De la fourche à la fourchette, le bio local bientôt dans l'assiette

«Nous sommes la seule région de France à matérialiser notre partenariat et notre ambition sur le terrain», a déclaré Luc Maurer, en poste à la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt Hauts-de-France depuis un an. Dernièrement, au Centre de formation agricole (CFA) de Saint-Omer, l’État, la Région et une dizaine de partenaires ont signé le plan de développement pour l'agriculture biologique.

« Les partenaires lors de la visite tu CFA de Saint-Omer »
« Les partenaires lors de la visite tu CFA de Saint-Omer »

Ce n’était pas gagné d’avance. La région Hauts-de-France figure parmi les régions agricoles les plus performantes pour les productions en grandes cultures, mais aussi parmi les dernières en matière de développement de l’agriculture biologique. Même si le nombre d’exploitations bio a augmenté de 20% ces deux dernières années, les surfaces représentent 26 000 hectares, soit seulement 1,1% de la surface agricole utilisée (SAU). La disparité entre la Picardie et le Nord – Pas-de-Calais a également fait partie des préoccupations. «En Nord – Pas-de-Calais, nous avions un plan bio issu d’une large concertation mais sans les outils, alors qu’en Picardie, on avait les outils mais pas de plan», a expliqué Marie-Sophie Lesne, vice-présidente de la Région Hauts-de-France en charge de l’agriculture et l’agroalimentaire. Tous les acteurs se sont donc mis autour de la table : État, Région, les Agences de l’eau, les Conseils départementaux, la Chambre d’agriculture et les associations de promotion et de développement de l’agriculture biologique (l’association ABP – Agriculture biologique en Picardie, Gabnor – Groupement des agriculteurs biologiques du Nord – Pas-de-Calais et l’association A Pro Bio). Le plan bio 2017-2021 est aujourd’hui opérationnel.

«Le bio doit dégager de la valeur ajoutée»

Programme d’actions

Marie-Sophie Lesne et Christophe Buisset, président de la Chambre régionale d’agriculture, lors de la signature du plan bio.

Le plan bio se fixe comme objectif d’accompagner tous les acteurs de la filière, de l’amont à l’aval, ainsi que les organismes de recherche et les établissements d’enseignement agricole. «L’État participe pleinement au soutien financier et technique de la filière, a tenu à préciser Luc Maurer. Les crédits de l’État permettent de mobiliser le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). Pour les années 2015 et 2016, cela représente un montant global de 18 millions d’euros, dont 4,5 millions directement financés par l’État.» Le représentant de l’État n’a pas manqué d’ajouter que l’aide se concentrera désormais sur l’accompagnement et la conversion pendant cinq ans, mais moins sur le maintien. «Après cinq années d’aides, c’est aux agriculteurs de faire leurs preuves», a-t-il déclaré. D’autres financements devraient intervenir dans l’animation, la mobilisation des établissements d’enseignement agricole à travers les programmes de formations initiales et continues et les exploitations agricoles des lycées. Marie-Sophie Lesne a insisté sur le développement de la valeur ajoutée dans les exploitations régionales grâce à des filières rémunératrices et des projets de diversification. «Le bio coûtera toujours plus cher à produire car il demande plus de main-d’œuvre. Le bio doit dégager de la valeur ajoutée, de la différenciation pour valoriser l’agriculteur. Il doit pouvoir maintenir son niveau de rémunération.» La création d’un point d’accueil bio sera en mesure d’accompagner tous les projets en conversion bio. Plus d’un million d’euros par an de crédits seront dédiés à l’animation du plan bio et 100 000 € pour les aides à la certification en agriculture biologique. Concernant l’approvisionnement de toutes les cantines des lycées de la région, elle s’est fixé l’objectif d’un taux de 70% de produits locaux, dont 10% de produits bio locaux à l’horizon 2021. Les Conseils départementaux devraient se pencher dans le même temps sur l’assiette des collégiens. De quoi battre en brèche toute idée de service fastfood qui pourrait naître dans certains établissements scolaires.

«Après cinq années d’aides, c’est aux agriculteurs de faire leurs preuves»

Le potager Mandala

Aymeric Coupé, apprenti, devant le potager Mandala.

Aymeric Coupé est apprenti au CFA de Saint-Omer. Né dans la marais audomarois il y a 25 ans, le jeune homme se projette dans deux ans comme exploitant indépendant dans le marais, lorsqu’il aura terminé son apprentissage. «J’aimerais faire un peu de tout en agriculture biologique, en moins grande quantité que le font actuellement les agriculteurs du coin mais avec plus de diversité et de qualité. Avec la biodiversité qui existe dans le marais, il y a de quoi faire. Je ferai de la vente directe et en coopérative.» Et pour trouver la terre de ses rêves, Aymeric ne s’inquiète pas. «Il y a beaucoup d’anciens dans le marais qui seront contents de transmettre», assure-t-il. À la tête du potager Mandala («support de méditation» dans le bouddhisme) du CFA, avec trois autres apprentis, les jeunes apprennent à «dialoguer» avec les plantes. De multiples séances pédagogiques sont mises en œuvre par les formateurs sur la base de documents techniques issus de l’exploitation, apportant aux apprentis les éléments de compréhension du fonctionnement d’un système de production de légumes biologiques diversifiés. Le résultat est édifiant. Les secteurs «feuille», «racine», «bulbes» ou encore «fruits» se prêtent aux rotations pour éviter les maladies et l’épuisement du sol et aux quatre angles du potager se côtoient les plantes aromatiques et les plantes pérennes comme la rhubarbe ou l’oseille, dans une harmonie parfaite. Prochaine étape pour les apprentis : la permaculture, pour faire vivre encore plus cette biodiversité.