Carlos Tavares, patron automobile sans concessions rattrapé par les difficultés
Passionné d'automobile, manager sans concessions, Carlos Tavares a contribué à faire de Stellantis une machine à profits qui rencontre cependant...
Passionné d'automobile, manager sans concessions, Carlos Tavares a contribué à faire de Stellantis une machine à profits qui rencontre cependant des difficultés depuis début 2023.
Costume strict, fines lunettes, visage anguleux, le dirigeant portugais âgé de 66 ans s'est fait un nom en redressant le groupe PSA (Peugeot-Citroën) à partir de 2014, en coupant dans les coûts et en misant davantage sur des ventes profitables que sur le nombre de voitures vendues.
Et le pari de la mégafusion bouclée entre PSA et FCA (Fiat-Chrysler) semblait tenu: depuis la création de ce groupe aux quatorze marques en 2021, Stellantis a enchaîné les records de bénéfices nets, avec une nouvelle barre à 18,6 milliards d'euros en 2023.
Le constructeur automobile a annoncé dans la nuit de jeudi à vendredi le départ à la retraite début 2026 de Carlos Tavares, comme ce dernier l'avait laissé entendre la semaine dernière.
La pénurie de puces électroniques, qui limitait la production de voitures, aidait le groupe à les vendre aux tarifs les plus hauts. Mais le marché automobile s'est stabilisé depuis à un niveau très bas.
Stellantis a toussé au premier semestre 2024, avec un bénéfice net divisé par deux, avant d'éternuer face à des difficultés plus graves que prévu en Amérique du Nord.
Le directeur général Carlos Tavares a dû abandonner son objectif sacré de marge opérationnelle à "deux chiffres" pour l'année, qui le plaçait loin devant ses concurrents, et justifiait son salaire prévu à 36,5 millions d'euros pour l'année 2023.
La stratégie de l'entreprise est-elle remise en cause? Au contraire, elle "a fait ses preuves", a martelé le directeur général de Stellantis la semaine dernière, droit dans ses mocassins, lors d'une visite de l'usine de Sochaux dans l'Est de la France début octobre.
On fait la course
Si ces nouveaux objectifs sont un "avertissement sérieux", "ce n'est pas Stellantis qui est (en difficulté), isolé au milieu de l'industrie automobile (...), C'est Stellantis, Volkswagen, BMW, Mercedes, et ce n'est probablement pas fini", a rétorqué M. Tavares.
En Europe, seul son grand rival français Renault n'a pas encore révisé ses objectifs à la baisse.
L'électrification de l'automobile à marche forcée complique les perspectives de ces constructeurs sur un marché déjà morose.
Plusieurs d'entre eux, comme Mercedes et Renault, ont demandé une révision à la baisse des normes d'émissions de CO2, qui les forceront début 2025 à vendre plus d'électriques.
Carlos Tavares voit les choses différemment, après avoir contesté pendant longtemps une transition "dogmatique" vers le 100% électrique en 2035.
"Tout le monde connaît les règles depuis longtemps, tout le monde a eu le temps de se préparer, et donc maintenant on fait la course", a-t-il lancé en septembre dans un entretien à l'AFP.
Entre deux avions, ce passionné de voitures anciennes fréquente en effet les pistes de courses historiques une dizaine de fois par an.
Le dirigeant affirme vouloir "contribuer à la résolution du problème" du réchauffement climatique, pour ses quatre petits-enfants, tout en protégeant la "liberté de mouvement" des citoyens dans leurs voitures.
Et pour qu'elles soient moins chères, il faut toujours produire moins cher, en mettant la pression sur ses salariés comme sur ses fournisseurs.
Pas peur d'être impopulaire
Les salariés sont régulièrement encouragés à partir, au gré des plans de suppressions de postes. Parallèlement, le groupe franco-italo-américain mise toujours plus sur des pays à bas coûts, comme le Brésil, le Maroc ou la Turquie, pour fabriquer ses voitures.
Plusieurs syndicats dénoncent ses méthodes et des grèves menacent en Italie et aux Etats-Unis.
"Il est normal que tout le corps social de l'entreprise se mobilise pour réduire ses coûts", a répondu Carlos Tavares lors de sa visite à Sochaux. "Le management de cette entreprise n'a pas peur d'être impopulaire."
Passé par le lycée français de Lisbonne, ce centralien a lancé sa carrière chez Renault, avant de quitter son poste de numéro deux en 2013, muselé par le tout-puissant PDG de l'époque, Carlos Ghosn.
En 2014, il prend la direction du groupe PSA, aux abois, victime de la crise qui avait fait chuter le marché européen des voitures neuves. PSA est sauvé de justesse de la faillite par l'arrivée au capital de l'Etat français et du constructeur chinois Dongfeng.
Son départ à la retraite? "Si vous questionnez mon épouse, elle dira que c'est une exigence de sa part. Je suis un bon époux", avait souligné la semaine dernière M. Tavares, qui vit entre la France et le Portugal, où il possède des vignes et un garage pour voitures anciennes.
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