Entreprise du patrimoine vivant implantée à Lys-lez-Lannoy
Tissage Art de Lys : un savoir-faire centenaire à perpétuer
À Lys-lez-Lannoy, l’entreprise Tissage Art de Lys, plus que centenaire, perpétue le savoir-faire du tissage Jacquard, une technique reconnue qui peut être complexe. Afin de préserver ce savoir-faire, la société est labellisée EPV depuis 2013. Rencontre.
L’entreprise Tissage Art de Lys est discrète. Rien que pour trouver
l’atelier de fabrication, où travaillent les 13 salariés, il faut
chercher un peu. C’est dans une rue d’habitations sommes toute
classique que se dresse un atelier typique du nord de la France, avec ses briques rouges, et une petite plaque à l’entrée, elle aussi
discrète, indique «Art de Lys». Si, de l’extérieur,
cela ne paie pas de mine, une fois entré, c’est un savoir-faire et
une histoire de 134 ans qui saute aux yeux par une tapisserie
réalisée avec un tissage Jacquard.
«Faire croire à des couleurs qui n'existent pas»
Ce tissage est la véritable marque de fabrique de l’entreprise, comme l’explique Marc-Antoine Kerkhof, le manager général de Tissage Art de Lys. «L’avantage du Jacquard, c’est de créer des couleurs visuelles. L’une de nos spécialités, c’est de vous faire croire à des couleurs qui n’existent pas. Pour l'orange il n’y a aucun fil de cette couleur. Il y a tellement de fils rouge et jaune que cela vous fait croire à du orange. C'est pour cette raison que la tapisserie s’apprécie toujours avec un peu de recul. Et c’est aussi pour cela que nous ne sommes pas vraiment copiés, car c’est beaucoup trop lourd à mettre en place.»
La complexité du procédé débute dès la phase de création, avec l’assistance d’un logiciel informatique. «On part d’une image avec la plus haute définition possible et on va réduire le nombre de couleur de l’image. Ensuite, nous allons la transférer sur le logiciel d’assistance informatique et là, on doit tout redessiner parce que la spécificité est que, quand on tisse, on a des fils de chaîne plus fins que les fils qui arrivent sur le côté, ce qui génère un pixel rectangulaire», indique le manager général.
Il va donc falloir «lisser»
le dessin, comme le souligne la créatrice, et «venir
travailler pixel par pixel».
Ce
processus représente deux mois de travail, voir plus. Place ensuite
au processus de fabrication avec les métiers à tisser. Et
uniquement avec des produits Made in France. «Nos
fils sont français, et
viennent de Tourcoing, de la
teinture de
Roubaix,
même
les dos coton des coussins que l’on fait fabriquer viennent de chez
Charvet
à Armentières.
Les
intérieurs,
les zips ou
encore les étiquettes
sont Made in France»,
s’enorgueillit
Marc-Antoine Kerkhof. Seul
le
coton n’est pas Français, «car
il n’y a pas de coton en France.
Par contre on a pris le plus beau coton, le coton du Nil»,
ajoute-t-il.
Des partenariats de prestige
Cette
technique si spéciale, composée de matières made in France,
fait partie intégrante du savoir-faire d’Art de Lys, qui cherche
donc à le préserver. Et c’est là qu’intervient le label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant), obtenu en 2013. L’entreprise le considère comme «le
plus important. C’est
même l’un des derniers que
nous
avons
conservé, car nous
étions
moins en confiance et moins en accord avec d’autres. On le valorise au maximum, on en parle à tous nos clients, il est sur toutes nos publications, surtout, aussi en anglais, c’est extrêmement important pour l’export.» Il
est d’autant plus important que 85 % des produits réalisés par Art de Lys sont destinés à l'international.
L’obtention de ce label a un impact non-négligeable selon Marc-Antoine Kerkhof, puisque la société a, notamment, travaillé sur le chantier de l’hôtel du Grand Mazarin à Paris, puisque le studio «souhaitait travailler avec des entreprises labellisées EPV, donc sans ça, nous n’aurions pas pu faire ce chantier».
Sans forcément passer une nuit dans un grand hôtel parisien, il est fort probable qu’une majorité de Français et de touristes étrangers aient tenu dans leurs mains des produits fabriqués par Tissage Art de Lys. En effet, la société est partenaire officielle des musées nationaux et des boutiques de décoration des châteaux du patrimoine français reconnus à l’international, tels que Versailles, Cluny, Ambroise ou encore Chambord. «Soit nous avons des collections spécifiques pour eux, où on reproduit des œuvres, soit ils achètent nos produits qu’ils vendent dans leurs boutiques. La moitié de nos activités, ce sont les musées», explique fièrement le manager général.
Pour maintenir ce niveau d’exigence et rester dans l’air du temps, Tissage Art de Lys se développe. Ainsi, en septembre 2023, la marque commerciale Tissage de Flandres a été lancée. Elle est spécialiste des projets sur-mesure. De plus, l’entreprise a l’habitude de collaborer avec des artistes et des designers reconnus, qui permettent à la marque de se moderniser sur certains points.
Mais elle n’en oublie pas non plus son héritage de plus de 130 ans, avec des reprises de modèles datant parfois de 1919 ou de 1923. Un mélange qui peut être délicat à effectuer. «Mon quotidien, c’est de faire la balance entre notre héritage culturel et technique qui est assez ancien, tout en continuant d’évoluer dans le style et d’innover donc c’est toujours assez délicat à réaliser.» Une balance que s’évertue à faire Art de Lys depuis 1890.
Solidifier les savoir-faire de la tapisserie
La société Art de Lys n'est plus indépendante, mais fait partie d’un groupe. En 2021, elle a été rachetée par la Maison Pinton, société créée en 1867 dans la Creuse et spécialisée dans la Tapisserie d’Aubusson, classée sur la liste du «Patrimoine culturel immatériel de l’humanité» par l’Unesco. «Nous avons créé un groupe consolidé avec différents savoir-faire de la famille Pinton : Aubusson, qui tisse la tapisserie éponyme et qui fait du tapis à la main ; une autre société du groupe qui fait du wilton et de la moquette, et Art de Lys, spécialisée dans la tapisserie mécanique Jacquard», fait savoir Marc-Antoine Kerkhof.