Avec la création du groupement portuaire, un grand pas vers l’unité

L’ensemble des acteurs portuaires et du transport étaient réunis fin septembre à Lille, dans le cadre d’une journée de travail consacrée à l’avenir des ports régionaux et, au-delà, français. Avec un seul mot d’ordre, pour tirer l’activité vers le haut : l’unité. Mais le chemin reste encore long.

 

S’unir et travailler ensemble pour améliorer la compétitivité et l’attractivité des ports des Hauts-de-France, c’est l’urgence pour l’ensemble des acteurs régionaux. Face à une concurrence du nord de l’Europe qui ne cesse de grandir, tous les acteurs doivent travailler main dans la main pour capter d’avantage de flux dès aujourd’hui et préparer l’arrivée du canal Seine-Nord. C’est pour ce faire que le 28 septembre, l’ensemble des acteurs du territoire étaient réunis pour entériner la création du groupement portuaire Hauts-de-France, la structure qui désormais organisera le partage des flux entre les différents ports maritimes et fluviaux dans la région, pour leur permettre de compter davantage en France et à l’étranger.

Petits Poucet. Mais les ports régionaux, petits Poucet par rapport à leurs voisins, ont encore du chemin à parcourir pour peser dans la balance, même si la fusion entérinée entre Boulogne et Calais a ouvert la marche. A titre de comparaison, Dunkerque, le 3e port de marchandises français, représente 47 millions de tonnes de marchandises par an, pour une valeur ajoutée de 3,8 milliards d’euros, et 24 000 emplois directs et indirects. Alors qu’un port comme Hambourg voit passer 139 millions de tonnes de marchandises à l’année et pèse 20,7 milliards de valeur ajoutée, une activité qui génère 270 000 emplois directs et indirects. Même chose pour le transport fluvial : les Hauts-de-France voient passer 12 millions de tonnes par an sur leurs fleuves et canaux, quand la Wallonie en fait transiter 39 millions et la Flandre, 67 millions. «Un million de conteneurs, c’est 6 000 emplois directs et indirects qui sont créés. Or, chaque année, ce sont 600 000 équivalents vingt pieds qui échappent à tous les ports de la région, déplore Philippe Hourdain. C’est considérable en termes d’emplois et de valeur ajoutée, et c’est pour cela qu’il y a urgence à créer des regroupements entre tous les acteurs. Il est temps de se rendre compte que nous sommes capables d’offrir une qualité de service égale, voire supérieure aux ports du Benelux. L’enjeu économique est majeur, il faut que la façade maritime et les ports intérieurs, les acteurs publics et privés parlent tous d’une seule voix.»

«Nos ports ne travaillent pas assez ensemble, alors qu’ils n’ont pas les moyens d’être en concurrence, souligne pour sa part Jérôme Bignon, sénateur de la Somme. Il faut apporter un meilleur service pour conserver un volume important de flux de marchandises. Le canal Seine-Nord Europe est un enjeu majeur, il faut que nous soyons prêts quand il arrivera, pour l’exploiter au maximum. Dans ce cadre, il est primordial qu’il y ait une alliance forte entre les trois ports maritimes et Eurotunnel. Et, plus largement, que toutes les façades maritimes du pays se parlent, de Marseille à Dunkerque. Tout le monde y gagnera, et il est essentiel qu’une conférence nationale se tienne.»

Marché qui s’effrite. Qualité de service et coopération sont donc les maîtres mots pour les ports régionaux. Mais la solidarité est parfois difficile à mettre en œuvre sur le terrain, quand la concurrence se durcit, dans un marché qui s’effrite. La crise du BTP et celle annoncée des céréales tendent à faire chuter les volumes. Mais les tenants du groupement portuaire balayent ces tensions, assurant que le gâteau à se partager ne va faire que grossir. «Pendant des années, Dunkerque a vu passer 3 000 à 4 000 équivalents vingt pieds par mois. Avec tous les efforts menés ces dernières années, on est passé à 10 000 par mois, et pour la fin de l’année, on table sur 20 000, promet ainsi Stéphane Raison, le président du directoire du Grand Port maritime de Dunkerque. Ces derniers mois, on a assisté à un rapatriement des conteneurs vers Dunkerque. C’est un basculement énorme, qui va se ressentir sur tous les ports. Et ces flux se sont rapatriés parce que Dunkerque a su se faire plus économique, plus efficace que les autres. Nous avons gagné des marchés parce que nous avons été meilleurs, tout simplement, et il faut que nous le restions, tous ensemble, à l’avenir. Le canal Seine-Nord, c’est potentiellement 100 000 équivalents vingt pieds supplémentaires qui seront rapatriés sur l’ensemble de la chaîne.»

Complémentarité, le maître mot. Outre la création d’un véritable hinterland régional pour les ports de la façade maritime, avec des flux répartis entre des plates-formes logistiques loin dans les terres, le consortium portuaire devra donc veiller à la spécialisation – et la complémentarité − des différents ports. Une répartition de l’activité qui se fera tout naturellement, a assuré Xavier Bertrand dans une vidéo diffusée en ouverture de la table ronde. «Il est important de faire attention à la complémentarité entre les différents ports. On ne peut pas leur imposer une spécialisation à 100%, mais il faut qu’il y ait une cohérence, a prévenu le président de Région. Et ça tombe sous le sens de considérer que Boulogne, c’est plutôt la pêche et la transformation des produits de la mer, que Calais, c’est plutôt le transmanche, et Dunkerque, les conteneurs. Mais avec le canal et les plates-formes intérieures qui vont être créées, notre ambition, c’est que la région devienne un véritable hub logistique, un ensemble unique en Europe, qui nous permette de rattraper les autres pays européens, et même de faire course en tête.»

La vitalité retrouvée des ports de la région pourrait en tout cas être synonyme des emplois tant espérés : comme l’a rappelé Michel Lalande, le préfet de Région, on considère que 1% d’activité en plus dans les ports représentent 1% d’emplois supplémentaires créés. Une carotte qui pourrait bien achever de mettre tout le monde d’accord.