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Auto-entreprise : derrière l’extase des chiffres...

La Moselle est un département dynamique en matière de création de micro-entreprises. Si ce statut est en pleine ascension, séduisant de plus en plus, il ne garantit pas à coup sûr un entrepreneuriat solide et durable...


Populaire auprès des néo-créateurs, le régime de la micro-entreprise pose toutefois des questions, notamment sur la viabilité à long terme.
Populaire auprès des néo-créateurs, le régime de la micro-entreprise pose toutefois des questions, notamment sur la viabilité à long terme.

Le régime d'auto-entrepreneur, instauré il y a 16 ans par le député européen Hervé Novelli, continue de battre des records de croissance, année après année. En 2023, 667 400 nouvelles immatriculations avaient été enregistrées, marquant un tournant historique pour ce statut simplifié et plébiscité par les néo-entrepreneurs. Alors que 2024 va bientôt se clore, ce sont plus de 750 000 créations de micro-entreprises qui seront recensées sur cet exercice. La Moselle n’est pas en reste. En 2022, 7 059 auto-entrepreneurs s’étaient lancés. Ils étaient 7 823 en 2023. 2024 verra la barre symbolique des 8 000 franchie.

Régime simple... en principe

Si les micro-entreprises représentent désormais deux créations d’entreprises sur trois en Moselle, ce n’est pas un hasard. Le statut offre une alternative à ceux qui souhaitent se lancer dans l’entrepreneuriat sans se confronter aux contraintes liées à la création d’une société classique. Ce régime est perçu comme une porte d'entrée facile et accessible, permettant aux créateurs de tester la viabilité de leur projet ou de se lancer en prenant le minimum de risques. Facile à créer et à gérer, la micro-entreprise se distingue par ses obligations comptables réduites, en faisant le statut juridique le plus simple à adopter. Bien que le régime de la micro-entreprise soit attractif sur de nombreux plans, il est fortement encadré et présente également des limites, notamment en ce qui concerne les plafonds de chiffre d’affaires imposés. Pour rappel, les plafonds de chiffres d'affaires sont définis selon la catégorie d’activité : 188 700 € pour les activités commerciales, d'hébergement et de restauration et 77 700 € pour les prestations de services et les activités libérales relevant des BIC ou BNC. Les auto-entrepreneurs qui atteignent rapidement ces seuils se retrouvent dans l’obligation d’opter pour d’autres formes d’entreprises plus complexes à gérer. De plus, ils ne peuvent pas déduire leurs achats de leur chiffre d’affaires, ce qui peut constituer un frein pour certains, notamment ceux qui doivent investir dans du matériel de travail ou des services externes.

Un modèle souple et encore fragile

Malgré sa popularité, le régime de la micro-entreprise n’échappe pas aux critiques. Parmi elles, celle de la concurrence déloyale figure en tête. De nombreux artisans et chefs d’entreprises traditionnelles dénoncent les avantages fiscaux et administratifs dont bénéficient les micro-entrepreneurs, estimant que ces derniers faussent les règles du jeu économique. Autre point de tension, la dépendance économique. Ce statut a largement contribué à l’essor des plateformes numériques telles qu’Uber ou Deliveroo, qui s’appuient massivement sur les micro-entrepreneurs. Une situation qui, selon les détracteurs, maintient ces travailleurs dans une relation de dépendance vis-à-vis de ces géants du numérique. Alors que l’incertitude politique plane en France depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, et à l’approche de la formation d’un nouveau gouvernement sous la responsabilité du Premier ministre François Bayrou, l’exécutif modifiera-t-il le régime de la micro-entreprise qui, dans le temps, a semblé prouver son efficacité et sa stabilité ? Avec ce bémol. Quand huit SARL ou SAS sur dix sont toujours actives trois après leur création, seuls un tiers des auto-entrepreneurs sont encore actifs après ces mêmes trois ans. Au demeurant, ne cache-t-il pas une précarité entrepreneuriale ? L’accompagnement est donc là plus que nécessaire.