Attentat de Magnanville: sept ans après, le procès d'un complice présumé s'est ouvert à Paris
Soudain, un grand sourire a illuminé le visage de Mohamed Lamine Aberouz, jugé devant la cour d'assises spéciale de Paris pour complicité dans l'assassinat par Larossi Abballa de deux policiers, sous les yeux de leur fils de 3 ans, dans...
Soudain, un grand sourire a illuminé le visage de Mohamed Lamine Aberouz, jugé devant la cour d'assises spéciale de Paris pour complicité dans l'assassinat par Larossi Abballa de deux policiers, sous les yeux de leur fils de 3 ans, dans leur pavillon de Magnanville (Yvelines) en juin 2016.
Au premier jour de son procès, ce sourire, inattendu dans un procès d'assises, était destiné à la dernière témoin de la journée: Janna C., sortie de prison le 14 septembre, après une condamnation à sept ans d'emprisonnement pour un projet d'attentat en juillet 2016.
C'est la première fois que l'accusé et le témoin se voyaient. Tous les deux se sont mariés "religieusement" en juin 2021 sans jamais se voir alors qu'ils étaient tous deux en détention.
L'idée de citer cet étrange témoin est une initiative du parquet général.
Voilée de la tête aux pieds dans un jilbab bleu canard, Janna C., 25 ans, mains sur les hanches, répond vertement à la cour, devant laquelle elle a refusé de prêter serment.
Quand on l'interroge sur son "évolution", elle a une réponse ambiguë. "Avant (j'étais prête à) faire une action violente pour rendre la pareille à ceux qui voulaient tuer mes frères et soeurs musulmans. Maintenant, je sais que dans ma religion je n'ai pas à combattre car je suis une femme".
Dans son box, Aberouz dévore son "épouse" des yeux, mime des baisers avec ses lèvres.
Avant Janna C., c'est Sarah Hervouët, une ex-"promise" de l'accusé, qui a témoigné en visio depuis sa prison où elle purge une peine de 20 ans de réclusion pour avoir poignardé un policier en civil en septembre 2016 après une tentative d'attentat aux bonbonnes de gaz près de Notre-Dame de Paris.
Abelouz et Hervouët étaient "fiancés" sans s'être jamais rencontrés.
"Avec Mohamed, on parlait religion", pas de projet d'attentat, dit-elle. "Quand j'avais une question, j'avais tendance à me tourner vers lui et c'était carré".
Mohamed Lamine Aberouz, 30 ans, est poursuivi pour complicité d'assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique, association de malfaiteurs terroriste criminelle et complicité de séquestration en relation avec une entreprise terroriste.
Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
"Est-ce que je peux compter sur ton soutien jusqu'au bout ?", demande-t-il à son "épouse". "Oui", répond-elle. Abelouz dessine un coeur avec ses mains.
Sur le banc des parties civiles où ont pris place la famille de Jessica Schneider, 36 ans, agente administrative au commissariat de Mantes-la-Jolie, égorgée par Larossi Abballa, et les parents de son compagnon Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant au commissariat des Mureaux, tué à l'arme blanche par le même Abballa alors qu'il regagnait son domicile, on reste digne et muet.
Dans la matinée, M. Abelouz avait exprimé sa "compassion" pour les familles des victimes et "réitéré (ses) condamnations à l'égard de Larossi" Abballa pour l'"acte monstrueux qu'il a commis".
Le double assassinat de fonctionnaires de police, à leur domicile, a profondément choqué l'institution et de nombreux policiers en civil étaient présents au début de l'audience dans une salle pleine à craquer.
Complice dans la maison
Acquis à la cause du groupe Etat islamique (EI), Larossi Abballa, 25 ans, a été tué lors de l'assaut des policiers du Raid pour libérer l'enfant qu'il retenait en otage.
A-t-il agi seul ? C'est tout l'enjeu du procès. L'accusation est persuadée qu'il bénéficiait d'un complice dans la maison. C'est M. Aberouz qui lui a "désigné" le couple de policiers "comme cible de l'attentat", soutient le parquet général.
Des traces de l'ADN de Mohamed Lamine Aberouz ont été trouvées sur le repose-poignet de l'ordinateur du couple utilisé pour la revendication de l'assassinat.
En dehors de ces traces ADN, aucune autre preuve tangible de sa présence sur les lieux n'a pu être établie, font valoir ses avocats Vincent Brengarth et Nino Arnaud.
Ils entendent plaider l'acquittement. Selon eux, Larossi Abballa était un "loup solitaire" qui n'avait pas besoin de complice.
"Les dénégations de Mohamed Lamine Aberouz, quant à son adhésion à l'idéologie jihadiste (...), n'apparaissent pas convaincantes ni suffisantes au regard des éléments recueillis par ailleurs", estiment les enquêteurs, rappelant qu'Aberouz et Abballa "étaient portés par la même idéologie favorable au jihad armé".
Le procès doit durer jusqu'au 10 octobre.
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