Dans l'est de l'Allemagne, la sortie du charbon donne du carburant à l'extrême droite

Les deux colonnes de fumée blanche qui s'échappent de la centrale thermique voisine font partie du décor des habitants de Spremberg, dans l'est de l'Allemagne, mais tous se préparent à tourner la page du charbon...

La centrale à charbon Schwarze Pumpe à Spremberg, dans l'est de l'Allemagne, le 19 septembre 2019 © John MACDOUGALL
La centrale à charbon Schwarze Pumpe à Spremberg, dans l'est de l'Allemagne, le 19 septembre 2019 © John MACDOUGALL

Les deux colonnes de fumée blanche qui s'échappent de la centrale thermique voisine font partie du décor des habitants de Spremberg, dans l'est de l'Allemagne, mais tous se préparent à tourner la page du charbon et se demandent de quoi l'avenir sera fait.

La transformation est déjà en marche dans cette région d'ex-RDA où les immenses mines à ciel ouvert ferment progressivement en prévision de 2038, échéance fixée par le gouvernement allemand pour débrancher toutes les polluantes centrales à charbon du pays.

Celle de Spremberg ne fera pas exception et les changements à venir sont au coeur des préoccupations des électeurs appelés à voter, dimanche, pour renouveler le parlement de l'Etat du Brandebourg, région qui entoure Berlin et s'étend jusqu'à la frontière avec la Pologne.

Le parti d'extrême droite AfD espère remporter une nouvelle victoire, trois semaines après avoir obtenu des scores inédits aux scrutins régionaux organisés dans deux autres Länder de l'est du pays.

"Ici, des milliers de personnes [...] ont été liées au charbon pendant toute leur carrière", explique à l'AFP Christine Herntier, 67 ans, maire de Spremberg.

Une immense carte de la centrale thermique de Schwarze Pumpe et de son complexe industriel tapisse le bureau de cette élue, sans étiquette, qui se dit "fière" de cette tradition minière.

La plupart des 25.000 habitants de Spremberg se sont résignés à laisser derrière eux une industrie nuisible à l'environnement, qui a forgé leur identité mais a aussi ravagé, en un siècle d'exploitation intensive, les paysages du bassin de la Lusace.

Ce changement d'ère reste "une question importante" aux yeux des électeurs, affirme Mme Herntier.

Aides publiques

Crédité de 27% d'intentions de votes, l'AfD fait la course en tête dans les sondages pour l'élection de dimanche, suivi de près par le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz qui gouverne la région depuis la réunification.

A Spremberg, lors d'élections locales en juin, l'AfD a triomphé avec 39,3% des voix.

La mutation en cours est "une des principales raisons" du vote AfD à Spremberg, assure Michael Hanko, responsable local du parti. La formation d'extrême droite a fait de la lutte contre les réglementations environnementales un thème fort de campagne, avec la politique de sécurité et d'immigration.

Pour accompagner les régions dépendantes du charbon, un plan national doté de 40 milliards d'euros a été mis sur pied par Berlin, dont 17 milliards rien que pour la Lusace.

Le programme "Lausitz 2038" veut transformer la région en pôle d'innovation tourné vers les énergies renouvelables. Des grands noms de l'industrie comme Bosch, BASF ou Daimler ont répondu à l'appel. De nouvelles infrastructures routières et ferroviaires voient le jour. 

"Je ne crois pas que le gouvernement ait réussi à convaincre de ce changement imposé, en disant qu'il faut désormais tout miser sur les énergies renouvelables", réplique Michael Hanko.

A Spremberg, l'animosité se concentre sur un parc éolien en passe d'être agrandi: selon les locaux, le projet menacerait des arbres centenaires, une espèce d'hirondelle protégée et une source d'eau potable.

Digérer" les changements

Ils ont l'impression que "trop peu de projets se concrétisent et trop lentement", affirme Lars Katzmarek, un des responsables du groupe Pro-Lausitz, pour le développement local.

Le séisme économique provoqué dans l'est de l'Allemagne par les conséquences de la réunification avait déjà décimé l'industrie du lignite. 

Le secteur emploie encore quelque 8.000 travailleurs dans le bassin de la Lusace, dont 4.500 dans le Brandenbourg.

La transformation en cours "accable" un peu plus la population, d'après Lars Katzmarek.

"Le coronavirus, la crise énergétique, la guerre en Ukraine - la population n'a pas encore digéré ces choses très difficiles [...] Et peut-être qu'à un moment, elle décide de faire la sourde oreille", observe-t-il.

"Je ne suis sûrement pas un partisan de l'AfD, mais je peux comprendre les gens (qui le sont)", déclare à l'AFP Joachim Paschke, un habitant de Spremberg âgé de 81 ans.

Par une matinée pluvieuse, cet ancien ingénieur en génie mécanique et en soudage achète des petits pains dans la boulangerie en face de la mairie.

"Les partis établis n'ont rien de concret (...) et l'AfD propose quelque chose de différent. Les gens veulent du changement", estime-t-il.

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