Comment les territoires s'adaptent aux crises ?
Tourisme, industries à la carte... Chaque territoire doit s'adapter aux grands cycles économiques, selon ses spécificités. Des Hauts-de-France au Sud, en passant par les Ardennes, petit tour de la France qui change...
«Territoires mutants» : derrière ce titre qui semble en appeler à la science fiction, la table ronde était consacrée aux évolutions consenties par les territoires, pour se sortir d'une ornière économique. Elle se déroulait le 5 mai dernier, dans le cadre d'une journée organisée par le Medef, sur la thématique «La France façon puzzle».
Quoi de commun entre le Sud aimé des touristes, les Ardennes vidées de leur industrie traditionnelle... Hommes politiques et représentants du monde économique ont livré leurs expériences. Très diverses. Par exemple, dans les Ardennes, pour sortir de quatre décennies de désindustrialisation, les autorités locales déploient plusieurs axes stratégiques. Tout d'abord, «nous avons décidé d'avoir une démarche disruptive, en suivant les propositions des industriels locaux (…). La forge, la fonderie sont des activités traditionnelles. Nous avons voulu contre-attaquer sur le terrain de la fabrication additive, la technologie la plus moderne», témoigne Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières.
C'est ainsi qu'est née la plateforme Platinium 3D. Concrètement, il s'agit de produire des pièces de métallurgie à la demande, au lieu de les fabriquer en série comme par le passé. Une démarche qui s'adapte à la demande du marché, et,aussi à des principes écologiques plus vertueux d'économie de la matière. Une école d'ingénieurs et un campus ont été implantés à Charleville-Mézières. Outre cette conversion industrielle, «il nous faut trouver des moteurs supplémentaires pour relancer l'activité et stabiliser la population», poursuit Boris Ravignon. Le département voit en effet sa population décroître. Priorité, donc, au déploiement du tourisme. Avec un exemple en tête : à 15 kilomètres de là, les Ardennes belges. «Nous pouvons réaliser la même démarche, en mettant en valeur notre patrimoine», estime l’élu. Dernier volet, enfin, une diversification dans le domaine des services, qui a déjà permis de faire émerger un petit cluster de quelques centaines d'emplois.
Au Sud, dans les Alpes Maritimes, tout semblait aller pour le mieux... «Le territoire est très attractif, et l'activité de tourisme est très développée, avec une clientèle à fort pouvoir d'achat. Et nous sommes également dans le top ten pour le tourisme d'affaires», résume Philippe Renaudi, président de l’Union pour l’entreprise 06.
Las,
la pandémie a brutalement terrassé cette économie prospère :
les touristes ont déserté, les palaces ont fermé leurs portes, les
congrès internationaux ont été annulés. «Nous
avons vraiment souffert en 2020. C'est un très grand choc»,
résume Philippe Renaudi. Pourtant, le territoire avait déjà
commencé à diversifier son activité. Dès 1969, avec la création
de Sofia Antipolis, pionnière des technopoles européennes. Et,
aussi, par exemple, depuis le début des années 2000, avec le projet
d'aménagement et de développement économique Eco-vallée, dans la
vallée du Var. Toutefois, «nous
sommes encore loin d'avoir une activité assez diversifiée»,
juge Philippe Renaudi.
Ne
pas attendre le passage du TGV
«Un territoire en bonne santé, c'est un vaste sujet», souligne Alain Perea, député de l’Aude, membre de la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire. «Longtemps, on a regardé uniquement aux critères de richesse et d'emploi. Depuis peu, cela a évolué, et l'on s'intéresse aussi aux enjeux de sécurité, de bien-vivre… Aujourd'hui, on pourrait y ajouter la santé». Pour lui, il n'existe pas de «recette magique» pour atteindre cet équilibre. Mais une certitude : «un territoire en bonne santé, c'est un territoire qui va s'appuyer sur ses propres forces, sans attendre que l’État ne vienne faire passer un TGV, ou qu'une grande entreprise n'implante de nombreux emplois», estime Alain Perea, mentionnant la création des zones d'activité réalisées pour attirer les sociétés et qui restent désespérément vides...
Ainsi, le territoire narbonnais s'est attaché à tirer profit de ses ressources propres, en mariant tourisme et viticulture, convertie à la qualité et à l'accueil. Avec, en figure de proue, Gérard Bertrand, vigneron en biodynamie, devenu une figure de renom international…
Dernier exemple de mutation de territoire, enfin, celui des Hauts-de-France, dont le président, Xavier Bertrand, est intervenu sur le thème de la réduction des fractures territoriales. Pour lui, en matière de développement économique, «on ne peut pas avoir trente-six mille priorités. Il y en a une. C'est l' industrie, la réindustrialisation. En effet, on peut implanter des industries partout sur le territoire». A ce titre, «nous nous sommes battus pour obtenir la première gigafactory de batteries» pour véhicules électriques à Douvrin (Pas-de-Calais), relate Xavier Bertrand.
Pour lui, il ne s'agit simplement que d'une première étape, dans le déploiement d'un écosystème autour de cette nouvelle industrie prometteuse. Et un appel à projet régional a été lancé, sur le recyclage des batteries. Par ailleurs, «il faut être capable d'investir massivement», a -t-il souligné. La Région a ainsi assumé une part du financement de la construction du canal Seine-Nord Europe, et dans le projet ferroviaire Amiens-Roissy.