Audience solennelle de rentrée du TC d'Amiens

« Faire face. » C’est ce qu’a martelé ce 17 janvier lors de l’audience solennelle de rentrée du tribunal de commerce d’Amiens le président sortant Jean-Jacques Leroux, qui cède sa place à Claude Bonnard. Faire face aux statistiques, aux défis à venir, à l’expérimentation, aux difficultés des entreprises…

Première audience de rentrée solennelle pour le greffier du TC d'Amiens Me Xavier Bernard (debout à dr.).
Première audience de rentrée solennelle pour le greffier du TC d'Amiens Me Xavier Bernard (debout à dr.).

Après avoir accueilli deux nouveaux juges consulaires – Benoit Herbet et Antoine Beaufort –, le président Jean-Jacques Leroux s’est attaché pour sa dernière audience solennelle de rentrée à dresser le bilan de l’année écoulée et rappeler les défis qui attendent les membres du TC pour 2024.

« L’année 2023 a été guidée par une citation de Georges Guynemer, un combattant singulier que tout oppose aux autres combattants, qui était devenu le symbole de l’inspiration et de l’enthousiasme. Une citation en deux mots : faire face. Faire face, c’est réagir, affronter et passer à l’action », a-t-il rappelé en préambule avant de laisser la parole à Me Xavier Bernard.

Hausse de l’activité judiciaire en 2023...

« Lorsque l’activité économique de notre pays ne subit pas de turbulences, la partie relative à l’activité judiciaire et celle concernant l’activité extrajudiciaire liée au registre du commerce et des sociétés sont tels deux poids travaillant de concert au subtil équilibre de la balance économique, a commencé le greffier du TC d’Amiens. Celle-ci n’est pas la noble balance tenue par l’allégorie de la justice, mais une balance dont la main invisible d’Adam Smith devrait guider l’équilibre. Et pourtant… L’année 2023 a dû se résoudre à observer une évolution manifeste de l’activité judiciaire de votre tribunal au détriment de l’activité extrajudiciaire. »

En 2023, l’activité judiciaire du tribunal de commerce a ainsi été marquée par une évolution brutale du nombre d’injonction de payer (+23%) ainsi qu’une évolution significative du nombre d’affaires nouvelles en contentieux (+22%). Si le nombre d’ordonnances d’injonction de payer a lui aussi augmenté, son délai de traitement a diminué de 3,8 jours à un jour. Même courbe ascendante du côté du nombre d’affaires nouvelles, avec en parallèle une baisse de 12% du stock d’affaires en cours.

« Ces statistiques judiciaires sont marquées par l’évolution la plus grave, puisqu’en dépend le bassin d’emploi du ressort du TC qui a vu croître le nombre de procédures collectives de 32% : 65% d’augmentation pour les redressements judiciaires, et 22% pour les liquidations judiciaires qui étaient déjà à un niveau élevé », a poursuivi Me Xavier Bernard.

L’activité extrajudiciaire a quant à elle marqué le pas en début d’année 2023 pour former un mouvement de recul durant le second semestre. Le nombre de création de sociétés civiles et commerciales a enregistré un recul de 22% pour les premières et de 15% pour les secondes. Le nombre de modifications d’entreprises a lui enregistré une baisse de 6%. « Seul le nombre de dépôt des comptes annuels a souhaité s’inscrire en faux de cette évolution avec une augmentation de 1 429 dépôts supplémentaires, soit 15% d’augmentation, portant le taux de dépôt des comptes annuels à 85% », a précisé le greffier.

... Et des injonctions de payer

Des données qu’a tenu à décrypter Jean-Jacques Leroux : « En 2023, la juridiction a prononcé 303 ouvertures de procédures collectives (dont 74% de demande de liquidation judiciaire) avec un cumul de 1 000 salariés concernés et un chiffre d’affaires total de 184 000 K€. En 2019 (avant Covid) 276 procédures collectives avaient été prononcées, soit un volume quasiment équivalent, mais avec une différence notable qui porte sur le nombre d’emplois perdus en 2023 de 11%. Ces deux chiffres démontrent que nous avons connu des dossiers d’entreprises plus importantes… j’ajouterais malheureusement. »

L’activité contentieuse injonction de payer est en hausse significative et, comme l’a indiqué le président, inquiétante de +31% « ce qui peut se traduire par une progression de tension de trésorerie alors même que le délai de traitement est passé en une année de quatre jours à une journée », a noté Jean-Jacques Leroux. Les affaires au fond augmentent elles de 15%, mais avec une diminution du stock, ce qui démontre une amélioration de la gestion des dossiers.

D’où l’importance pour le président du TC de faire face, aux défis d’abord, notamment ceux de l’innovation, avec la dématérialisation des dossiers de procédures collectives et des dossiers contentieux, celle de l’ensemble des dossiers du registre du commerce, la mise en place de la signature électronique des décisions à compter du mois de janvier 2024, avec le déploiement des clés délivrées à chaque juge, et le déploiement des coffres électroniques pour la notification des décisions aux organes de la procédure.

Citant Martin Luther King, Jean-Jacques Leroux a poursuivi : « C’est toujours le bon moment pour faire ce qui est juste. » Il a donc souhaité que le tribunal de commerce d’Amiens propose sa candidature pour l’expérimentation d’un Tribunal des affaires économiques (TAE). « Je suis convaincu que la prévention/ détection par notre tribunal est un réel succès que nous pouvons partager en proposant une cohérence pour appréhender les difficultés économiques des entreprises qu’elles soient issues du monde commercial, rural ou de certaines professions réglementées. Nous avons l’expertise pour devenir un bloc de compétences. L’objectif fixé par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice dans le cadre de la loi d’orientation 2023-2027 est je cite « une justice plus rapide, plus efficace, plus protectrice ». Nous sommes prêts à travailler au succès de cette expérimentation. »

Le mot de la fin est revenu au nouveau président Claude Bonnard : « Gageons qu’un contexte plus favorable se dessine. D’ores et déjà votre tribunal de commerce est en ordre de marche pour exécuter ses missions et se mettre au service des entreprises dans le cadre de ses activités de prévention des entreprises en difficultés. Les bonne idées n’ont pas d’âge… Elles n’ont que de l’avenir ! En ces temps constants de changement, je souhaite pourtant inscrire le tribunal dans une parfaite continuité de l’action entreprise par mon prédécesseur. Le lourd travail engagé au profit de nos entreprises doit être poursuivi et accentué ! »

Le président sortant Jean-Jacques Leroux (à g.) et son successeur Claude Bonnard.