Changement d’activité : l’émergence d’un critère purement quantitatif

Le changement d’activité réelle d’une société emporte cessation d’entreprise et notamment la perte du droit au report des déficits. La deuxième loi de finances rectificative pour 2012 est venue préciser cette notion. L’objectif affiché consistait à poser des critères objectifs au changement d’activité. Mais la réforme a, semble-t-il, ouvert la voie à la substitution d’un critère purement quantitatif au critère qualitatif, qui prévalait jusqu’à présent.

Avant cette modification textuelle, le changement d’activité réelle d’une entreprise, défini par la doctrine administrative et la jurisprudence dans le silence de la loi, s’entendait d’une modification profonde de la nature des opérations réalisées, des biens produits ou des services rendus. La variation même importante du volume des opérations réalisées n’était pas considérée comme un changement d’activité.
Le nouvel article 221-5 du code général des impôts (CGI) dispose que le changement d’activité réelle d’une société s’entend notamment de l’adjonction d’une activité entraînant, au titre de l’exercice de sa survenance ou de l’exercice suivant, une augmentation de plus de 50% du chiffre d’affaires ou de l’effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de l’actif immobilisé de la société, par rapport à l’exercice précédant celui de l’adjonction. Il en est de même en cas d’abandon ou de transfert, même partiel, entraînant une variation inverse des critères précités, ainsi que de la disparition des moyens de production nécessaires à la poursuite de l’exploitation, pendant une durée de plus de 12 mois, sauf cas de force majeure, ou suivie d’une cession de la majorité des droits sociaux. Toutefois, le nouveau dispositif prévoit que lorsque les opérations à l’origine des variations s’avèrent indispensables à la poursuite de l’activité à l’origine des déficits et à la pérennité des emplois, le maintien des déficits reportables peut être obtenu par voie d’agrément.
Eléments chiffrés. Force est de constater que la notion de changement d’activité n’a été définie qu’au regard d’un critère quantitatif, aucune référence à la nature de l’activité de l’entreprise ne figurant dans le nouveau texte. Doit-on en conclure qu’il n’y a plus lieu d’apprécier le changement d’activité en procédant à l’analyse de l’activité adjointe à l’activité préexistante, cette analyse s’effaçant désormais devant des éléments chiffrés ?
Si tel devait être le sens de la réforme, alors doit-on considérer que l’adjonction d’une activité strictement identique à celle initialement exercée par l’entreprise, dès lors qu’elle engendre une variation de plus de 50% de son chiffre d’affaires ou de l’effectif moyen de son personnel et du montant brut de ses éléments d’actif immobilisé, constitue un changement d’activité, bien que l’activité exercée demeure inchangée ? On ne le pense pas. Une telle interprétation conduirait notamment à pénaliser les projets de croissance externe des entreprises.

Mise en location-gérance de fonds de commerce. Qu’en est-il, par ailleurs, de la mise en location-gérance de fonds de commerce ? La doctrine administrative reprise au BoFip (Bulletin officiel des Finances publiques) considère que ne constitue pas un changement d’activité la poursuite de l’exploitation dans le cadre d’une mise en location-gérance portant à la fois sur les éléments incorporels du fonds de commerce et sur l’ensemble des moyens de production. La locationgérance, simple modification dans les modalités d’exploitation de l’activité, permet-elle toujours le maintien des déficits fiscaux reportables du bailleur ? La réforme ne nous apparaît pas modifier l’analyse, mais les précisions que les commentaires administratifs à paraître pourront apporter seront les bienvenues. A ce jour, seules les modifications apportées au transfert de déficits en cas de restructuration ont été commentées, actant l’émergence de critères purement objectifs. Dans l’attente des commentaires de l’administration fiscale relatifs au changement d’activité au sens de l’article 221-5 du CGI, la sécurisation des opérations par voie d’agrément préalable semble la meilleure option. De là à considérer qu’il pourrait s’agir d’un objectif du texte…