Heures supplémentaires des cadres

Employeurs, ne vous laissez pas impressionner par un décompte issu d’un «simple tableau Excel»

L’absence de tenue d’un entretien annuel portant sur le forfait jours, s’agissant des cadres ou assimilés soumis à cet aménagement spécifique de la durée du travail, peut avoir de graves conséquences salariales. L’employeur ne doit pas pour autant se sentir démuni et peut apporter des éléments pour se défendre dans le cadre d’un contentieux prud’homal.

L’absence de tenue d’un entretien annuel portant sur le forfait jours peut avoir de graves conséquences salariales.
L’absence de tenue d’un entretien annuel portant sur le forfait jours peut avoir de graves conséquences salariales.

Il est vrai que dans la majorité des entreprises, la tenue de cet entretien, qui contribue à garantir un suivi effectif de l’amplitude et de la charge de travail du salarié, est prévue par l’accord collectif ou imposée dans la convention individuelle mettant en place le régime du forfait en jours. Dans ce cas, le non-respect de ces dispositions prive d’effet la convention de forfait à l’égard du salarié, lequel bascule dans le régime de la durée légale du travail, c’est-à-dire les «35 heures». L’enjeu pour le salarié est ensuite de démontrer qu’il a travaillé plus que cette durée légale pour obtenir un rappel d’heures supplémentaires. Dans ce cadre, la charge de la preuve ne pèse pas particulièrement sur l’une ou l’autre des parties : il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.


Pause méridienne...

S’il est admis qu’un tableau de décompte des heures, établi par le salarié même postérieurement à la relation de travail, peut être accueilli comme un élément suffisamment précis, l’employeur peut bien évidemment apporter de son côté tous les éléments de contradiction utiles pour, s’il le peut, démontrer les heures réellement effectuées ou à tout le moins (le contrôle des horaires d’un salarié au forfait jours étant antinomique avec le principe du forfait jours), remettre en cause ledit décompte. Pour ce faire, tous les moyens de preuve licites peuvent être utilisés : agenda papier ou électronique qui démontrerait une amplitude horaire générale (pauses incluses) bien moindre que ce qui est affirmé par le salarié, laquelle a peut-être aussi été constatée par les collègues de travail. Il serait encore envisageable, sous conditions, de faire constater les heures auxquelles les premiers et derniers courriels ont été chaque jour expédiés par le salarié. Il n’est pas rare non plus que le décompte d’un salarié, qui confond souvent et à tort amplitude journalière et temps de travail effectif, omette la pause méridienne ou encore des rendez-vous personnels greffés au milieu d’une journée de travail. Il est aussi possible qu’un jour de repos effectivement pris par le salarié soit présenté dans le décompte comme ayant été travaillé.


Travail minutieux

Tous ces éléments, qui nécessitent un travail de recherche et d’analyse minutieux pour l’employeur, constituent autant d’indices qui doivent être soumis au juge pour lui permettre une juste appréciation de la réalité des heures effectivement travaillées par le salarié et qui sont souvent exagérées par ce dernier. En effet, c’est au juge prud’homal et à lui seul que revient ensuite d’apprécier la réalité de ces heures en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. S’il peut bien sûr retenir que des heures supplémentaires ont été réalisées, cela ne signifie pas qu’il donnera entièrement raison à un salarié qui viendrait à réclamer, sur trois années, des dizaines ou des centaines de milliers d’euros. Ainsi, le Conseil de Prud’hommes a le pouvoir d’évaluer souverainement et sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance des heures supplémentaires réalisées. Des dizaines de milliers d’euros initialement demandés, le jugement rendu et bien motivé au regard de l’ensemble des éléments soumis au débat, peut finalement diviser la note par 7 ou 10. Afin de réduire encore plus cette note, l’employeur pourra utilement et à titre reconventionnel réclamer le remboursement des jours de repos dont a bénéficié le salarié au titre du forfait jours (les fameux «JNT») et qui, en conséquence de la privation d’effet de cette convention, deviennent indus (Cass. Soc. 6 janvier 2021, n°17-28.234). À raison de 7 heures par jour et d’une dizaine de JNT en moyenne par an, ce sont 210 heures sur trois ans qui viendront, le cas échéant, se compenser avec une éventuelle condamnation à un rappel d’heures supplémentaires.

Maître Aurélie Foulley

Cabinet Fidal