Commerce, distribution : les évolutions prévues par la loi Macron

Le projet de loi Macron, adopté de manière retentissante en première lecture à l’Assemblée par le recours à l’article 49‑3 de la Constitution, même s’il doit prochainement passer devant le Sénat, donc susceptible de nouveaux amendements, projette des évolutions significatives en droit économique. Revue de l’essentiel.

Commerce, distribution : les évolutions prévues par la loi Macron
D.R.Dans les agglomérations de plus d’un million d’habitants, comme Lille, avaient été instaurés les PUCE (périmètre d’usage de consommation exceptionnelle).

Dans les agglomérations de plus d’un million d’habitants, comme Lille, avaient été instaurés les PUCE (périmètre d’usage de consommation exceptionnelle).

De manière générale, le projet de loi Macron cherche à structurer les relations commerciales entre professionnels avec des dispositions qui inquiètent les réseaux de distribution, en prévoyant notamment la vente forcée de commerce de détails ou le contrôle du rapprochement de centrales d’achats.

1. Relations entre les professionnels
Durée et limite des contrats d’affiliation à un réseau de distribution.

La durée du contrat est limitée à 9 ans, sans tacite reconduction.Lorsque plusieurs contrats lient un commerçant au promoteur du réseau, ces contrats devront prendre fin à la même date, afin d’éviter que le commerçant ne puisse pas “opter pour l’indépendance” ou “rejoindre un autre réseau”. Cette disposition ne fait aucune différenciation selon l’importance du réseau de distribution, ce qui paraît regrettable.

Limitation du champ des conventions récapitulatives.
La conclusion annuelle ne sera désormais obligatoire que pour les seules relations entre grande distribution et fournisseurs. Cette limitation semble souhaitable au regard du formalisme imposé à cette convention.

Inclusion des marques de distributeurs (MDD) dans la clause de renégociation.
Obligation pour les contrats portant sur la conception et la production de produits, de bénéficier de la clause de revoyure, et des contraintes liées, telles l’obligation de rédiger un compte-rendu de la négociation, même si celle-ci n’aboutit pas à une révision des prix :
– obligatoire dans les contrats portant sur la conception et la production des produits agricoles selon “les modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur”, étant ainsi visés les produits MDD ;
– facultative dans les contrats, prévoyant déjà “un prix indexé sur une cotation ou un cours de marché ”.

Les sanctions pour pratiques restrictives de concurrence
(pratiques commerciales discriminatoires, déséquilibre significatif des obligations entre les parties, rupture abusive des relations commerciales,…) seront renforcées : le maximum de l’amende civile est fixée à 5% du chiffre d’affaires réalisé en France par l’auteur des pratiques incriminées. Actuellement, le maximum est fixé à 2 millions d’euros ou le triple des sommes indûment versées.

Délais de paiement. Jusqu’alors, le délai maximal de paiement était, par principe, soit de 60 jours, soit de 45 jours fin de mois.

Le projet Macron prévoit que le délai maximal de paiement par principe soit fixé à 60 jours ; ce n’est que par dérogation expressément convenue, que les parties peuvent choisir un délai de 45 jours fin de mois.

Pour les ventes de produits ou les prestations de service dont l’activité présente “un caractère saisonnier particulièrement marqué”, par dérogation expressément convenue, les parties peuvent choisir un délai de 90 jours.

2. Relations avec les consommateurs

Travail le dimanche. Les établissements de commerce de détail pourront ouvrir, après autorisation du maire, 12 dimanches par an (au lieu de 5 actuellement), afin de répondre aux “spécificités saisonnières ou événementielles” de la ville concernée. Les établissements de vente au détail seraient autorisés à ouvrir le dimanche toute l’année, lorsqu’ils sont situés :

– dans une “zone commerciale” qui se caractérise par “une offre commerciale et une demande potentielle particulièrement importantes” (ancien périmètre d’usage de consommation exceptionnelle, PUCE) ;
– dans une “zone touristique” qui se caractérise par “une affluence particulièrement importante de touristes” (anciennes communes d’intérêt touristique ou thermales et zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle) ;
– dans une “zone touristique internationale” qui se caractérise par un “rayonnement international” et une “affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France”, étant précisé que dans cette dernière zone, ils sont également autorisés à ouvrir en soirée, jusqu’à minuit.

Clauses abusives. Les associations de consommateurs ou la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) seraient autorisées à engager une action en suppression d’une clause abusive apparaissant dans les contrats de consommation en cours mais ne figurant plus dans les nouveaux contrats proposés au consommateur.

Appellation d’origine et indication géographique. Il serait interdit d’apposer ou de faire apparaître un drapeau bleu-blancrouge sur un produit vendu en France qui ne bénéficie pas “d’une appellation d’origine, d’une indication géographique ou qui n’a pas fait l’objet d’un processus de certification attestant son origine française”.

3. Les pouvoirs de l’Autorité de la concurrence renforcés

Urbanisme commercial. L’Autorité de la concurrence pourra émettre un avis public sur les projets de schéma de cohérence territoriale, de plan local d’urbanisme etc., afin de s’assurer que sont réunies les “conditions d’une concurrence équitable”.

L’Autorité accroîtra ainsi son rôle de conseiller des décideurs publics, ce qui semble être plutôt positif. Injonctions en cas de position dominante d’un commerce de détail. Après avoir fait part de ses préoccupations de concurrence, l’Autorité pourra enjoindre à l’entreprise qui n’a pas proposé d’engagements répondant à ces préoccupations :

– soit de modifier, compléter ou résilier, dans un délai de trois mois, tout accord et tout acte responsable de la “puissance économique”,
– soit de céder une partie de ses activités, s’il s’agit du seul moyen de rétablir une “concurrence effective”.

Cette atteinte notamment au droit de propriété paraît disproportionnée au regard d’une simple préoccupation de concurrence de l’Autorité. Il faut rappeler qu’une position dominante n’est pas en soi condamnable, seul l’abus l’est. En pratique, ce mécanisme se calque sur le modèle introduit, en 2012, pour les collectivités d’outre-mer que l’Autorité n’a jamais utilisé à ce jour.

Centrales d’achat et/ou de référencement. L’Autorité devra être informée au préalable des rapprochements de telles centrales, deux mois avant leur mise en œuvre. Pour l’instant, on en reste à une simple information préalable.

Contrôle des concentrations. L’Autorité disposera de pouvoirs renforcés lui permettant :

– d’assortir de conditions l’octroi de la dérogation prévue en cas de procédures collectives permettant aux parties à une opération de concentration de procéder à la “réalisation effective” de tout ou partie de la concentration, sans attendre son accord définitif ;
– de suspendre le délai de 25 jours dont elle dispose, pour examiner un projet de concentration, si les parties ne l’ont pas informée, dès sa survenance, d’un fait nouveau, ne lui ont pas communiqué tout ou partie des informations demandées dans le délai imparti ;
– de bénéficier d’un délai supplémentaire pour examiner le projet de concentration, lorsque des engagements lui sont transmis moins de 20 jours ouvrés avant la fin du délai de 65 jours ouvrés dont elle dispose pour prendre une décision.

Pratiques anticoncurrentielles. L’Autorité pourra :
– se faire communiquer les données conservées par les opérateurs de communications électroniques et les personnes offrant un accès à des services de communication au public ou les hébergeurs (fadettes) ;
– rejeter une saisine en matière de pratique anticoncurrentielle locale, lorsque les faits invoqués sont susceptibles d’être traités par la DGCCRF ;
– soumettre aux parties une “proposition de transaction” après une notification des griefs incluant un plafond de l’amende encourue ;
– accorder une exonération de sanction pour la partie ayant eu recours à la clémence sans établissement préalable d’un rapport (c’est-à-dire avec un seul tour de contradictoire), ce qui semble souhaitable pour une amélioration de la célérité des procédures.

D.R.Laurent FRANÇOIS‑MARTIN,
avocat associé, directeur du département concurrence/distribution,

laurent.francois-martin@fidal.com