Au procès du RN, les étranges revues de presse de Nicolas Bay

En 2018, Nicolas Bay transmet au juge d'instruction des revues de presse papier censées prouver le travail de son assistant parlementaire en 2014. Des documents sur lesquels il a eu bien du mal à s'expliquer...

Le vice-président du parti d'extrême droite Reconquête ! Nicolas Bay quitte la salle d'audience du tribunal au procès pour suspicions de détournement de fonds publics européens par des membres du RN, à Paris le 30 septembre 2024 © Alain JOCARD
Le vice-président du parti d'extrême droite Reconquête ! Nicolas Bay quitte la salle d'audience du tribunal au procès pour suspicions de détournement de fonds publics européens par des membres du RN, à Paris le 30 septembre 2024 © Alain JOCARD

En 2018, Nicolas Bay transmet au juge d'instruction des revues de presse papier censées prouver le travail de son assistant parlementaire en 2014. Des documents sur lesquels il a eu bien du mal à s'expliquer mercredi à la barre du tribunal de Paris.

S'il a quitté les rangs du RN pour rejoindre Eric Zemmour en 2022, puis Marion Maréchal en 2024, Nicolas Bay, qui a adhéré au FN "à 14 ans", a une défense similaire à celle de ses coprévenus depuis le début du procès.

En costume bleu foncé ajusté, chemise blanche, le "militant de longue date", âgé de 46 ans, parle vite à la barre, avec forces gestes, se tournant régulièrement vers son ancien collaborateur assis à sa droite, Timothée Houssin. 

C'est son embauche en tant qu'assistant parlementaire européen, du 1er juillet 2014 au 31 mars 2015, pour un total de 39.000 euros, qui vaut aux deux hommes d'être jugés pour détournement de fonds publics européens et recel: selon l'accusation, Timothée Houssin travaillait en réalité pour le parti en France.

Cela fait environ deux heures que le prévenu est interrogé quand la présidente, Bénédicte de Perthuis, aborde les 112 pages de revues de presse qu'il a remises en 2018 au juge d'instruction. 

"Le souvenir que j'ai, c'est que, de manière très fréquente, il m'apportait des articles de presse, soit sur des sujets parlementaires sur lesquels je travaillais, ou touchant à ma circonscription", commence Nicolas Bay.

Et "quand on me demande d'apporter les preuves, je me trouve face à une difficulté, c'est de reconstituer le travail qu'il a effectué à l'époque", poursuit-il. 

"J'ai pris la responsabilité, la liberté, de faire une page de garde, que j'ai faite en 2018, je l'assume totalement", dit-il au tribunal, interloqué.

"C'est vous qui avez écrit: +Revue de presse 2014 Normandie Europe par Timothée Houssin, assistant parlementaire+ ?" demande la présidente. "Oui, bien sûr".

Vous fabriquez

Il était "rageant" de ne pas pouvoir "reconstituer" son travail, affirme Nicolas Bay au fil d'un ping-pong tendu avec la magistrate. Alors quand il retrouve ces revues de presse dans ses "archives" transférées en 2017 de Nanterre à Bruxelles, il ajoute une "page de garde" et si "l'immense majorité des articles sont des versions papiers qui datent de 2014", "certains étaient illisibles, donc on les a réimprimés".

Sur ces impressions apparaissent des éléments bien postérieurs à 2014, comme l'avaient révélé France Info et Complément d'enquête en septembre...

Des modifications que Nicolas Bay n'a pas mentionnées au juge d'instruction en 2018, souligne avec ironie la présidente.

"J'aurais dû être beaucoup plus clair et explicatif devant le magistrat instructeur", répond Nicolas Bay.

"Donc, vous fabriquez et vous ne le précisez pas ?" s'étrangle la magistrate, insistant avant d'abandonner. "Bon, vous n'êtes pas poursuivi pour ça".

Timothée Houssin, qui a depuis été élu député, faisait partie de la "sphère politique proche" de Nicolas Bay.

Le 1er avril, soit le lendemain de la fin de son contrat d'assistant parlementaire, il sera embauché en CDI par l'association FN en tant qu'assistant au secrétariat général - fonction sous laquelle il apparaît déjà dans l'organigramme du parti publié plusieurs semaines plus tôt, en février 2015.

Nicolas Bay conteste: il lui a bien fait des "notes", "communiqués" et "publications sur les réseaux sociaux" comme assistant parlementaire. Et il n'a travaillé pour le parti que "bénévolement" et en dehors de son temps de travail, pendant "20 heures par semaine", parce qu'il était un militant très investi. 

"Une note, on n'a pas retrouvé une note !", appuie Me Patrick Maisonneuve, avocat du Parlement européen, partie civile.

"Je vous l'aurais apportée, vous auriez dit: +on n'a pas la preuve que c'est Timothée Houssin qui l'a écrite !+" lance-t-il bravache, suscitant l'approbation bruyante de Bruno Gollnisch, assis dans la salle d'audience dépeuplée.

L'avocat relève que, à partir de 2015, il sait qu'un signalement a été réalisé et qu'il y a des soupçons. "Pourquoi vous ne conservez pas la moindre note de la main de votre assistant ?".

"Personne ne me dit qu'il faut le faire et j'ai confiance" dans le fait que la procédure l'innocentera, assure-t-il. "J'ai pêché par naïveté".

alv/mat/dch   

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