Bâtiment : l’activité résiste, mais les marges fléchissent
Le bilan du premier semestre 2019 reste contradictoire dans le bâtiment. Alors que les marges continuent de s’amenuiser, l’activité du secteur reste globalement soutenue, comme en témoigne le niveau des carnets de commandes. Mais, les récentes annonces gouvernementales cristallisent les inquiétudes d’un secteur déjà mis sous tension.
Le logement neuf poursuit «son décrochage». En glissement annuel sur cinq mois à fin mai 2019, les permis de construire et ouvertures de chantier reculent respectivement de 6,9 % et 4,9 %, selon les derniers chiffres présentés, le 4 juillet dernier, par la Fédération française du bâtiment (FFB). Toutefois, sur les trois derniers mois, le repli des permis s’atténue en lien avec la quasi-stabilisation des ventes de logements neufs constatée depuis la fin 2018. L’élargissement du marché du crédit expliquant cette inflexion. Cependant, cette tendance reste relative surtout en raison des dernières prises de position de l’Autorité bancaire européenne quant à la poursuite de la transposition des accords de Bâle 3. En effet, cette dernière souhaite durcir les règles de provisionnement des établissements de crédit, renforçant ainsi les inquiétudes des principaux acteurs du secteur du bâtiment.
Un marché dynamique, hormis la rénovation
Sur le non résidentiel neuf, hors locaux agricoles, en glissement annuel sur les cinq premiers mois de 2019, le marché reste dans son ensemble assez dynamique. Grâce au segment des bâtiments industriels et assimilés (+ 36,6 %), en particulier la logistique, les surfaces autorisées progressent de 14 %, et celles commencées se stabilisent (- 0,4 %). A contrario, et paradoxalement, le niveau record des transactions dans l’ancien (985 000 sur un an, au 1er trimestre, selon les notaires), ne booste pas le marché de l’amélioration-entretien : la tendance n’est pas au beau fixe avec un volume d’activité en baisse de 2,1 % en glissement annuel sur les trois premiers mois de 2019, plus marquée pour le logement (- 2,7 %), amplifiant le décrochage observé fin 2018 (- 1,8 %), note la FFB. Même tendance pour la rénovation énergétique qui «se contracte de 1,8 % depuis le début de l’année».Toutefois, les perspectives paraissent mieux orientées pour le second trimestre.
Malgré ces chiffres peu favorables lors du premier trimestre, l’activité prévue dans le bâtiment retrouve des couleurs et les carnets de commandes des entreprises restent à un niveau très acceptable, soit 7,8 mois d’activité, à fin juin, pour celles de plus de dix salariés, bien au-delà de leur moyenne de long terme (5,9 mois), et 4,8 mois chez les artisans. Cette bonne tenue de l’activité se traduit en termes d’effectifs, avec la création de 32 600 postes, entre les premiers trimestres 2018 et 2019, dont plus de 29 000 salariés (y compris l’intérim en équivalent temps plein). Pour les prochains mois, les perspectives d’emploi restent positives, malgré les difficultés de recrutement qui pourraient, à court terme, encore se renforcer. Celles-ci concernent près de trois chefs d’entreprise de plus de dix salariés sur quatre et plus d’un artisan sur deux, rappelle la FFB.
Des marges encore en souffrance…
Au-delà de ces quelques embellies, la rentabilité des entreprises reste préoccupante, prévient la FFB : les marges souffrent toujours d’un important «effet de ciseau». En effet, les coûts supportés par les entreprises progressent de 2,4 %, plus rapidement que les prix qui n’ont augmenté que de 2,2 %, en glissement annuel au premier trimestre 2019. Avec, pour principale conséquence, une détérioration des marges pour le quatrième trimestre consécutif.
Autre sujet d’inquiétude des professionnels, les coups de rabot sur les niches fiscales annoncés par le gouvernement, dans le cadre du prochain budget : la suppression progressive de l’accès au gasoil non routier (GNR) avec un manque à gagner estimé à 70 millions d’euros dans le bâtiment, et la réduction de la Déduction forfaitaire spécifique (DFS) sur les charges sociales patronales, soit 950 millions d’euros pour l’ensemble du BTP, vont inéluctablement se traduire par de nouveaux surcoûts et, de fait impacter directement la rentabilité des entreprises. Ces projets pourraient à terme porter préjudice à un pan entier d’un secteur économique qui avait déjà beaucoup souffert de la dernière crise économique.