Assurance chômage: Attal au risque de la contestation avant les Européennes
En proposant un nouveau durcissement des conditions d'assurance chômage, Gabriel Attal s'engage dans sa première réforme de structure pour trouver des économies dans un contexte budgétaire dégradé, au risque de nourrir...
En proposant un nouveau durcissement des conditions d'assurance chômage, Gabriel Attal s'engage dans sa première réforme de structure pour trouver des économies dans un contexte budgétaire dégradé, au risque de nourrir la contestation sociale avant les élections européennes.
Réduire la durée d'indemnisation ou son niveau, augmenter le temps travaillé pour être couvert, le Premier ministre a affiché d'emblée la couleur sur TF1 mercredi soir, désireux de rendre le "modèle social" français plus "incitatif" à l'emploi.
Un projet jugé aussitôt "inacceptable" par les syndicats, qui gèrent avec les organisations patronales le régime d'assurance chômage (Unédic).
Le calendrier de la nouvelle réforme est très contraint : Gabriel Attal veut des paramètres pour avril et une mise en œuvre à l'automne, alors que la précédente convention n'est pas encore signée, dans l'attente d'un avenant sur l'emploi des seniors toujours en discussion.
De quoi bousculer les partenaires sociaux qui, s'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord, pourraient se voir déposséder de leur prérogatives.
Même le président du Medef (patronat) Patrick Martin a prévenu que les partenaires sociaux "s'empareront, le moment venu, d'un projet de nouvelle réforme".
- Composants "sucrés" -
Prudent sur ce point, Gabriel Attal a promis que la réforme "se ferait après que le premier mot ait été donné aux organisations syndicales".
L'échéance de l'automne "ça laisse quand même un certain nombre de mois pour négocier", a-t-il estimé jeudi.
Mais pour la patronne de la CGT Sophie Binet, Gabriel Attal est un Premier ministre "qui mène la campagne pour les européennes" et qui "partage la conception très verticale du pouvoir et méprise la démocratie sociale et les acteurs sociaux".
Comme s'il anticipait un nouveau front social, Gabriel Attal s'en est pris, en les mettant dans un même sac, à Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, qui défendent à ses yeux un "logiciel du tout allocation" et sont dans "un combat contre le travail".
Des centaines de milliers de personnes avaient manifesté contre la réforme des retraites, elle aussi de structure, qui avait enflammé la France au printemps dernier, et sa prédécesseure Elisabeth Borne avait échappé à la censure à seulement 9 voix.
Mais un proche du Premier ministre estime que les syndicats ne parviendront pas à "massivement mobiliser" sur l'assurance chômage comme ils l'ont fait sur les retraites.
Le gouvernement joue quand même gros avec ce nouveau projet, annoncé à moins de trois mois des élections européennes, pour lesquelles la majorité est distancée dans les sondages par l'extrême droite et se fait prendre des voix par le candidat du PS Raphaël Glucksmann.
Alors comme Elisabeth Borne sur les retraites, le Premier ministre ne se contente pas de présenter les aspects "salés" du projet mais les accompagne de composants plus "sucrés" visant à améliorer les conditions de travail.
Jeudi, il s'est rendu dans une usine du géant de la cosmétique L'Oréal à Rambouillet (Yvelines) pour vanter la politique sociale "exemplaire" du lieu, et faire valoir les projets du gouvernement: semaine en 4 jours, mesures de lutte contre les accidents du travail, et d'incitation des entreprises à augmenter les bas salaires.
Aucun dogme
Les dépenses sociales sont dans le viseur du gouvernement qui cherche des économies pour rétablir les comptes après un dérapage inédit du déficit l'an dernier.
"Plus vous avez de gens qui travaillent, plus vous avez de recettes pour financer nos politiques publiques", a redit Gabriel Attal jeudi.
Pourtant la réforme ne devrait rapporter que "quelques milliards" d'euros par an, selon Matignon, et elle prendra du temps avant de produire des effets.
Les agences de notation ne semblent pas convaincues. Moody's juge "improbable" que la France tienne ses objectifs budgétaires, comme celui d'un déficit à 3% en 2027, réitéré par Gabriel Attal.
La droite à l'Assemblée nationale, dont le gouvernement a besoin s'il veut faire passer ses lois en l'absence majorité absolue, menace déjà de censurer le budget de "rigueur" à l'automne.
Et certaines oppositions entendaient jeudi boycotter une réunion de parlementaires à Bercy pour tenter de trouver des économies.
Le chef du gouvernement devra manœuvrer aussi serré au sein de sa majorité qui se divise sur l'opportunité d'augmenter ou pas les impôts. Gabriel Attal dit n'avoir "aucun dogme" sur la taxation de super-profits, mais sans toucher aux classes moyennes ni aux entreprises.
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