Débat autour du neuromarketing
Organisée par le Cnam (conservatoire national des arts et métiers) à l’occasion d’un café de la science, la rencontre-débat autour du neuromarketing, une pratique qui consiste à utiliser l’imagerie médicale pour observer la réaction du cerveau face à des messages publicitaires, a réuni de nombreux participants.
Interdit en France, le neuromarketing est pourtant une technique qui se développe de plus en plus à travers le monde, à l’heure où les consommateurs sont envahis par la publicité et où de nombreux groupes anti-pub passent à l’action. La rencontre, fixée à Amiens et intitulée “Le fantasme du neuromarketing”, avait donc pour mission de démêler idées reçues et véritable visée de ce procédé. Pour animer le débat, le Cnam a fait appel à Nathalie Loos, maître de conférence à l’université Jules-Verne ainsi qu’à deux intervenants belges où le neuromarketing est autorisé : Laurence Dricot, docteur en neurosciences à l’université de Louvain et Arnaud Petre, professeur de neuromarketing à l’université Catholique de Lille et manager de l’entreprise Brain Impact.
Qu’est-ce que le neuromarketing ?
Si le terme de neuromarketing a fait son apparition dans les années 2000, le principe même est plutôt ancien puisqu’il n’est qu’une extension des neurosciences appliquées aux techniques du marketing. Concrètement, il s’agit d’observer les réactions et les mécanismes cérébraux qui incitent une personne à acheter un produit ou non. Pour cela on utilise l’imagerie médicale, IRM et électro-encéphalogramme, afin de cerner les facteurs, à savoir les émotions, la préférence ou encore l’attention, qui guident la prise de décision. En France, l’utilisation de matériel médical pour une visée marchande est interdite, d’où l’illégalité de cette pratique dans l’Hexagone. L’étude la plus célèbre utilisant le neuromarketing est sans conteste celle menée en 2004 par Read Montague, neurologue américain, qui mena à l’aide de soixante-sept personnes un test comparatif entre Pepsi et Coca-Cola. Les deux boissons, très proches dans leurs compositions sont pourtant choisies par des consommateurs à l’avis très tranché. Pour la première fois était démontré que la notoriété d’une marque influait sur le jugement de préférence des consommateurs en matière de perception gustative. Cette expérience a été très relayée par la presse soulevant enthousiasme et inquiétude sur le pouvoir supposé de cette technique.
Fantasmes et questionnement
Si le neuromarketing a permis de répondre à quelques interrogations, la pratique est principalement utilisée pour aiguiller les publicitaires dans leurs choix. Pour étayer cette position, Arnaud Petre a également présenté une étude réalisée pour une marque de soupe. Les zones de plaisir du cerveau réagissant à certaines images (des légumes entiers rentrant à l’intérieur de la boite de soupe) et moins à d’autres (une personne tournant la soupe dans une casserole). Ces observations vont aider les publicitaires à construire une offre publicitaire mais, comme tient à le rappeler le manager de Brain Impact : « Personne n’a le pouvoir de déclencher un achat. Aucun scientifique ne peut appuyer sur un bouton pour vous obliger à acheter un produit. » C’est justement la crainte soulevée par de nombreuses voix, et l’intérêt appuyé des marques pour le neuromarketing. Les génies du marketing ont cru un instant qu’il serait possible grâce à cette technique de pénétrer les secrets de l’acte d’achat et de développer ainsi un procédé qui pourrait aider le consommateur à remplir son chariot. Il n’en est pourtant rien. L’observation par imagerie médicale permet simplement d’observer l’activité du cerveau et l’activation de certaines zones, rien de plus. Laurence Dricot a par ailleurs rappelé que l’utilisation par des sociétés privées de l’imagerie médicale était une décision lourde de sens, prise après étude du projet et un entretien approfondi avec les responsables. Une fois la société accréditée, un contrat de location est signé entre les deux parties, permettant une rentrée financière non négligeable pour les établissements hospitaliers. Quant à savoir pourquoi cette technique reste interdite en France, Arnaud Petre, un brin provocateur, a terminé son intervention en expliquant que si le neuromarketing était autorisé, le problème de sous-équipement du territoire en matière d’IRM deviendrait public, la France comptant en 2011 9,4 IRM pour un million d’habitants, alors que la moyenne européenne est de 17 IRM pour la même population.