Déserts médicaux : une préoccupation croissante pour les Français

Petits hôpitaux en difficulté, généralistes moins accessibles, spécialistes concentrés dans les villes: les Français ont du mal à trouver des soignants près de chez eux, un sujet de préoccupation régulièrement cité par...

Des petites villes en France mettent des affiches pour recruter des médecins, ici à Lachapelle-Launey (Loire-Atlantique), le 29 juillet 2019 © LOIC VENANCE
Des petites villes en France mettent des affiches pour recruter des médecins, ici à Lachapelle-Launey (Loire-Atlantique), le 29 juillet 2019 © LOIC VENANCE

Petits hôpitaux en difficulté, généralistes moins accessibles, spécialistes concentrés dans les villes: les Français ont du mal à trouver des soignants près de chez eux, un sujet de préoccupation régulièrement cité par les électeurs avant les Européennes de dimanche.

Un accès aux soignants qui se détériore

Partout sur le territoire, "les Français ont de plus en plus de mal à accéder aux soins de premier recours", à savoir ceux prodigués par les médecins généralistes, les spécialistes en accès direct, les pharmaciens, infirmiers, dentistes, kinésithérapeutes, orthophonistes ou psychologues, souligne la Cour des Comptes dans un rapport de mai 2024.

"Les inégalités dans la répartition géographique des professionnels sont importantes et s'aggravent globalement: le taux de patients sans médecin traitant peut représenter jusqu'au quart des patients (soit deux fois plus que la moyenne) et le taux de passages aux urgences sans gravité particulière atteindre 40% dans certains territoires, comme dans les Ardennes, par exemple", note la Cour.

Délais qui s'allongent

En 2023, une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) a permis de tester, via des patients fictifs, les standards téléphoniques de nombreux cabinets. 

Les taux de refus étaient élevés: "Un patient a moins d’une chance sur deux d'obtenir un rendez-vous quand il contacte un médecin généraliste ou un pédiatre, et près de deux chances sur trois pour un ophtalmologue", précise cette étude. 

A partir d'un échantillon de 3.000 praticiens, l'IPP observait des délais de prise de rendez-vous préoccupants, avec une médiane de quatre jours pour un rendez-vous chez le généraliste, contre deux jours lors d'une précédente enquête en 2018, et un délai moyen de huit jours, contre six en 2018.

Un nombre de médecins globalement stable

Les effectifs de médecins formés dans les facultés françaises augmentent depuis plusieurs années (5.518 nouveaux internes en 2009, 9.312 en 2023).

Mais cet effort de formation est tout juste suffisant pour maintenir les effectifs de la population médicale, car des contingents croissants de praticiens partent en retraite.

Selon des prévisions de la Drees, l'organe statistique du ministère de la Santé, les effectifs de médecins -à peu près stables depuis 2012, autour de 215.000 - vont stagner jusqu'en 2030, avant "une hausse assez importante" jusqu'en 2050 en raison notamment de la levée du numerus clausus.  

Mais compte tenu de l'augmentation de la population et de son vieillissement, la Drees ne table pas sur une augmentation de la densité médicale standardisée (nombre de médecins pour 100.000 habitants) avant le milieu de la décennie 2030. 

A noter qu'au sein d'une population médicale globalement stable, les praticiens exclusivement libéraux ont nettement reculé entre 2012 et 2022: -11,1% pour les généralistes.

Une répartition inégale des médecins

Outre ces tensions au niveau national, les ressources sont inégalement réparties. 

La densité de médecins la plus élevée est en région Provence-Alpes-Côte d’Azur et est importante dans le sud de la France. 

"En 2021, tous médecins confondus (médecins salariés et spécialistes inclus), la densité variait de 274 médecins/100.000 habitants dans les Hautes-Alpes ou 236 à Paris, à 50,1 médecins/100.000 habitants en Seine-et-Marne ou 54,2 dans le Cher", indique la Cour des comptes.

Et les différences se creusent: la densité de praticiens en Hautes-Alpes par exemple a augmenté de 20%, alors qu'elle baissait de 8% au niveau national, en 10 ans. 

Les inégalités géographiques se doublent d'inégalités tarifaires: une consultation de spécialiste peut être "jusqu'à 2,5 fois plus onéreuse d'un département à l'autre", relevait récemment l'UFC-Que Choisir.

A Paris par exemple, à peine 20% des spécialistes sont en secteur 1 (sans dépassements d'honoraires), faisant de la capitale un désert médical pour les plus pauvres.

Paramédicaux: une répartition pas optimale 

Les inégalités d'accès aux soins concernent aussi les autres professions de santé, même si leur démographie est en général plus favorable que les médecins.

Selon la Cour des comptes, le nombre de masseurs-kinésithérapeutes et d'infirmiers libéraux a progressé d'environ 40% sur les 10 dernières années, avec un effectif cumulé de 200.000 soignants libéraux. Les effectifs de sage-femme ont doublé.

Mais dans les territoires les moins bien dotés, il reste "six fois plus difficile d’accéder à un masseur-kinésithérapeute ou à un infirmier que dans les territoires les mieux dotés", indique la Cour des comptes. 

Tensions aux Urgences

Les Urgences jouent un rôle accru pour la population: elles comptabilisaient 20 millions de passages en 2022, contre 14 millions en 2002.

Pourtant, partout en France, des services d'Urgences deviennent moins accessibles, dans les petits hôpitaux en particulier: nécessité d'appeler le 15 avant de pouvoir y accéder, voire fermeture totale la nuit ou le week-end.

Les petits établissements de proximité ont souffert des efforts de rationalisation de l'offre hospitalière ces dernières années: le nombre d'hôpitaux publics et privés a reculé de 4,3% entre 2013 et 2020, à environ 3.000, mais le nombre d'hôpitaux locaux a reculé de 19,5%.

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