En périphérie des villes, le vélo trace sa route, semée d'embûches

En pleine ascension dans les centres-villes, la pratique du vélo trace lentement sa route en périphérie, où elle se heurte à la dure réalité des interruptions de pistes cyclables, des ronds-points inhospitaliers ou des voitures...

Des cyclistes à Aubervilliers, le 21 mai 2018, à la périphérie de Paris © Philippe LOPEZ
Des cyclistes à Aubervilliers, le 21 mai 2018, à la périphérie de Paris © Philippe LOPEZ

En pleine ascension dans les centres-villes, la pratique du vélo trace lentement sa route en périphérie, où elle se heurte à la dure réalité des interruptions de pistes cyclables, des ronds-points inhospitaliers ou des voitures qui frôlent les cyclistes à vive allure.

Avec son "plan vélo" de 2 milliards d'euros lancé en mai, le gouvernement n'a jamais mis autant de moyens pour faire de la pratique cyclable une alternative crédible à la voiture, ce qui passe notamment par la construction de pistes sécurisées. 

La France, qui possède l'un des réseaux routiers les plus longs et les plus denses d'Europe, accuse un retard en matière d'aménagements cyclables, qui représentent environ 3% des kilomètres de voirie, selon la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB).

En part de déplacements à vélo, la France figurait même "en 25e position des pays de l'Union européenne en 2019, ce qui veut dire que la majorité des autres pays européens se déplace davantage à vélo que nous", remarque Charles Maguin, gérant de Solcy, un cabinet de conseil en politiques cyclables.

Si la pratique marque une "incroyable accélération depuis deux ans", la FUB relève aussi des "inégalités spatiales fortes". 

Dans son dernier Baromètre des villes cyclables, les communes de banlieue obtiennent ainsi "parmi les plus mauvaises notes" et sont décrites comme "dominées par le système automobile, avec tout ce que cela entraîne sur la culture politique, mais aussi les coupures urbaines qui rendent les trajets dangereux". 

Tirées vers le haut par les villes-centres et par la demande sociale, elles commencent toutefois à rattraper une partie de leur retard. 

"Le rapport de force évolue en faveur du vélo. Les élus prennent conscience qu'ils ne perdront pas leur électorat en développant des pistes cyclables et que c'est l'occasion pour eux de répondre aux préoccupations des citoyens en termes de pouvoir d'achat, d'artificialisation des sols ou de réduction du bruit en ville", souligne Thibault Quéré, membre de la FUB. 

Avant d'être une question de topographie ou de couleur politique, les aménagements cyclables sont surtout le signe, selon lui, d'une "volonté politique et d'une dynamique citoyenne locales".

Equité territoriale

Autrefois considérées comme relativement accessoires, les politiques cyclables sont aujourd'hui élaborées à l'échelle des agglomérations, avec des projets de "réseaux express vélo". Certaines en sont encore au diagnostic quand d'autres sont passées à la réalisation, comme à Rennes, Lyon ou Grenoble.

C'est aussi le cas de Strasbourg, qui consacre 100 millions d'euros à la construction de 100 km de pistes cyclables d'ici à 2026. 

"Il faut que l'on puisse se rendre à vélo en tout point de la métropole, et même au-delà, ce que permet aujourd'hui l'assistance électrique. C'est une question d'équité territoriale", assure la présidente centriste de l'eurométropole, Pia Imbs. Le vélo représente aussi, selon elle, une "alternative forte" à la voiture dans un territoire classé "Zone à faibles émissions" (ZFE), donc soumis à des restrictions de circulation pour lutter contre la pollution de l'air.

Si tous les élus semblent d'accord sur le papier pour accorder plus de place au vélo, les difficultés surviennent dans la mise en oeuvre.

"Dans la ville A, le maire est très partant et la piste suivra l'itinéraire qui récupèrera le plus de cyclistes, mais dans la ville B, le maire ne veut pas que ça embête les automobilistes et vous aurez un itinéraire tarabiscoté qui ne sera pas utilisé", illustre M. Maguin.

"Il n'y a pas d'espace gaspillé en zone urbaine ou semi-urbaine. Soit vous prenez de la place sur les trottoirs et les arbres, soit vous en prenez sur les voies de stationnement ou de circulation et ça demande du courage politique", ajoute le gérant de Solcy.

Autre difficulté, le coût des aménagements qui peut varier "de 1 à 10" selon qu'il y a ou non "un franchissement de rivière, un tunnel ou des rachats de foncier à réaliser", témoigne Chrystelle Beurrier, présidente de l'association Vélo&Territoires. Elle dit ainsi avoir investi "3 millions d'euros pour 2,5 km de pistes inaugurées au bout de sept ans" dans sa commune d'Excenevex (Haute-Savoie).

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