Territoires
Déserts médicaux : Pierre Cuny monte au créneau
Médecin hospitalier pendant 35 ans, ancien chef de service et chef de pôle au sein d’un des plus importants établissements de la région Grand Est, le CHR Metz-Thionville, le maire de Thionville et président de l’intercommunalité, Pierre Cuny, fait une analyse sans concessions sur les déserts médicaux et porte des propositions appuyées sur son expérience.
La France compte un peu plus de 360 000 habitants répartis sur 1 883 communes se trouvant dans un désert médical, c'est-à-dire une accessibilité restreinte aux médecins généralistes, une distance accrue aux services d'urgence et une absence de pharmacie à proximité. Cette problématique sociétale et de santé publique fait réagir Pierre Cuny, maire de Thionville et président de la Communauté d’Agglomération Portes de France-Thionville. L’élu porte des mots situés à l’exact carrefour de l’analyse et de la proposition :
«La question de la désertification médicale est au cœur des préoccupations des territoires et s’inscrit comme un enjeu de la prochaine élection présidentielle. Bien que polémique, l’annonce faite par le maire d’Orléans, Serge Grouard, de vouloir contractualiser avec la faculté de médecine de Zagreb pour répondre au besoin de médecins sur son territoire, a le mérite de mettre en lumière cet enjeu, à savoir la santé et l’avenir de notre système qui, il y a encore 30 ans, passait pour un des meilleurs systèmes de santé au monde. La crise Covid a mis en lumière un système à bout de souffle mais aussi un personnel médical et paramédical d’une solidarité exceptionnelle faisant l’admiration de nos concitoyens. Si le Ségur de la Santé a partiellement répondu à certaines des préoccupations du monde de la santé, le problème crucial reste celui de la désertification progressive de certains de nos territoires quant à la réponse apportée aux soins que la population exige légitimement.» Pierre Cuny poursuit : «Il m’appartient de contribuer au débat qui doit nécessairement être ouvert en vue de cette présidentielle. Pour paraphraser le Président Chirac, «notre système de santé brûle et nous regardons ailleurs.» Force est de constater aujourd’hui qu’il n’y a jamais eu autant de médecins formés et autant d’inégalités de répartition sur le territoire. Le problème n’est pas de former davantage de médecins mais de mieux les répartir sur le territoire. Peut-on encore accepter qu’il existe 2 à 3 fois plus de médecins spécialistes dans certaines régions que dans d’autres ? La région Grand Est, et de manière plus générale les régions au nord de la Loire, les régions rurales et les régions frontalières, sont particulièrement impactées par cette inégalité. Ainsi, à titre d’exemple, beaucoup de médecins formés à l’Université de Lorraine s’installent dans des zones déjà largement pourvues en médecins. Mes propositions visent à alimenter le débat en vue de l’élection présidentielle et je souhaite vivement que nous répondions à ce problème de santé publique majeur, qui s’il n’est pas résolu dans les années à venir, aggravera de façon peut être définitive l’égalité des chances entre les différents territoires, la désertification démographique de certains territoires et en particulier en zone rurale ou autour des villes moyennes.»
Les propositions de Pierre Cuny :
. Revenir à une formation médicale régionale en mettant en adéquation les besoins d’une région et les postes médicaux ouverts.
. Envisager un numerus clausus à l’installation. C’est-à-dire une liberté d’installation réglementée favorisant l’installation en zone de pénurie médicale. En cas de surreprésentation dans une région, le conventionnement avec l’Assurance maladie ne serait plus automatique. Ce système existe déjà en partie pour les infirmiers.
. Envisager un acte de remboursement de consultation majoré dans les territoires à grande pénurie médicale, zones rurales et régions frontalières qui pâtissent du différentiel du prix de la consultation entre la France et le territoire voisin.
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Rendre encore plus attractive la carrière médicale en milieu hospitalier. Plusieurs milliers de postes de praticiens hospitaliers sont vacants dans les hôpitaux. Cela renvoie à des propositions qui doivent être portées par les syndicats médicaux.