Dans le Pas-de-Calais, la SAFER fait œuvre de pédagogie
Mi-novembre, les représentants de la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) Hauts-de-France sont intervenus à Marquion pour répondre aux questions des agriculteurs très impactés par le tracé du Canal Seine-Nord Europe (CSNE).
Initié il y a deux décennies, le projet du Canal Seine-Nord Europe (CSNE) est enfin entré en phase de construction. Celui-ci doit relier Compiègne à Aubencheul-au-Bac et favoriser les liaisons fluviales entre la France, la Belgique et les Pays-Bas. Souvent qualifiée de «chantier du siècle», cette infrastructure a nécessité un travail préparatoire titanesque et entraîné d’intenses discussions avec le monde agricole. «Nous savions que l’impact de ce projet pour les agriculteurs du Pas-de-Calais allait être massif et traumatisant», rappelle Philippe Truffaut, élu à la Chambre d’agriculture 62-59 et agriculteur. Afin de compenser au maximum l’emprise du CSNE sur les exploitations agricoles, la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) des Hauts-de-France a constitué une réserve foncière. En 2023, celle-ci s’élevait à 2 508 hectares, dont 865 hectares sur la partie Nord-Pas-de-Calais.
Engager le dialogue avec les agriculteurs
Mi-novembre, les représentants de la SAFER Hauts-de-France se sont rendus à Marquion pour répondre aux questions des agriculteurs, notamment autour de la répartition de la réserve foncière, mais aussi pour présenter leurs différents services. «Je comprends que vous ne voyiez la SAFER qu’à travers ce qui a été fait autour du canal, lance Hubert Bourgeois, délégué général de la SAFER Hauts-de-France, qui se défend par ailleurs d’avoir fait monter le prix des terres. Le territoire du Pas-de-Calais a été mis sous cloche pendant 20 ans pour ce projet, ce qui nous a contraints à nous éloigner de nos autres missions. Mais nous sommes là aujourd’hui pour en discuter et vous dire aussi que la SAFER, ce n’est pas que cela».
Dans le Nord et le Pas-de-Calais, 72 candidats directement impactés par le tracé du CSNE ont été identifiés. En 2024, 558,10 hectares ont été attribués à 60 agriculteurs impactés par le tracé de l’infrastructure et 107,7 hectares à 56 agriculteurs non impactés qui avaient candidaté. «Je voudrais tirer un coup de chapeau à la SAFER, parce que quand on a une dizaine d’hectares à attribuer pour une vingtaine de candidats, ce n’est pas évident. On sait qu’il y aura toujours des insatisfaits, mais je peux certifier que le travail a été fait de façon très honnête», indique l’élu départemental Alain Mequignon, en réponse à quelques critiques quant à l’attribution des terres. Ce dernier rappelle également l’engagement du département sur ce dossier, en assurant le portage financier de ces opérations d’achat. L’ensemble des acquisitions a représenté un investissement global de 35 millions d’euros.
Un rôle pluriel
«On arrive aujourd’hui à quelque chose d’inespéré : on fait passer un canal qui prend beaucoup de surface sans en prendre aux agriculteurs», souligne Philippe Truffaut, qui insiste sur un point : sans l’action de la SAFER et la vigilance, notamment des syndicats agricoles, les exploitants auraient perdu «globalement 2,5% » de leur emprise. «Personne ne pensait que ce projet prendrait 20 ans. Je rappelle que les travaux devaient être achevés sous le mandat de Nicolas Sarkozy», ajoute-t-il.
«La création d’une infrastructure telle que celle-ci ne se produit qu’une fois par siècle. Nous avons dû mobiliser toute notre énergie sur ce sujet et il est vrai que nous avons mis de côté tout ce qui concerne les agrandissements et les installations», concède Hubert Bourgeois avant d’évoquer les autres missions de la SAFER. «En plus de notre rôle d’opérateur foncier, nous sommes aussi experts en observation foncière et nous accompagnons les collectivités dans l’optimisation de leurs terrains», énumère-t-il, espérant renouer rapidement un lien de confiance avec les agriculteurs du Pas-de-Calais.
Par Aletheia Press