Entretien avec la ministre de la Transition écologique lors de la COP26
Barbara Pompili : «L’esprit de l’Accord de Paris est toujours là»
La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a fait partie de la délégation française qui a négocié au plus près le texte de la résolution finale de la COP26 du 13 novembre dernier, en Ecosse. Rencontrée juste avant la fin des négociations à Glasgow, elle nous partage les missions de la France sur place.
La Gazette : L’Accord de Paris reste-il au coeur des négociations ?
Barbara Pompili : L’esprit de l’Accord de Paris est toujours là et c’était pas gagné avant l’ouverture de la COP. Mais on le voit dans les négociations dont l’objectif est de finaliser l’Accord, avec la volonté de maintenir le réchauffement climatique à 1,5 degré et définir les outils qui donnent de la crédibilité aux engagements, comme les règles du marché carbone ou de transparence. Pour moi, l’enjeu de cette COP, c’est celui de la décennie à venir : va-t-on réussir à faire en sorte que cette décennie soit utile pour le climat ?
Quelles ont été vos missions sur place ?
La France travaille de façon étroite avec l’Union européenne qui porte les négociations. Mais sur place, nous avons défendu l’objectif ambitieux de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. Nous avons travaillé aussi pour que la biodiversité soit davantage prise en compte dans l’accord final. Les solutions basées sur la nature doivent être présentées comme des solutions bon marché, disponibles et qui évitent d’être dépendants de technologies parfois coûteuses ou pas assez éprouvées. On a senti que la question du financement de l’adaptation des pays vulnérables est très prégnante aussi.
Et nous considérons que ce financement doit inclure celui des pertes et dommages des pays victimes du réchauffement climatique. Ce n’est pas forcément utile de créer deux enveloppes spécifiques. On compte sur la mise en œuvre du réseau Santiago qui pourra mettre des experts à disposition des pays vulnérables, pour les aider à chiffrer leurs besoins et à mettre en place des mesures pour se protéger.
Mais comment restaurer la confiance des pays vulnérables ?
En aboutissant très rapidement aux 100 milliards de dollars que doivent verser tous les ans les pays développés vers les pays en développement. Mais ce n’est pas le seul levier. Il faut aussi se mettre d’accord sur les mécanismes de transparence. Cela permettra d’évaluer qui fait son boulot correctement sur des bases communes. Cela conditionnera le succès de l’Accord de Paris. Mais je crois dans de nouvelles formes d’accords, hors négociation onusienne et Accord de Paris, comme celui de l’accord signé entre la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’UE, les Etats-Unis et l’Afrique du Sud, qui va toucher 8,5 milliards de dollars pour sortir du charbon.
Peut-on faire une décennie utile en intégrant le gaz dans la taxonomie européenne* comme le défend la France à Bruxelles ?
Ma priorité, c’est que nous baissions les émissions de gaz à effet de serre (GES) et que ce soit une transition juste et efficace. Il faut bien sûr développer au maximum les énergies renouvelables. Et si de manière transitoire, surtout pour les pays dépendants du charbon, nous avons besoin de gaz, c’est moins pire que du charbon. Il faut donc aider certains pays où on sait que le seuil renouvelable ne suffira pas, avec une part de gaz. Et le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie montre qu’il y a sur la planète suffisamment de gaz exploité pour faire la transition, sans avoir à chercher de nouveaux gisements.
Le nucléaire est-il compatible avec la transition énergétique ?
Le nucléaire est une énergie qui permet d’émettre peu de GES, mais ce n’est pas une énergie de transition pour atteindre les objectifs de 2030 et de l’Accord de Paris. Cela peut l’être quand le nucléaire est existant. Mais le nouveau nucléaire ne peut être construit dans un délai compatible pour atteindre cet objectif. Pour une nouvelle centrale nucléaire, on est entre 10 et 15 ans, entre le temps de décision et le temps de mise en service. Donc, aujourd’hui, les deux outils majeurs pour baisser les émissions de GES, c’est le développement des énergies renouvelables et la sobriété.
*Taxonomie européenne : système de classification de ce qui est considéré comme durable d’un point de vue environnemental et social et permettant de contribuer à la baisse rapide des émissions de GES.