Audit de durabilité : le plan d’action des commissaires aux comptes
Reporting extra-financier, attractivité, ressources et compétences de la profession. Tels sont les sujets à l’ordre du jour des Assises de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes en cette fin d’année, à l’aube de l’ouverture du marché de la certification des informations du durabilité.
«C’est
un moment historique pour la profession», a déclaré le
vice-président de la Compagnie nationale des commissaires aux
comptes (CNCC), Philippe Vincent,
lors de la présentation à la presse des 34e
Assises de la profession, les 7 et 8 décembre, à Paris. Le
contexte de ces Assises est, en effet, très particulier puisqu’elles
sont organisées juste après la
publication par le gouvernement du texte de transposition
de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability
Reporting Directive) qui va s’appliquer progressivement à partir
de janvier 2024, et qui marque un véritable tournant dans le domaine
de l’audit extra-financier.
Une nouvelle mission et un nouveau marché ouvert à plusieurs acteurs
La
directive et les normes européennes d’informations de durabilité
vont peu à peu imposer à un nombre croissant d’entreprises de
publier des informations détaillées sur leurs risques, opportunités
et impacts matériels en lien avec les questions environnementales,
sociales et de gouvernance (ESG), en respectant les normes
européennes de reporting de durabilité. Les textes imposent
également une vérification de la sincérité de ces données par un
commissaire aux comptes et/ou un «organisme tiers
indépendant». Cette option est laissée au choix des
États.
En
France, les futurs acteurs de la certification des informations de
durabilité seront les commissaires aux comptes et les organismes
tiers indépendants accrédités pour remplir cette mission
(spécialistes de la certification, prestataires de services
d’assurance indépendants, experts-comptables, avocats...) et
soumis aux mêmes règles d’exercice que les commissaires aux
comptes. Pour pouvoir réaliser ce type de mission, les
professionnels de l’audit devront remplir plusieurs conditions :
être inscrits sur une liste spécifique tenue par la Haute autorité
de l’audit, réussir une épreuve écrite et effectuer un stage de
huit mois chez un professionnel habilité à exercer cette mission.
Un régime transitoire est prévu pour les commissaires aux comptes
inscrits avant le 1er janvier 2026 : dispensés du
stage et de l’épreuve écrite, ils devront avoir suivi une
formation spécifique pour obtenir le «visa durabilité».
Former et recruter des « CAC verts »
«C’est un moment historique parce que le sujet de la durabilité emporte toute la profession, non pas seulement vers une mission, mais vers un champ entier dans lequel nous avons un rôle de sensibilisation et d’accompagnement à jouer», a souligné le président de la CNCC, Yannick Ollivier. «Nous avons réussi à faire reconnaître nos savoir-faire et nos compétences, et maintenant il faut relever le challenge». Pour cela, «il nous faut des compétences, il nous faut des bras», «des jeunes et des spécialistes qui vont irriguer nos cabinets».
Pour attirer ces forces vives, «il faut mettre en avant
tous les atouts de la profession», «créer les
conditions pour qu’un maximum de jeunes et de moins jeunes puissent
y accéder» et «leur fournir la compétence, car
le sujet de la durabilité est un domaine extrêmement complexe»,
a-t-il ajouté. «La CSRD est un superbe levier d’attractivité
pour nous puisque l’on sait que les jeunes étudiants ont une
sensibilité à tous les nouveaux enjeux écologiques et sociétaux», a relevé Anne-Laure Chevalier,
membre du bureau national de la CNCC et co-rapporteur
des Assises.
S’ouvrir et attirer de nouveaux profils
«Nous sommes une profession qui est en train de s’ouvrir», «en ouvrant les voies d’accès» et «en s’ouvrant à de nouveaux profils», a poursuivi Yannick Ollivier. Objectif : «créer un flux vers l’audit légal pour découvrir nos métiers, et que certains s’orientent vers le commissariat aux comptes». Pour favoriser l’ouverture à de nouveaux profils et faire monter ces compétences nouvelles, la CNCC a lancé deux grands chantiers destinés à mieux valoriser la filière de l’audit. Cela passe par une réforme des conditions d’admission au certificat d’aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes et par la création de l’École française de formation à l’audit, dont la première promotion a fait sa rentrée en octobre dernier, à Paris, et dont le maillage devrait s’étendre à tout le territoire national.
«C’est vraiment une reprise en main de la filière de l’audit par la profession en l’adaptant à ses besoins», a expliqué Anne-Laure Chevalier. «Nous aurons toujours besoin dans nos cabinets d’audit de profils classiques, historiques, c’est à dire de profils qui viennent d’études comptables et financières. Mais pour ces nouvelles missions, nous avons besoin d’autres profils, qui viennent d’écoles d’ingénieurs, qui viennent du juridique, de l’économique... À nous de capter ces nouveaux profils et de les emmener vers les métiers de l’audit pour qu’ils puissent y déployer leurs compétences propres pour nos clients.»