Energies nouvelles : trois gros projets industriels annoncés au Havre
Le 7 novembre, les entreprises Qair, Air Products et Livista se sont vues attribuer 60 ha de foncier sur la zone portuaire. Marqueur de la réindustrialisation verte, leur arrivée a été célébrée par la venue de trois ministres.
Et un… et deux… et trois ministres… Il y avait comme un air de conseil des ministres ce 7 novembre au Havre. En effet, alors que d’épaisses fumées noires s’élevaient dans le ciel de la ville depuis les piquets de grève des travailleurs portuaires, le Grand Port Maritime célébrait l’attribution de 60 hectares de foncier à trois entreprises sur la zone "A29 Ouest". Un évènement « peu spectaculaire pour le grand public », a admis Edouard Philippe, maire du Havre, mais « décisif pour la décarbonation du pays » ; « une illustration savoureuse des pistes variées que l’on peut explorer ».
Le port du Havre veut en effet sortir du tout pétrole. « Cela reste la première marchandise à transiter par le port, et c’est la filière industrielle qui crée le plus de marge », illustre Florian Weyler directeur de Haropa Ports, délégué au territoire havrais. Mais en parallèle, les grands ports (Le Havre, Dunkerque et Marseille) représentent à eux seuls 55 % des émissions industrielles de gaz à effet de serre.
E-fuel et hydrogène
Rien d’étonnant donc à ce que les trois lauréats de l’appel à projets lancé par Haropa Ports soient ancrés dans les énergies nouvelles. L’entreprise Qair (basée à Montpellier) déjà engagée dans tous les volets des énergies renouvelables, compte ainsi construire une usine de production de e-méthanol, produit à base d’hydrogène. Un investissement de 500 M€, destiné par exemple à alimenter en e-fuel les porte-conteneurs de demain…
Le "hasard" faisant bien les choses, son futur voisin, l’américain Air Products, qui a récemment décroché un contrat avec TotalEnergies pour fournir 70 kilotonnes d’hydrogène renouvelable par an, envisage une unité de production d’hydrogène à partir d’ammoniaque, dont la capacité reste encore à définir. « Nous attendons des contrats longues durées pour établir précisément la stratégie que sera déployée au Havre », précise David Martin, vice-président Europe et Afrique pour Air Products.
2,5 milliards d’investissement
Enfin, l’entreprise luxembourgeoise Livista Energy souhaite implanter une raffinerie de Lithium capable de traiter toute sorte de lithium, y compris issus du recyclage des batteries. « Ce projet a une importance capitale pour la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques. Nous pourrons traiter chaque année du lithium pour alimenter 1,5 million de voitures électriques », assure Jean-Marc Ichbia, directeur général de Livista. Grosse consommatrice de gaz, la raffinerie qui pourrait traiter jusqu’à 80 000 t de lithium, devrait elle aussi intégrer l’hydrogène dans ses process de production.
Au total ces trois projets devraient à eux seuls représenter près de 2,5 milliards d’euros d’investissement sur la zone portuaire d’ici 2028, avec plus de 600 emplois directs à la clé. Et ce n’est peut-être qu’un début puisqu’un nouvel appel à projets s’ouvre pour la zone "A29 Est" (25 ha à attribuer) et que deux autres sites au sud du grand canal devraient aussi être attribués en 2025.
Un démonstrateur national
De quoi donner le sourire à tous les acteurs du territoire. « Cela témoigne de la capacité de nos acteurs de se transformer dans des délais assez courts », s’est félicité François Durovray, ministre délégué aux Transports. Au-delà du volet décarbonation, les membres du gouvernement ont aussi rappelé l’urgence d’une réindustrialisation et d’une mutation industrielle en France.
Une urgence qui a pris une nouvelle dimension avec l’élection, mardi 5 novembre, de Donald Trump aux Etats-Unis. « Il faut anticiper plutôt que subir, a insisté Antoine Armand, ministre de l’Economie et des Finances. Nous sommes engagés dans une course de vitesse à l’échelle mondiale. La France et l’Europe doivent réagir fortement et fermement ! »
Une réaction qui ne peut être que collective, et associer tous les acteurs du territoire. « La réindustrialisation verte, sur un bassin comme le vôtre, participe à créer les futures glorieuses du XXIe siècle, a défendu Catherine Vautrin, ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation. C’est un démonstrateur. Nous devons trouver comment dupliquer ce type de projets, cette intelligence collective, à l’échelle de la nation… »
Pour Aletheia Press, Benoit Delabre