En éreintant ses fournisseurs, Boeing a détruit la qualité de sa production, selon un chef syndicaliste
Le constructeur aéronautique Boeing a tellement fait pression sur ses fournisseurs, afin de réduire ses coûts et de gonfler ses résultats financiers, qu'il a "détruit la santé" de sa production, affirme Jon Holden...
Le constructeur aéronautique Boeing a tellement fait pression sur ses fournisseurs, afin de réduire ses coûts et de gonfler ses résultats financiers, qu'il a "détruit la santé" de sa production, affirme Jon Holden, président du syndicat IAM - District 751.
"Boeing a passé beaucoup de temps, depuis 2012, à mettre sa chaîne d'approvisionnement sous pression en forçant ses fournisseurs à réduire leurs prix, d'année en année", estime, dans un entretien à l'AFP, le chef de cette branche du syndicat international des machinistes et des ouvriers de l'aérospatial (IAM) à Seattle (nord-ouest).
Elle compte près de 32.000 adhérents, dont quelque 30.000 employés par Boeing.
Le groupe a vendu "des usines, pour réduire ses actifs nets", explique M. Holden. "Je n'ai pas de problème avec l'efficacité. Mais j'en ai un lorsqu'elle détruit la santé du système de production."
Et, "en voulant être plus efficaces, ils ont supprimé des postes importants considérés redondants, comme l'assurance qualité", déplore-t-il.
Depuis de longs mois, le géant cumule les problèmes de production sur ses trois avions commerciaux actuellement commercialisés: le 737 -son avion vedette-, le 787 Dreamliner et le 777. Un incident en vol sur un avion d'Alaska Airlines, le 5 janvier, a été la goutte d'eau de trop.
Boeing s'emploie, depuis lors, à assainir ses processus sous la surveillance rapprochée du régulateur FAA. En se concentrant d'abord sur l'usine du 737 à Renton, près de Seattle.
Le syndicat réclame, avec celui des ingénieurs, le SPEEA, depuis plusieurs mois deux sièges au conseil d'administration pour "participer aux changements (...) susceptibles d'affecter le processus de production".
Gagne-pain
"Nous n'avons jamais demandé cela par le passé, mais il en va de notre réputation, de nos emplois, de notre gagne-pain", justifie le chef syndical. "Nous tenons à cette entreprise et nous avons le droit d'avoir un mot à dire sur certains changements."
Une requête réitérée pendant les négociations de la prochaine convention collective, lancées le 8 mars.
Surtout, il réclame une hausse salariale "substantielle", d'au moins 40% sur trois ans, ainsi que de meilleurs avantages sociaux (assurance santé, retraite) et la sécurité de l'emploi.
Cette dernière passe par l'engagement de Boeing que son prochain avion - annoncé pour 2035 - sera fabriqué dans la région. "C'est une garantie d'emploi pour les cinquante prochaines années", souligne M. Holden.
Dave Calhoun, patron de Boeing, a assuré le 16 juin devant une commission d'enquête du Sénat que les syndiqués de l'IAM obtiendraient "à coup sûr, une augmentation". Sans autre détail.
Selon Jon Holden, les rémunérations "stagnent depuis huit ans" avec seulement quatre hausses de 1% sur cette période malgré une "inflation massive".
A ce stade, les deux parties n'ont pas trouvé d'entente sur les gros sujets. Le syndicat compte, pour dégripper ce statu quo, "bientôt accroître le nombre de sessions et leur durée".
Histoire d'insuffler un peu de pression, ses adhérents doivent voter le 17 juillet sur le principe de faire grève faute d'accord le 12 septembre à minuit, échéance de la convention actuelle, vieille de seize ans. La dernière grève (57 jours) remonte à 2008.
Le syndicat n'a pas lésiné: il a réservé le T-Mobile Park, qui abrite l'équipe de baseball des Seattle Mariners et compte près de 48.000 places.
"Quand nous serons tous présents à cet important événement, l'usine sera silencieuse", écrit-il sur son site internet.
Un contraste comparé à l'habituel vacarme s'élevant des chaines d'assemblage surtout quand, comme mardi à Renton, une manifestation syndicale arpente les allées. Avec cornes de brume et slogans, pancartes en mains, a constaté l'AFP.
"Nous bénéficions d'un fort effet de levier actuellement, et nous allons en faire usage", insiste M. Holden, citant un trafic aérien et un nombre de passagers "supérieurs à la pré-pandémie".
"Il y a donc un besoin énorme en nouveaux avions, en modèles plus économes en carburant", relève-t-il.
Mais la production est actuellement ralentie par les mesures d'assainissement de la production.
L'avenir de Spirit AeroSystems, fournisseur entre autres des fuselages du 737 présentant de nombreuses imperfections, s'inscrit dans ce dispositif. Après s'en être défait en 2005, Boeing négocie actuellement son rachat.
Pour M. Holden, cette acquisition sera "positive": "C'était absurde de s'en séparer et, sur le long terme, ça n'a pas été bon pour Boeing."
Il relève que Spirit fait "partie intégrante de quasiment tous les avions construits aux Etats-Unis, et même des Airbus. Nous avons tous besoin qu'il soit en forme."
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