logistique. En tendanciel, la construction recule de 10%, alors que l’industrie affiche une hausse de 21,5% grâce notamment à l’activité de la collecte des déchets non dangereux et dans celle de la récupération de déchets triés. Nous sommes vraiment dans la démarche rev3 ! Autres développements significatifs, les transports de voyageurs par taxis et dans une moindre mesure que les années précédentes, le commerce de gros, les services de livraison à domicile, de coursiers urbains et de transport de repas.

Comment se porte la création au féminin ?

Sa part n’est pas suffisante. Les femmes représentaient l’an dernier 23% des créateurs, dans le Nord – Pas-de-Calais . C’est un chiffre stable depuis 2009 dont on pourrait se satisfaire en considérant qu’il était auparavant de 18 à 20 %. Mais il n’est que de 23 % alors que nous devrions en être à 30- 35 % ! Elles sont les plus nombreuses dans les services aux particuliers (41%) devant le commerce de détail (30%), l’industrie (24%) et l’hôtellerie-restauration (22%).

Comment favoriser l’entrepreneuriat dans des zones moins courtisées par les créateurs ?

Il faut avoir une vision régionale. L’évolution est contrastée avec des créations en hausse de 3,6% en Nord – Pas-de-Calais avec une stagnation des entreprises individuelles de 0,4% et une légère hausse des micro-entreprises de 1,6%, mais en baisse de 0,9% en Picardie. A considérer par exemple les zones d’emploi de Laon, 397 créations (-12,7%) et de Soissons, 401 créations (- 16,3%), il y a à faire dans les régions rurales où il est urgent d’avoir une démarche d’accueil et d’accompagnement pour la création ! Dans ces zones, il y a un véritable problème de développement de la création d’entreprises et donc un soutien à apporter. Nous avons un véritable effort à continuer et à intensifier de façon très importante pour développer l’esprit d’entreprendre. Il ne faut pas se leurrer, pour avoir beaucoup de créateurs, il faut plus de personnes qui veulent entreprendre !

De nombreux étudiants créent avant même de trouver un emploi. Faut-il enseigner la culture d’entreprise aux plus jeunes pour dynamiser l’économie ?

La création d’entreprise est beaucoup soutenue durant le cursus scolaire et notamment étudiant. Les jeunes peuvent être accompagnés dans les Hub Houses et ont moins de freins. Ce qui m’étonne toujours, c’est qu’ils utilisent immédiatement les outils contemporains : ils font leurs études de marché sur Internet, posent des questions sur leur concept sur les réseaux sociaux. Les jeunes créateurs ont tous un schéma numérique. C’est beaucoup plus rapide et moins coûteux.

50% des créateurs sont issus de CSP+. On est donc loin de l’ascenseur social…

Notre challenge, c’est d’élargir le nombre de créateurs d’entreprise, il y a de nombreux lieux pour développer des projets : les lieux culturels, associatifs, sportifs… Si on travaille sur le développement personnel, on travaille sur l’esprit d’entreprendre. Dans une société où tout se consomme, où l’on peut tout obtenir de tout le monde, on oublie parfois que l’on peut avoir de l’initiative.

Y a-t-il des profils d’entrepreneurs qui réussissent ou perdurent mieux que d’autres ?

L’INSEE nous a appris que 61% des entreprises créées en 2010 sont encore actives 5 ans après leur création, et plus particulièrement, à 69%, celles dotées d’une personnalité morale. Le croisement de résultats avec le diplôme révèle que certains profils ont un taux de pérennité supérieur, ainsi celui des créateurs qui étaient indépendants ou chefs d’entreprise avant la création par rapport à ceux qui étaient au chômage, étudiants, sans activité professionnelle ou retraités à 71% contre 59%. Il en est de même pour les diplômés de l’enseignement supérieurs avec un taux de d’activité au bout de 5 ans de 66 à 69% contre 56 à 59% pour les titulaires d’un diplôme égal ou inférieur au baccalauréat.. Et puis il y a le foisonnement de start-ups dont les dirigeants sont de toutes origines. Ils portent des projets infiniment variés et sont sans aucun doute de véritables espoirs d’activité économique et d’emplois avec des modèles d’entreprises très variés. Autre élément favorable à la pérennité, l’expérience entrepreneuriale du créateur : les entrepreneurs dont c’est au moins la troisième création ont un taux de 72 % contre un taux de 59 à 64% pour ceux dont c’est la première ou deuxième création. Ce constat vaut aussi pour l’obtention ou non d’aides et d’exonérations à la création. On peut citer des voies d’excellence pour la création ou la reprise d’activités, comme les apprentis dans les microentreprises, chez les artisans et commerçants. L’expérience et la formation permettent de bonifier les capacités de pérennité, mais aussi cela nous apprend aussi que l’expérience de l’échec est positive car elle permet de repenser les erreurs précédentes. Le bénéfice d’une aide peut avoir un effet d’aubaine et rendre les créateurs d’être un peu aveugles par rapport aux difficultés qu’ils vont rencontrer…

 

Note

  1. Densité entrepreneuriale : nombre d’entreprises créées par rapport au nombre d’habitants. Avec le taux de créations d’entreprise, c’est le second indicateur qui permet une comparaison pertinente des régions en prenant en compte le facteur démographique.

 

Favoriser la culture entrepreneuriale, aller à la rencontre des créateurs et les soutenir : Laurent Degroote prône un accompagnement poussé des entrepreneurs.