Conférence de la Confédération des petites et moyennes entreprises

Conjuguer transition écologique et retour sur investissement

La transition écologique, oui ; le «fardeau des normes environnementales», non. Telle est le message de la CPME, Confédération des petites et moyennes entreprises, qui organisait une conférence témoignant des difficultés rencontrées par les entrepreneurs.

Le «décret tertiaire» de 2019 impose une réduction de la consommation d'énergie des bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2 de 40% en 2030 par rapport à 2010. © Irina Sharnina
Le «décret tertiaire» de 2019 impose une réduction de la consommation d'énergie des bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2 de 40% en 2030 par rapport à 2010. © Irina Sharnina

«Réussir la transition écologique des PME : comment avancer sans ployer sous le fardeau des normes environnementales ?» interrogeait la CPME, lors d'une récente conférence de presse à Puteaux. «La bonne volonté est là. (…). Nous sommes volontaires mais nous ne voulons pas être submergés par le tsunami administratif qui se met en place», démarrait François Asselin, président de la confédération.

Le «tsunami», c'est en particulier la transposition de la directive européenne CSRD – concernant le reporting extra-financier. La publication de l'ordonnance est prévue pour le 8 décembre. Elle va concerner les entreprises de taille moyenne (250-400/500 salariés) non soumises auparavant à la loi française de Déclaration de performance extra-financière (DPEF). «À 250 salariés, on est plutôt une grosse PME. Par ailleurs, dans une démarche RSE, les parties prenantes sont impliquées et les PME se retrouvent donc embarquées par leurs clients», s'inquiète François Asselin. Ces contraintes nouvelles vont s'ajouter à d'autres existantes.

Lors de la conférence de presse, trois représentants d'entreprises et de secteurs étaient venus témoigner des difficultés qu'ils rencontrent alors qu'ils sont moteurs en matière de RSE. Catherine Guerniou, dirigeante de la Fenêtrière, a fortement engagé sa menuiserie familiale ( label Afnor RSE, label Origine France garantie pour les produits, fresque du climat pour les salariés...). 

Autre niveau d'engagement, celui de regroupements d'entreprises comme CAP, fédération du cartonnage et des articles de papeterie, ou de l'UNICEM qui rassemble les producteurs de matériaux minéraux destinés au bâtiment et aux travaux public. «Dans le secteur, cela fait 20 ans que nous avons une charte environnement. Nous réalisons des bilans réguliers et nous nous engageons sur des améliorations. Cela constitue un véritable outil de management. Sur le terrain, les gars sont très intéressés par la progression du score», témoigne Éric Liglet, président de l'UNICEM Centre-Val de Loire.

Les mille embûches de la transition

Sur le plan économique, le constat posé par ces entrepreneurs est celui d'une non-viabilité de la transition écologique telle qu'elle est actuellement conçue. «J'investis dans la transition écologique. C'est valorisant comme petit fabricant local, mais je n'arrive pas à le vendre . Au total, cela nous coûte de l'argent», explique Catherine Guerniou. Avec les deux autres responsables, elle témoigne de difficultés et pesanteurs qui plombent le quotidien et les finances des entreprises. 

Exemple, le «décret tertiaire» de 2019. Il impose une réduction de la consommation d'énergie des bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m2 de 40% en 2030 par rapport à 2010. Celui de Catherine Guerniou fait 1 053 m2... Et son entreprise ne rentre pas dans les cases qui lui permettraient de bénéficier du soutien financier de Bpifrance pour réaliser le Diag Eco-Flux , un programme d’accompagnement pour optimiser les coûts et réaliser des économies (5 000 euros). Devis pour isoler correctement le bâtiment ? 600 000 euros à la charge de la TPE (2,5 millions d'euros de chiffre d'affaires).

Autre point dolent, les filières à responsabilité élargie, REP qui gèrent prévention et gestion des déchets. Catherine Guerniou décrit une organisation bancale et inefficace de celle de son secteur. Et Jean-Marc Lebhar, président de CAP redoute les conséquences de la récente fusion de la REP des producteurs d’emballages ménagers et de celle des producteurs de papier (qui recyclent plus que les premiers). «Les vertueux vont payer pour ceux qui ne le sont pas», estime-t-il. Au delà des obligations juridiques, il pointe aussi les effets de mode et la pression d'associations qui interviennent sur les thèmes de la transition écologique. 

Par exemple, avec l'engouement pour la réutilisation susceptible de fragiliser la filière et pas forcément écologiquement vertueux à ses yeux. Quant à Eric Liglet, il remet en cause le réalisme des objectifs de décarbonation. «Les constructeurs avancent sur des engins hybrides ou à hydrogène, mais pour l'instant, il n'y a rien de concret», explique-t-il. Par ailleurs, «nos sous-traitants sont souvent des TPE comme des sociétés de transport avec quatre ou cinq cartes grises. J'ai beaucoup de mal à comprendre comment nous allons pouvoir les emmener avec nous. Pour 80% d'entre eux, je suis certain que la RSE est une idée très vague, et ils ne sont pas staffés pour souscrire à ce type de démarche», illustre-t-il.

Une pause réglementaire

A rebours du «fardeau administratif», la CPME avance plusieurs propositions pour «réussir la transition écologique des PME». Pour le court-terme, la confédération demande un accompagnement à la CSRD. «Nous avons besoin d'outils opérationnels», insiste Guillaume de Bodard, président de la commission du développement durable de la CPME. Exemples : des financements et accompagnements de Bpifrance, la banque publique d'investissement ou de l'Ademe, Agence de la transition écologique. Et aussi, des formations pour les entreprises. Autre demande forte, l'instauration d'un «test PME», plaide François Asselin. Concrètement, il s'agirait de réaliser un test pour mesurer les effet d'une mesure sur le fonctionnement d'une petite entreprise, avant la publication de tout texte environnemental. Idéalement, le dispositif serait obligatoire au niveau national et européen.

La CPME demande aussi une «pause réglementaire». Et à tout le moins, une mise en cohérence des «dispositifs environnementaux existants imposés aux entreprises qui s’ajoutent aux autres exigences en matière sociale, fiscale, etc». Ces derniers recourent à des obligations, critères, seuils, modes de calcul, ou encore des définitions disparates, complexes à gérer pour une PME. «Tout cela me demande beaucoup de temps et d'énergie. Régulièrement, il faut revoir les choses, car il y a de nouvelles contraintes», confirme Catherine Guerniou. Son entreprise semble correspondre au modèle d'«entreprise stratège», ouverte et très investie dans la RSE, selon la typologie établie par Bpifrance le Lab dans sa récente enquête sur «les entreprises familiales». 

L'étude, consacrée aux PME et ETI, population qui recoupe pour partie celle des adhérents de la CPME, décrit un paysage entrepreneurial fait de 38% d'entreprises impliquées dans la RSE, et, à l'autre extrême, de 42% qui le sont très peu, voire pas du tout. L'équation posée par la CPME s'inscrit dans la complexité d'un tissu économique très diversement convaincu ou mobilisé sur le sujet de la transition écologique.