De la méthanisation en face de l'incinérateur
L'Audomarois a inauguré sa première unité de méthanisation "aux champs", le 19 juin dernier, à Renescure. Une initiative agricole en forme de pied de nez à l'incinérateur Flamoval. Visite d'un équipement qui pourrait bien faire des petits.
A deux pas du centre-bourg de Renescure, une navette emmène les invités qui rejoignent la dalle géante sur laquelle se tiennent deux grand dômes et un bâtiment en forme de tente, face à un triple bâtiment. Au milieu des champs de petits pois d’un industriel bien connu, le site étonne et préfigure une solution pour les exploitants agricoles soucieux d’utiliser au mieux leurs déchets.
11 000 tonnes de déchets par an.
La SAS Agri Flandre énergie est d’abord familiale : les deux jeunes agriculteurs sont apparentés aux familles Wyckaert et Devynck lesquelles forment elles-mêmes deux GAEC (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun) spécialisés dans la polyculture et l’élevage de bovins. Les deux familles partagent le matériel depuis plusieurs générations et sont de taille comparable, avec une centaine d’hectares. Le partage ira jusqu’aux déchets et inclura désormais l’énergie produite par ces derniers grâce à cette unité de méthanisation et son digesteur. Celui-ci traitera près de 11 000 tonnes de déchets par an (25 tonnes/jour), répartis en 60% d’effluents d’élevage et 40% de coproduits de légumes et de déchets verts. Tout le monde s’y retrouve : Bonduelle avec ses “restes”, la commune (la tonte de 11 hectares de pelouse) et les agriculteurs, souvent submergés par le fumier. Soit 2 millions d’euros d’investissement, dont un quart de subventions.
L’installation réside dans un digesteur de 2 000 m3 qui valorisera les déchets, stockés durant 40 jours dans un espace à 40 degrés, sous forme de méthane, lui-même brûlé pour produire de l’électricité (2 mégawatts prévus à 28 cents le kWatt, soit le tiers des habitants de la commune de Renescure) qui sera vendue à EDF. Une récupération de 80% du biogaz produit donne l’équilibre de l’unité de production. Dans le digestat, les promoteurs du projet récupéreront également les éléments fertilisant. “Grâce à ça, on divise par trois nos achats d’intrants“, se félicite Jacques Wyckaert. Cette installation permettra d’épargner 1 000 tonnes de CO2. La chaleur produite réduira aussi la facture énergétique des bureaux. “L’écodéveloppement est une nécessité. Avec la loi sur la transition énergétique, on franchit encore une marche“, a expliqué Hervé Pignon, directeur régional de l’ADEME qui a financé l’installation à hauteur de 437 000 euros (des fonds “chaleur et énergie renouvelables”) sur un investissement total de 2 millions d’euros. L’initiative a donné des idées à Hazebrouck où un projet est en cours, “qui en est à ses tout débuts“ indique le maire de la ville, Bernard Debaecker. Seule différence, le site est totalement urbain et sa destination est de fournir de la chaleur. “Il y a une vingtaine d’installations de ce type aujourd’hui dans la région. Ce sera très probablement une centaine dans dix ans. C’est encourageant quand on sait que 75% de nos déchets viennent du monde agricole”, pronostique Hervé Pignon.