Détachement de salariés : la suspension temporaire d’activité en vigueur !
Une nouvelle arme juridique pour lutter contre le détachement illégal de salariés vient de rentrer en vigueur. Le décret n°2015-1579, publié le 4 décembre dernier, définit les modalités de suspension des prestations de services internationales illégales en cas de manquements graves aux règles concernant les droits sociaux des travailleurs détachés.
Cette mesure, destinée à renforcer la lutte contre le travail illégal, avait été prévue par la loi n°2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale. En effet, certaines prestations de services effectuées par des entreprises non établies en France donnent lieu à des infractions graves aux règles du travail.Or, force est de constater qu’il n’existait pas de dispositif permettant de faire cesser immédiatement ces infractions, en dépit des procédures pénales éventuellement initiées pour sanctionner ces infractions.
Nouvelles modalités. Désormais, l’agent de contrôle de l’inspection du travail pourra enjoindre par écrit à l’employeur établi hors de France de faire cesser la situation illégale, dans un délai de trois jours à compter de la réception de l’injonction, lorsqu’il constatera : – un manquement grave aux dispositions relatives au Smic, au repos quotidien, au repos hebdomadaire, à la durée quotidienne maximale de travail, à la durée hebdomadaire maximale de travail et à l’obligation de présenter des documents en langue française, pour permettre le contrôle de ces dispositions ; – des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine.
Il convient de remarquer la référence à un manquement “grave” aux règles précitées. Cela signifierait-il que le simple manquement aux dispositions légales ne pourrait entraîner une suspension ou alors que ces manquements seraient graves par nature ? En tout état de cause, ce délai de trois jours peut être réduit en cas de circonstances exceptionnelles, sans qu’il puisse être inférieur à un jour.
A défaut de régularisation dans le délai fixé, l’agent de contrôle de l’inspection du travail transmettra au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi un rapport relatif au manquement constaté. Ce dernier devra inviter le représentant de l’employeur établi hors de France à présenter ses observations dans un délai de trois jours à compter de la réception de cette invitation. Ce délai pourra également être réduit en cas de circonstances exceptionnelles, sans qu’il puisse être inférieur à un jour. A l’expiration du délai fixé et au vu des observations éventuelles de l’intéressé, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi pourra, eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés, notifier une décision motivée de suspension temporaire de la prestation de services, suspension qui ne pourra excéder un mois. À noter que la décision de suspension de la prestation de services prononcée par l’autorité administrative n’entraînera ni rupture, ni suspension du contrat de travail, ni aucun préjudice pécuniaire pour les salariés concernés. L’effectivité de ces dispositions risque cependant d’être difficile à contrôler et, en tout état de cause, les salariés concernés pourront être réaffectés sur une autre mission. La suspension temporaire de la prestation de services sera levée au vu des justificatifs de régularisation fournis par le représentant de l’employeur.
Le texte n’indique pas ce qui se passe à l’expiration du délai de suspension en cas de non-mise en conformité par l’employeur. La prestation de services pourra a priori reprendre. En revanche, la loi précise qu’en cas de non-respect de la mesure de suspension de la prestation de services, l’entreprise s’exposera à une amende d’un montant maximum de 10 000 euros par salarié concerné, sans aucun plafond.
Maître d’ouvrage et donneur d’ordre, codébiteurs solidaires. Il convient, enfin, de ne pas oublier que le non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié emporte une implication particulière pour le maître d’ouvrage et le donneur d’ordre. A défaut de régularisation de la situation par l’employeur, la loi rend le maître d’ouvrage et le donneur d’ordre codébiteurs solidaires des rémunérations, indemnités et charges dues. Le maître d’ouvrage et le donneur d’ordre pourraient ainsi se retrouver tenus au paiement de l’intégralité des rémunérations et n’auraient plus d’autre choix que d’exercer, à l’encontre de l’employeur, une action récursoire afin de recouvrer leurs deniers. La seule alternative offerte par la loi consiste à dénoncer le contrat de prestation de services. L’employeur fautif risque donc de perdre le marché en refusant de se conformer aux règles concernant le salaire minimum, une sanction particulièrement dissuasive. Les entreprises établies en France doivent donc être particulièrement vigilantes et mettre en place les procédures internes permettant de s’assurer du respect de leurs obligations dès qu’elles font appel à des entreprises non établies en France.