Destins brisés

Une figure historique du Harlem des années 1930, un écrivain en guerre avec la mafia napolitaine et un homme pris dans la toile d'un cartel mexicain au programme de cette sélection BD.

Quelques planches de la BD "Harlem".
Quelques planches de la BD "Harlem".

Harlem

Après Giant et Bootblack, ce troisième volet du cycle newyorkais signé Mikaël se déroule en 1931 à Harlem, au plus fort de la Grande Dépression, où les habitants du quartier nord de Manhattan tentent de décrocher le gros lot en jouant à la loterie clandestine. Celle-ci est tenue d’une main de fer par une femme, Stéphanie St. Clair, surnommée «Queenie». Originaire de la Martinique, elle a débarqué à New York au début des années 1910, avant de s'imposer au sein de la criminalité locale. Mais son succès suscite des convoitises parmi les pontes de la Mafia. L’un d’eux, Dutch Schultz, alias «le Hollandais», anticipant la fin de la Prohibition qui a fait sa fortune, entend bien s’approprier son business... A travers le portrait de Stéphanie St. Clair, une figure historique de la communauté afro-américaine du New York d'alors, l’album fait revivre le mouvement de la «Renaissance de Harlem», symbole de la culture afro-américaine durant l’entre-deux-guerres. Librement inspiré par le personnage complexe de Stéphanie St. Clair – laquelle cherchait d’abord à s’enrichir, mais utilisait une partie de l’argent pour financer les projets d’habitants du quartier et faire des dons aux associations –, ce récit offre un témoignage passionnant sur une période méconnue de l’histoire américaine du XXe siècle.

Dargaud.

Je suis toujours vivant

Depuis le succès phénoménal de Gomorra, son roman-enquête sur la mafia locale – la Camorra – publié en 2006, la vie de Roberto Saviano a radicalement changé. Menacé de mort, l'écrivain est désormais placé sous protection policière nuit et jour... Cette saisissante autobiographie nous plonge dans le quotidien d'un homme debout contre la mafia qui, d'appartements protégés par la police en chambres d'hôtel anonymes, paye un lourd tribut à sa liberté pour avoir oser dénoncer le pouvoir par la terreur et les innombrables crimes de la Camorra. Cependant, c'est l'assassinat d'un homme caché sous une voiture qui a déterminé la vie de Roberto Saviano. Il avait alors à peine 12 ans et a vu cette exécution devant la porte d'un café de Naples. De cet épisode tragique date sa décision de ne jamais avoir peur, quoi qu'il arrive... A travers le récit intime et terrifiant d'une vie en sursis, l’auteur de Gomorra évoque son enfance et sa famille par le biais d'émouvants souvenirs mais parle aussi de ses ennemis – imaginant ainsi les divers scénarios de son assassinat –, de ses moments de doute ou d'abattement. Magnifié par le superbe graphisme d'Asaf Hanuka entremêlant réalisme cru et symbolisme, Je suis toujours vivant brosse le portrait d'un homme libre et d'une résilience hors du commun.

Editions Gallimard et Steinkis.

Mezkal

Road-movie déjanté et violent, Mezkal suit les pas de Vananka qui, après une nuit agitée et une journée en guise de descente aux enfers – il perd son job, il découvre sa mère morte dans son lit, imbibée de médicaments et d’alcool, et doit vendre sa maison à cause d’impayés –, prend la direction du Mexique, une guitare sur l’épaule. Il passe la frontière à El Paso et, après avoir grimpé dans le wagon marchandise d’un train, il débarque dans un village planté au milieu du désert. Là, un vieux shaman et son fils aveugle lui accordent l’hospitalité, l'emmènent dans leur maison isolée où vit Leila, une jeune femme aussi accueillante que son grand-père et son neveu. Vananka s'accommode parfaitement de cette vie tranquille jusqu’au jour où s'invite Felipe, un caïd de la mafia mexicaine, en compagnie de ses hommes… Au-delà du scénario de Kevan Stevens qui ne s'embarrasse ni de vraisemblance ni de psychologie, le récit est mené tambour battant à travers des séquences à l’action débridée, parfois trempées à l'alcool fort, où les dialogues pour le moins directs, cultivent les clichés liés aux cartels mexicains. Tandis que les dessins de Jef oscillent entre hyper réalisme et peinture caricaturale. Une BD à la veine tarantinesque pour les afficionados du genre.

Editions Soleil.