Des compétences renforcées malgré un manque d’effectifs
Dans une période de remise en cause du lien social et de contestation des institutions républicaines, la justice doit plus que jamais remplir ses missions avec sérénité. À Lille, Xavier Puel, président du Tribunal de Grande Instance depuis mars 2018, a rappelé le rôle fondamental de la justice pour «garantir le fonctionnement harmonieux et pacifique de la société.»
Pas assez de procureurs pour un nombre de plaintes élevé ; des moyens insuffisants pour la justice et un Ministère en crise… Thierry Pocquet du Haut-Jussé, procureur de la République de Lille, fustige la situation nationale qui «ne peut qu’amener de la difficulté dans le quotidien des Parquets». À Lille, malgré une hausse de 14% des affaires poursuivables, le Procureur rappelle que les dossiers sont traités entre trois et cinq mois, «alors que les greffiers sont en nombre insuffisant». Cela passe par une recherche constante d’amélioration mais aussi par le numérique, puisque le tribunal de Lille participe au projet de numérisation de la chaîne pénale avec l’expérimentation d’une audience numérique en février et en mars, pour une généralisation au printemps. «Nous sommes résolument engagés dans la lutte contre les trafics, spécialement les stupéfiants qui gangrènent notre juridiction», poursuit Thierry Pocquet du Haut-Jussé. Un groupe de travail a d’ailleurs été mis en place à Lille-Sud, en collaboration avec les services de police, pour une action au plus près du terrain.
Les conséquences des
réformes
En 2018, 17 120 affaires civiles ont été jugées (-4%), avec un âge moyen du stock de 17 mois : le meilleur de la moyenne du groupe de tribunaux auquel appartient le TGI de Lille. Concernant les tribunaux d’instance, les indicateurs ont démontré un important investissement des magistrats et des fonctionnaires avec 5 413 affaires civiles jugées, par rapport aux 5 000 affaires nouvelles. Des performances qui, selon Xavier Puel, président du tribunal de grande instance de Lille, «révèlent d’autant plus l’engagement des magistrats et des fonctionnaires que le TGI de Lille traite de contentieux d’une grande technicité». Les 13 juges d’instruction du pôle de l’instruction de Lille, dont les dossiers clôturés sont en hausse de 9% par rapport à 2017, ainsi que ceux du pôle correctionnel, ont rendu 11 260 décisions correctionnelles (+3% par rapport à 2017). Xavier Puel a également rappelé que depuis le 1er janvier 2018, les compétences du TGI de Lille en matière civile sont renforcées par la réforme des juridictions de sécurité sociale. Il s’agit notamment de statuer sur les actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins, modèles et de marques, mais aussi de juger les procédures de référé portant sur les contentieux de la précommande publique. «Cette réforme, dénommée réforme des pôles sociaux, bien que médiatiquement peu connue, constitue une réforme majeure de l’organisation judiciaire avec celle à venir, le 1er janvier 2020, de la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance», poursuit le Président. Chaque année, près de 200 000 concitoyens saisissent les juridictions sociales (accidents du travail, maladies professionnelles, handicap, aide sociale…). Cette réforme a laissé place à la création de pôles sociaux dans 116 tribunaux de grande instance et dans le ressort de la cour d’appel de Douai. Les 2 700 affaires en cours du tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) ont été reprises dans leur intégralité par le pôle social de Lille. Avec pour conséquence un stock des affaires civiles qui s’est trouvé alourdi avec 6 000 dossiers au total et une augmentation des stocks des affaires à juger de 54%. «En aucune façon, nos concitoyens doivent pâtir d’une situation où, par suite d’absence d’études d’impact, la réforme des juridictions sociales doit, pour l’instant, être appliquée sans aucune localisation d’emploi de magistrat supplémentaire» regrette Xavier Puel.
Poursuivre l’effort
En matière de sécurité sociale, le TGI de Lille avait jugé 3 458 affaires en 2017, soit une augmentation de 22% par rapport à 2016. En 2018, 3 309 affaires ont été jugées, soit un taux de couverture des affaires nouvelles de 105%, dans les deux années qui ont suivi les réformes. Un bon résultat qui s’explique aussi par les nombreux sièges sociaux de grandes entreprises sur le territoire ; 5 253 dossiers du tribunal des affaires de sécurité sociale ont été enregistrés depuis le 1er avril 2018, auxquels s’ajoutent 457 dossiers du TCI, sur la cadence de 500 dossiers enregistrés chaque mois. «Ce travail nous permettra de disposer d’instruments de pilotage pour un traitement efficient de ces contentieux», précise le président. Il est à noter également que parmi la quinzaine de tribunaux de grande instance disposant d’une compétence dans le contentieux de la rétention administrative, le TGI de Lille est l’un de ceux connaissant la plus forte activité dans cette matière, avec les juridictions de Bobigny, Meaux et Boulogne-sur-Mer. Malgré ces bons résultats, Xavier Puel souligne tout de même un manque cruel d’effectifs : «Le TGI de Lille dispose aujourd’hui, en effectif réel, de 216 ETP de fonctionnaires, mais ses besoins croissent d’année en année, en raison des réformes et de l’augmentation de la demande, pour atteindre 280 emplois à la fin 2018. Il nous faudrait donc 280 emplois de fonctionnaires là où nous n’en disposons que 216.»
Quelques chiffres
2018
- Tribunal classé au 7e rang national sur 164 TGI
- Compétence sur 126 communes, pour une population de 1 237 472 habitants
- Effectifs : 91 magistrats du siège, 35 magistrats du Parquet, 236 fonctionnaires
- Activité civile : 17 927 affaires civiles nouvelles / 17 120 affaires civiles terminées
- Accès au droit : 27 537 demandes présentées au bureau d’aide juridictionnelle / 28 033 décisions rendues
- Activité pénale : 187 679 procédures reçues au Parquet