De l'Ukraine à la Lorraine, une classe se délocalise

"Ici, ils sont en sécurité": 17 écoliers ukrainiens ont retrouvé leurs camarades et le plaisir d'aller en classe à l'occasion d'une délocalisation temporaire dans une...

L'enseignante ukrainienne Svetlana (g) donne un cours à des enfants ukrainiens dans une salle de classe de l'école primaire Jules Ferry de Tomblaine, le 25 septembre 2023 en Meurthe-et-Moselle © Jean-Christophe VERHAEGEN
L'enseignante ukrainienne Svetlana (g) donne un cours à des enfants ukrainiens dans une salle de classe de l'école primaire Jules Ferry de Tomblaine, le 25 septembre 2023 en Meurthe-et-Moselle © Jean-Christophe VERHAEGEN

"Ici, ils sont en sécurité": 17 écoliers ukrainiens ont retrouvé leurs camarades et le plaisir d'aller en classe à l'occasion d'une délocalisation temporaire dans une école de Tomblaine (Meurthe-et-Moselle). 

Ces enfants, âgés de 8 et 9 ans, font partie d'une classe de 27 élèves (dix n'ont pas pu faire le déplacement) originaires de Lozova, dans l'est de l'Ukraine, à environ 200 kilomètres du front.

Entre le Covid-19 et l'invasion de leur pays par la Russie en février 2022, ils n'ont eu classe qu'à distance depuis trois ans, explique à l'AFP Alla, professeure ukrainienne de français, qui les accompagne en tant que traductrice durant ce voyage. 

Leur école ne disposant pas de cave dans laquelle les élèves pourraient se réfugier en cas de bombardement, les cours se tiennent exclusivement à la maison, en visioconférence.

Changement de perspective en terre française.

"Au début, quand un avion passait, ils n'étaient pas sereins", explique Patricia Herman, responsable du service enfance de Tomblaine et directrice de séjour. 

Dans la semaine de leur arrivée, le pneu d'un bus a explosé à proximité. "Ils ont entendu comme une détonation et ont couru" vers leur maîtresse, explique-t-elle. Mais "ici, ils sont en sécurité" et "heureux", assure Alla.

Sentiment de liberté

L'école élémentaire Jules Ferry disposait d'une salle de classe vacante, qu'elle a pu leur attribuer pour cinq semaines. "Notre classe est moderne, équipée (...) Ici, nous avons tout. Les livres électroniques, les fournitures" et deux tableaux, dont un connecté, se réjouit Svetlana, l'institutrice. 

Les cinq fillettes arborent fièrement leur sac à dos, rose ou mauve. L'une d'elles, aux longs cheveux bruns tressés, pioche dans sa trousse pour prêter un stylo à sa camarade durant le cours de "nature" qui leur est dispensé. Nikita, un petit garçon, lève la main pour répondre à toutes les questions.

Dimanche, les enfants ont suivi un cours de langue des signes: la maîtresse leur propose de mettre en pratique leurs connaissances nouvellement acquises au cours d'une séance de mime. 

Le groupe est logé dans un gîte municipal situé tout près d'un plan d'eau. "Ils ont eu un sentiment de liberté quand ils ont compris qu'ils pouvaient prendre une canne à pêche et attendre" d'attraper le poisson "sans avoir peur", relève le directeur de l'école, David Albert.

A 10 heures, lorsque la sonnerie retentit, les écoliers profitent de la récréation pour jouer avec les élèves français. Ils "parlent anglais avec eux", sourit M. Albert. De quoi montrer à ses élèves que l'apprentissage de cette langue ne se fait "pas pour rien".

Vendredi, une opération "Nettoyons la nature" a été organisée à l'école. Les enfants ont confié que c'était une action qui leur était proposée, en Ukraine, avant la guerre.

Bonne adaptation

Symptôme de la "bonne adaptation" des écoliers, "j'avais peur qu'ils pleurent (en pensant à) leurs parents, mais ils ne pleurent pas", témoigne Alla. Malgré des journées "actives, dynamiques", ils ne montrent pas de signes de fatigue, assure-t-elle.

Comme tous les écoliers, dans cette routine presque normale, ils restent entre amis et se chamaillent parfois, pour aller dessiner au tableau, par exemple.

Sur certains de leurs cahiers, une écriture impeccable en cyrillique côtoie des dessins de personnages, ressemblant parfois à des robots, aux couleurs dominantes noires et rouges.

La mairie de Tomblaine avait déjà accueilli, sur les périodes de vacances scolaires, des adolescents ukrainiens dans le cadre de "séjours de répit". 

Cette "classe transplantée", organisée en partenariat avec l'association humanitaire Europe Prykhystok, est une première.

Une fois qu'ils seront rentrés chez eux, "ça serait bien que l'on puisse garder du lien, des correspondances", espère David Albert. "S'ils veulent raconter leur vie là-bas, ce serait positif pour nos élèves". 

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