Culture
Au carrefour des mutations du secteur cinématographique
La 25e édition de Ciné Cool a battu son plein dans les salles de cinéma de Meurthe-et-Moselle, lesquelles se sont mises au diapason de cet événement décliné dans tout le Grand Est et unique en France. L’animation estivale se situait à l’heure où la crise sanitaire a durement impacté la branche et où les exploitants sont à un temps charnière.
Pas de doute, le cinéma fait partie de notre art de vivre. La sensation d’une salle obscure demeure la porte ouverte vers la dimension de toutes les émotions. La 25e édition de Ciné Cool s’est déroulée la semaine passée dans tout le Grand Est : 73 lieux de diffusion pour près de 350 écrans. Initié en 1997 par les Syndicats des Directeurs de Cinémas de l’Est, en partenariat avec les salles du Grand Est, Ciné Cool est né de cette volonté de développer l’activité des cinémas sur les mois d’été. Ciné Cool 2022 en quelques chiffres : 10 000 séances, près de 300 000 spectateurs. Un tarif à 4,50 € la séance pour s’installer devant blockbusters, réalisations grand public, cinéma de genre, films art et essai. En Lorraine, 31 salles étaient concernées. Dont 8 en Meurthe-et-Moselle : UGC Ciné Cité à Ludres, Cinélun à Lunéville, Caméo Saint-Sébastien et UGC Saint-Jean à Nancy, Concorde à Pont-à-Mousson, Royal à Saint-Max, Citéa à Toul et L’Arche à Villerupt. Ciné Cool 2022, coorganisé par le Syndicat des Directeurs de Cinémas de l’Est et le Syndicat des Directeurs de Cinémas Rhin-Moselle, s’est déroulé dans un contexte bien particulier pour les salles obscures hexagonales. Après avoir traversé la pire crise de son histoire, des mois interminables de fermeture administrative, de réouvertures avec des règles sanitaires strictes, de pass sanitaire, de fréquentation en berne, les exploitants n’ont quasiment déploré aucune faillite. Le «quoi qu’il en coûte» et les mesures d’aides articulées par le CNC (Centre national du cinéma) d’un montant global de 300 M€ ont évité un effondrement du secteur. Les exploitants ont ici bénéficié de 210 M€. Après 2020 Annus horribilis, un rebond en 2021, 2022 apparaît moins favorable.
Un nouvel environnement
Depuis le début d’année, les salles hexagonales totalisent 87 millions d’entrées, soit 30 % de moins que sur la même période de 2019. La crise de la Covid-19 a aussi affecté la production de films, avec son lot de tournages suspendus, de sorties reportées, de projets gelés ou remisés. Pour les exploitants, la crainte désormais ce sont les plateformes de streaming. Netflix, Amazon Prime et Disney + accaparent une part croissante des films qui seraient auparavant sortis dans le circuit des exploitants. Une enquête du CNC en mai dernier révélait les habitudes changeantes du public de cinéma. Parmi les cinq raisons pour lesquelles les spectateurs déclaraient aller moins au cinéma depuis la réouverture des salles : la perte d’habitude, la perception du prix du billet, le port du masque, la préférence pour regarder des films sur d’autres supports, le manque d’intérêt pour les films proposés. Dans les années 80, la fréquentation des salles françaises s’était effondrée en dix ans de 42 %. L’équipement des foyers en téléviseurs couleurs, en magnétoscopes avait détourné le public des salles. Avant un rebond spectaculaire au tournant des années 2000, avec le numérique qui permis de réduire les coûts de production, l’arrivée des grandes salles multiplexes et le lancement des cartes d’abonnement. Avec actuellement de 150 à 160 millions d’entrées annuelles, contre 210 millions en 2019, pour un prix moyen de 7 € la place, cela représente pour les exploitants une perte de 400 M€. Pourtant, les espoirs demeurent : des réseaux comme Pathé ou CGR demeurent rentables, les circuits des films art et essai restent aidés avec des coûts moins importants. Et surtout, la France a décidé de faire payer les plateformes, comme Canal + il y a quelques années. Cela a permis à l’époque de renouveler l’offre des films et de relancer la fréquentation, avant la modernisation des salles, avec l’aide du CNC, qui donna un souffle nouveau. Bis repetita avec Netflix, Disney + et autre Amazon Prime ? Il est une chose immuable : la salle obscure reste ancrée dans la tradition populaire et culturelle de chacun d’entre nous. Aucune raison que cela s’arrête. Une toile, c’est unique.