Dati veut une réforme profonde du Pass Culture, totem de Macron
La ministre de la Culture Rachida Dati souhaite profondément réformer le Pass Culture, totem de la politique culturelle du Président Macron, dont le coût élevé et les effets sont très...
La ministre de la Culture Rachida Dati souhaite profondément réformer le Pass Culture, totem de la politique culturelle du Président Macron, dont le coût élevé et les effets sont très contestés par les acteurs du secteur.
Cinq ans après son introduction, la ministre issue de LR, ralliée à Emmanuel Macron et qui a survécu à la dissolution propose d'en finir avec ce qui faisait l'originalité du dispositif: une subvention universelle de 300 euros pour tous les jeunes de 18 ans, à dépenser comme bon leur semble pour de la culture.
Vendredi, au lendemain de la présentation du premier budget du gouvernement Barnier, Rachida Dati profite d'une tribune au Monde pour suggérer des aménagements, après des rapports ayant pointé les limites du dispositif.
La ministre souhaite tout d'abord moduler la somme offerte aux jeunes.
"Sans renoncer à l'universalité du dispositif, nous devons davantage assumer que le Pass culture a vocation à corriger des inégalités de destin", souligne-t-elle, en donnant "davantage aux jeunes de condition modeste, sans négliger les classes moyennes".
Elle souhaite également en finir avec le libre-service qui permet aux jeunes de dépenser comme bon leur semble leur subvention.
Une partie devra être consacrée aux réservations de spectacles vivants, largement boudés par les bénéficiaires qui n'y consacrent qu'un pour cent de leurs dépenses.
Economies
Jusqu'ici, les jeunes privilégient les achats de livres, dont une grosse part de mangas, et de cinéma, pour les trois quart des dépenses.
Cette réforme du Pass Culture, qu'une partie du secteur attendait avec impatience, doit permettre de "faire mieux avec moins", avance-t-on rue de Valois.
Avec 4,45 milliards d'euros alloués (stricte reconduction du montant attribué par la loi de finances initiale l'an dernier), le ministère de la Culture s'estime relativement épargné par l'effort budgétaire demandé en 2025 mais voit dans le Pass Culture une importante source d'économies.
Étrenné en 2019-2020, le dispositif a bénéficié à plus de 3,4 millions de personnes depuis sa généralisation en 2021, touchant une grande majorité de chaque classe d'âge.
Succès aidant, les chèques faits aux jeunes coûtent quelque 210 millions d'euros par an. Or de nombreux acteurs culturels reprochent au Pass, très gourmand en argent public, de rater sa cible en arrosant tout le monde, même ceux qui ont déjà les moyens ou l'habitude de consommer de la culture.
Et de ne pas inciter les jeunes à aller vers des spectacles ou des œuvres vers lesquelles ils ne se seraient pas tournés sinon, gonflant les ventes des grandes industries culturelles, comme les éditeurs d'ouvrages de New Romance (fictions amoureuses agrémentées de suspense et d'érotisme) dont les ventes explosent, plutôt que les structures fragiles.
Pour y remédier, de premières réformes ont déjà été menées, l'Etat créant une "part collective" dépensée via les enseignants.
Désaveu
Mais "la part individuelle reste encore, trop souvent, un instrument de consommation culturelle et de reproduction sociale", constate la ministre dans sa tribune, s'appuyant sur deux rapports gouvernementaux.
Elle souhaite donc réduire la part directement versée aux jeunes au profit des sommes qui permettent d'améliorer "la diversification des publics et des pratiques".
"La messe est dite pour le Pass Culture", juge pour l'AFP l'universitaire et économiste de la culture Jean-Michel Tobelem, qui y voit "un désaveu" du Président Macron.
"Beaucoup de gens n'ont pas voulu accepter l'idée que le Pass culture n'atteignait pas ses objectifs, jusqu'à ce que la situation devienne intenable" budgétairement, regrette-t-il.
Il appelle à accompagner cette réforme d'un soutien aux acteurs comme les petites librairies, les MJC et l'éducation populaire.
Sociologue au Cerlis, spécialiste des pratiques culturelles des adolescents, Tomas Legon y voit lui aussi la fin de l'esprit original du Pass Culture.
"Le pass représentait une forme modeste d'innovation dans la politique culturelle" en laissant aux ados le choix de leurs pratiques. "Là, on revient à l'objectif classique depuis les années 1950 de la +démocratisation culturelle+, distinguant les +bonnes+ pratiques des +mauvaises+ et considérant qu'il y a des choses moins culturelles que d'autres", analyse-t-il.
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