Bétharram: la congrégation reconnaît sa "responsabilité" et annonce des mesures
La congrégation des pères de Bétharram, qui a longtemps dirigé l'établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques au cœur d'une vaste affaire de violences physiques et de viols, reconnaît mardi sa "responsabilité" en annonçant des mesures, alors...

La congrégation des pères de Bétharram, qui a longtemps dirigé l'établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques au cœur d'une vaste affaire de violences physiques et de viols, reconnaît mardi sa "responsabilité" en annonçant des mesures, alors que de nombreux plaignants fustigeaient son "mutisme".
"Je prends la parole au nom de la congrégation pour dire que nous sommes toujours très affectés par ce qui s'est passé (...) par les souffrances de ces enfants qui étaient venus ici pour être protégés, éduqués" mais auxquels "le contraire" est arrivé: "ils ont été anéantis", a déclaré le prêtre Laurent Bacho, 75 ans et ancien vicaire régional des bétharramites, qui a accordé une interview à l'AFP.
"Pour aboutir à une position commune irrévocable, il nous a fallu du temps", admet le religieux, dont le large sourire semble vouloir compenser une appréhension palpable pour cette prise de parole officielle.
Depuis un an, d'anciens religieux et personnels laïcs de Notre-Dame-de-Bétharram sont visés par plus de 150 plaintes déposées pour violences physiques, agressions sexuelles et viols.
Laurent Bacho, responsable de la cellule d'écoute au sein de la congrégation, a déjà rencontré huit victimes. "Je n'ai pas douté" de leur parole, assure-t-il. Mais il murmure aussi sa "douloureuse" prise de conscience, comparable à un coup "d'épée": les personnes accusées sont "des frères (qu'il a) appréciés". "Ce n'est pas moi en tant que tel mais je fais partie de ce corps. Sans être coupable, je suis responsable."
En mai dernier, la congrégation s'est tournée vers l'Institut francophone pour la justice et la démocratie (IFJD) afin de trouver la "sérénité" nécessaire aux décisions "douloureuses", résume Laurent Bacho.
Cette ONG doit "les accompagner" pour satisfaire "le plus possible les droits des victimes" et prévenir de nouvelles violences, explique à l'AFP sa directrice, Magalie Besse.
Toutes les victimes
De premières mesures ont été décidées.
Jusqu'à présent, la congrégation avait indemnisé à hauteur de "700.000 euros", soit 60% de ses finances, les 19 victimes de violences sexuelles prescrites perpétrées par des religieux, reconnues par la Commission de reconnaissance et réparation (CRR) mise en place par l'Église depuis 2021.
Mais elle ne prenait pas en compte les victimes de laïcs. Les pères de Bétharram veulent indemniser désormais ces dernières, grâce à "la vente des quelques biens immobiliers" qu'ils possèdent à Lestelle-Bétharram, à l'exception du sanctuaire emblématique, selon Laurent Bacho.
"Nous allons nous dépouiller (...) et c'est d'autant plus douloureux que ces biens ont été acquis par notre fondateur Michel Garicoïts", ajoute-t-il. Le montant des réparations dépendra notamment des fonds récoltés lors de ces ventes, et de la teneur des dénonciations.
"Jésus prit la place de toutes les victimes, lui qui était innocent": M. Bacho déclame le "texte fondateur" de la congrégation, en menant l'AFP à un lieu baptisé "le calvaire", près de l'école de Bétharram.
"Que nous soyons montés ici est un grand symbole, c'est comme un ordre qui m'est fait", dit le prêtre: la congrégation doit "prendre en compte toutes les victimes".
Y compris pour les violences physiques, non concernées par l'indemnisation ? "Il y a des questions techniques complexes" liées au nombre important des victimes, répond Magalie Besse, mais "il va falloir proposer des solutions" pour ces violences physiques "extrêmement graves".
Commission d'enquête indépendante
Une "réparation mémorielle" sera aussi proposée à toutes les victimes, souligne Laurent Bacho. Le 15 mars à Bayonne, l'IFJD organise un forum pour ouvrir "un dialogue" entre celles qui le souhaitent et des membres de la congrégation. L'idée d'installer une plaque ou d'édifier un monument y sera évoquée.
Ce rendez-vous sera aussi l'occasion d'expliciter le fonctionnement d'une nouvelle commission d'enquête indépendante, financée par la congrégation.
Composée de membres externes qui restent à définir, elle devra investiguer "pendant au moins six mois" sur "les causes" des "abus massifs", assure Laurent Bacho: les commissaires entendront des victimes, des membres de la congrégation, ils pourront "étudier les archives" de Bétharram, creuseront son fonctionnement dans les "différents pays" où elle est présente...
"Pourquoi nous n'avons rien vu, rien su ?", répète Laurent Bacho, circonscrivant les violences à "des personnalités déviantes" et rejetant l'idée d'un "système" ayant permis cinquante ans de violences.
"La congrégation a beaucoup avancé dans sa prise de conscience" ces derniers mois "mais le travail de la commission sera aussi d'accompagner pour achever ce travail de réflexion", estime Magalie Besse. Qui suggère d'interroger aussi "les acteurs de l'Éducation nationale", les "politiques", "une partie des élites"... qui ont pu contribuer "au déni".
"L'Etat n'a pas été au rendez-vous" dans cette affaire, avait regretté le 21 février la ministre de l'Education nationale, Elisabeth Borne, au sujet de cet établissement presque jamais inspecté en trente ans à part un contrôle en 1996 n'ayant rien relevé d'anormal malgré déjà des signalements de violences.
Mme Borne avait toutefois déploré "l'exploitation politique" de cette affaire qui éclabousse le chef du gouvernement François Bayrou. Ministre de l'Education entre 1993 et 1997, à l'époque de certains des faits incriminés, il répète n'avoir "jamais été informé" dans le passé des violences sexuelles dans cet établissement qu'ont fréquenté plusieurs de ses enfants et où son épouse a enseigné le catéchisme, malgré des témoignages affirmant le contraire.
36Z22WL