En difficulté, les meubles iconiques Tolix déclarent la guerre à la contrefaçon

Icônes du design, les meubles Tolix sont présents dans les plus grands musées. Mais la contrefaçon vole "la moitié" du chiffre d'affaires de la PME, un "cancer" auquel entend s'attaquer sa nouvelle direction, qui a...

Dans l'usine de meubles Tolix d'Autun, le 14 septembre 2007 © Jeff PACHOUD
Dans l'usine de meubles Tolix d'Autun, le 14 septembre 2007 © Jeff PACHOUD

Icônes du design, les meubles Tolix sont présents dans les plus grands musées. Mais la contrefaçon vole "la moitié" du chiffre d'affaires de la PME, un "cancer" auquel entend s'attaquer sa nouvelle direction, qui a récemment sauvé la griffe Balmain de la faillite.

Le Museum of Modern Art à New York, le Centre Georges-Pompidou à Paris, le Vitra Design Museum en Allemagne... Des meubles Tolix s'exposent dans les plus grands musées du monde. 

Pourtant, la petite entreprise doit licencier près de 40% du personnel de son usine d'Autun (Saône-et-Loire), un gros bourg de Bourgogne, soit 19 salariés sur 51.

"La situation est très, très précaire", confie Michel Vaillot, secrétaire de l'Union locale FO d'Autun. "Depuis 2018, on a perdu plus de la moitié de notre chiffre d'affaires. La raison ? La contrefaçon", répond à l'AFP Antoine Bejui, directeur général de Tolix.

2018, c'est également l'année de la mort de Xavier Pauchard, le modeste chaudronnier qui avait fondé en 1927 la marque Tolix (pour "Tôle X", comme Xavier), après avoir réussi la galvanisation de l'acier, qui empêchait la rouille et permettait donc l'utilisation de meubles métalliques à l'extérieur.

La réussite est au rendez-vous mais l'invasion du plastique provoque un premier dépôt de bilan en 1983.

Le salut viendra du grenier de l'atelier: un designer y découvre les créations de Xavier Pauchard et les réédite. Le succès est foudroyant, en particulier pour la cultissime chaise A (en référence à sa forme). Devenue le symbole du design dit "industriel", elle s'écoule pour des centaines d'euros pièce.

"Mais une chaise A produite en Chine se vend cinq fois moins cher", résume M. Bejui. "La copie, c'est comme un cancer."

"Mais on va se défendre", promet-il. Avant tout en France, à commencer par cette grande enseigne de bricolage qui vend des "style Tolix" à moins de 50 euros, "venus de Chine", selon lui.

C'est à un travail de Titan auquel Tolix s'attelle: répertorier l'ensemble des contrefacteurs dans le monde, les attaquer, puis recommencer quand d'autres émergent. C'est "nécessaire" mais le coût est "prohibitif": "Ca se chiffre en centaines de milliers d'euros", calcule M. Bejui.

Eduquer les clients

L'invasion de la copie avait déjà été une des raisons de la précédente liquidation judiciaire prononcée en 2004 contre Tolix. La comptable, Chantal Andriot, avait alors repris la société en mettant en caution les vaches de son mari, mais sans pouvoir endiguer l'impact de la contrefaçon. Les pertes ont atteint près de 400.000 euros en 2020, pour un chiffre d'affaires de 4,1 millions d'euros, selon les chiffres rendus publics.

Face au marasme, Chantal Andriot a cédé la majorité de Tolix à deux anciens dirigeants de Balmain, qui avaient sauvé la griffe de la faillite en 2004: Antoine Bejui et son acolyte, Emmanuel Diemoz. Arrivés chez Tolix en octobre 2022, ils veulent aller plus loin que la défense de la marque devant les tribunaux. Car la vraie solution, selon eux, est d'"éduquer les clients".

"La contrefaçon, il y en aura toujours mais, dans les souks de Turquie, les faux sacs Balenciaga ou autres n'empêchent pas ces grands noms de faire des milliards car les clients ont bien compris la différence", souligne l'ancien PDG de la maison de couture Balmain. Il faut donc "+rebrander+ Tolix et aller vers le haut de gamme", estime M. Diemoz.

"Il y a des similitudes avec l'univers de la mode: Tolix peut aussi être une façon pour une personne de dire: +Regardez, j'ai du goût+". Mais on est "sur un plan à 3-5 ans", dit-il, qualifiant les actuels licenciements de "pause pour renouer avec le succès". "Chez Balmain, on est descendu à 15 personnes pour en avoir 250 dix ans après", souligne-t-il.

"J'ai entendu ça 100 fois", dénonce le syndicaliste Michel Vaillot. "N'est-ce pas une reprise pour racheter la marque et aller produire ailleurs ?", se demande le représentant FO. "Non", répond M. Diemoz catégoriquement. "Notre ADN, c'est le "Fabriqué en France, mais encore plus: à Autun".

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