Digitalisation de la logistique portuaire : pourquoi tant de retard ?

La fédération Norlink a organisé le mois dernier un journée de conférences sur les nouveaux enjeux de la logistique portuaire. Parmi ceux-ci, la révolution digitale. Là où certains domaines d'activité ont vécu cette transformation il y a plus d'une décennie, le secteur maritime se trouve encore à la traîne. Explications.

© Didier Carette-NAI
© Didier Carette-NAI

Il semblerait que la digitalisation n’échappe pas au secteur maritime. C’est pourquoi la fédération Norlink a organisé, fin octobre, une journée entière de webinaires consacrés, entre autres, à cette révolution. «Nous sommes en retard par rapport aux autres secteurs économiques, admet Lamia Kerdjoudj-Belkahid, secrétaire générale de la Feport. La transformation digitale dans le portuaire date de sept ou huit ans seulement.»

Pourtant, la connectivité des ports et l’aide à la décision qui en découle ouvrirait la porte à bien des opportunités : optimisation de l’espace, gain de temps, d’énergie, et donc, de valeur… «Le volet du développement durable est aussi indéniable. Par exemple, tout mouvement non nécessaire qui sera évité sur un terminal représentera une économie sur notre empreinte carbone», continue Lamia Kerdjoudj-Belkahid.

Des acteurs méfiants

Le retard pris dans le secteur s’explique par un besoin de règles de gouvernance : les acteurs du monde portuaire, et de la logistique en général, éprouvent de la réticence à communiquer leurs données commerciales sensibles, ne serait-ce qu’à une intelligence artificielle. Et on les comprend : «Les risques de cyberattaques sont réels. En septembre dernier, les transporteurs GEFCO et CMA CGM en ont été victimes», évoque Laurent Desprez, directeur du pôle Euralogistic.

La logistique portuaire est d’autant plus difficile à digitaliser que la blockchain est composée d’un nombre impressionnant de briques de transformation. Les différents transporteurs doivent non seulement mettre en commun leurs données pour organiser les déplacements et arrivées aux terminaux, mais une digitalisation du travail en entrepôt doit aussi opérer. «On voit de plus en plus de véhicules autonomes traverser les entrepôts. Il y aussi des portiques automatiques…», mentionne Christophe Reynaud, responsable innovation chez MGI et spécialiste de la blockchain.

Des emplois à revoir

Toutes ces automatisations posent alors des problématiques RSE relatives au devenir des employés : actuellement, la logistique portuaire représente 50 métiers différents, mais l’autonomisation des véhicules et des portiques va indéniablement supprimer des emplois. Pour ceux qui resteront, il faudra admettre que la traçabilité nécessaire à l’étude des données soumettra les hommes au stress : tout est chronométré, surveillé, et la performance pourrait impacter la qualité de vie au travail.

Pour le moment, le système Norlink n’est pas à la pointe de la connectivité. Les ports aujourd’hui les plus au point sur le sujet se trouvent en Méditerranée, où toutes les données sont traitées et synchronisées par la start-up Keeex.

Dans les Hauts-de-France, une collaboration avec la start-up lilloise Everysens pourrait accélérer les choses. Cette dernière propose de construire des plans de transports grâce à Ralf, une intelligence artificielle capable de synchroniser différents trafics. Des discussions entre le fondateur Youness Lemrabet et Norlink devraient être engagées.