Bruno Bonduelle s’en est allé
Figure majeure de l’entrepreneuriat régional, Bruno Bonduelle s’en est allé le 16 septembre dernier. Il aura été un agitateur d’idées qui, inlassablement, proposait des idées audacieuses aux décideurs politiques. Portrait d’un grand visionnaire à l’œil malicieux.
C’est une grande figure régionale qui a disparu. A l’aube de ses 90 ans, Bruno Bonduelle, l’ancien PDG des Établissements Bonduelle, est mort des suites d’une longue maladie.
Né en 1933 à Renescure, dans l’Audomarois, il fait d’abord Science-Po Paris avant de voyager, notamment aux États-Unis. Plus tard, entre 1985 et 1994, il prend la direction du groupe familial éponyme. À l’époque, c'est le déménagement du siège à Villeneuve-d’Ascq, l’acquisition de Cassegrain et l’internationalisation du groupe, qui réalise alors près de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie 14 500 personnes dans le monde, dont 4 600 en France…
En tout, Bonduelle comptera jusqu’à 56 sites de production et de transformation et vendra ses produits dans 80 pays. Près de 170 ans après la création de la première société par les deux Louis
– Bonduelle et Lesaffre –, soucieux de préparer un avenir à leurs enfants, Bonduelle est devenu un groupe de taille mondiale, reflétant le dynamisme patronal du XIXe siècle, mais aussi sa capacité à durer...
Un visionnaire audacieux
Bruno Bonduelle fait la transition entre deux époques industrielles. Audacieux et décidé, il ne reste pas très longtemps à la tête du groupe. D’autres ambitions le tentent depuis longtemps : la vie publique. L’ancien entrepreneur commence alors une phase de sa vie où il ne va plus se contenter d’être un agitateur d'idées : il veut les soumettre aux cercles de décision. Inquiet des blocages et des lenteurs institutionnelles, il bouscule le jeu et porte une liste aux élections régionales de 1992 avec des écologistes et des centristes.
Il
prend la plume l’année suivante et se pose en tant que médiateur entre Martine
Aubry et Daniel Percheron dont les relations sont alors tendues : dans 25 propositions pour en finir avec le déclin, il appelle les deux politiques à lancer les projets nécessaires à Lille et la région : «piétonnisez vraiment la Grand Place, favorisez l’extension de la Catho vers la Deûle, "bruxellisez" nos adresses, poursuivez le
RER Lille-Lens, métropolisez le bassin minier, fusionnez Nord et Pas-de-Calais, pensez Nord-Picardie à l’horizon 2030»...
De fait, il ne mâchait pas ses mots... On se souvient d’une conférence donnée à Boulogne-sur-Mer, il y a 20 ans, où il déclarait, devant une salle médusée, que l’usine Comilog (principal employeur de l’agglomération et premier client du port) était «une verrue dans le paysage» et que sa fermeture donnerait un nouvel élan à l’agglomération. Quelques jours plus tard, le groupe Comilog annonçait la future fermeture du site, laissant des dizaines d’hectares libres alors qu'il n'y avait plus d'espaces fonciers disponibles...
Eloges des politiques
Son décès a fait l’objet de nombreuses réactions ce week-end. Pour Xavier Bertrand, président de la Région Hauts-de-France, «il était un agitateur d’idées, toujours en mouvement, comme sur la Métropole qu’il voulait faire sortir de ses murs pour que son rôle de locomotive entraîne le bassin minier, ou sur le périmètre des régions. Il provoquait, mais pour susciter la réflexion, pas pour provoquer. Je retiens de lui que quand certains voyaient la région en gris, il était de ceux, comme Pierre Mauroy, qui mettaient du bleu dans le ciel».
Maire de Lille, Martine Aubry, quant à elle, lui a ainsi rendu hommage : «C’est une forte personnalité du monde économique qui nous quitte, lui qui a forgé une entreprise familiale devenue internationale, dont le nom a durablement marqué de son l’empreinte le Nord, notre région et bien au-delà. Bruno Bonduelle avait la passion des débats sur les grands enjeux de développement du territoire dans lequel il est né et qu’il portait avec la ferveur d’un inlassable ambassadeur. Homme de caractère, d’une grande fulgurance, aux idées riches, il a mis sa détermination au service de la métropole lilloise et de son développement.»
Philippe Hourdain, président de la Chambre de commerce et de l’industrie Hauts-de-France, a souligné quant à lui les valeurs qui habitaient Bruno
Bonduelle : «C’était un très grand monsieur qui
ne pensait qu’à l’intérêt général, à sa région, aux entreprises. C’était un
très grand inspirateur.»
La Gazette Nord-Pas de Calais présente ses sincères condoléances à sa famille, ses enfants et son épouse Chantal. Ses funérailles auront lieu ce vendredi 23 septembre à 9h30, à l’église Saint Maurice à Lille.