Ariane 6 prête à décoller pour sceller la souveraineté spatiale européenne
La fusée Ariane 6 est sur la dernière ligne droite avant de décoller pour son premier vol commercial avec un satellite militaire, une mission hautement symbolique pour l'Europe dans un contexte...

La fusée Ariane 6 est sur la dernière ligne droite avant de décoller pour son premier vol commercial avec un satellite militaire, une mission hautement symbolique pour l'Europe dans un contexte du changement de cap des Etats-Unis.
Sous une fine pluie tropicale, le portique a été retiré et Ariane 6 s'est dévoilée sur son pas de tir à Kourou, en Guyane française, dans la nuit de dimanche à lundi, quelques heures avant le décollage prévu à 13H24, heure locale (16H24 GMT).
"Tout se déroule bien, on a eu la météo au vert à 05H00", en termes de vents au sol et en altitude ainsi que d'absence de foudre au passage de la fusée, a expliqué à la presse Toni Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial de l'Agence spatiale européenne.
Ce sont en revanche les turbulences géopolitiques qui sont dans tous les esprits.
"Nous devons être unis", a lancé le nouveau patron d'Arianespace David Cavaillolès à l'intention des alliés européens, au cours d'une conférence de presse à Kourou, en soulignant l'importance de "ne dépendre de personne" pour le lancement des satellites "dans le monde d'aujourd'hui".
Garder notre place
Face à l'entrée dans le gouvernement américain d'Elon Musk, qui domine déjà l'espace avec son entreprise SpaceX, et au rapprochement américain avec la Russie, cette mission revêt une importance stratégique.
"L'Europe doit assurer sa propre sécurité", souligne Toni Tolker-Nielsen en insistant sur la nécessité de viser plus de lancements annuels avec Ariane 6, jusqu'à 12, contre cinq prévus cette année.
Philippe Baptiste, ministre de la Recherche et ancien patron du Cnes, agence spatiale française, dit s'attendre à "des coups de boutoir" pour les lanceurs et les satellites de la part d'Elon Musk, qui a déjà chamboulé l'environnement spatial avec SpaceX et a renforcé sa puissance en devenant un membre éminent de l'administration de Donald Trump.
Dans ce contexte, "le concept d'autonomie stratégique, un temps moqué comme une lubie française, est au cœur de l'Europe de demain", a-t-il déclaré dans une interview à La Tribune.
"Le nombre de lancements a explosé, non seulement américains, mais aussi chinois. Nous devons garder notre place", a fait valoir à Kourou le général Jérôme Bellanger, chef de l'Etat-major de l'armée de l'air et de l'espace.
Cinq satellites pour l'Europe
Le satellite CSO-3 (pour "composante spatiale optique"), qui sera placé sur une orbite à 800 kilomètres, va compléter la mini-constellation de surveillance de la Terre pour le ministère français de la Défense.
En Europe, seules la France et l'Italie disposent de satellites militaires (respectivement cinq optiques et deux radars) et les deux pays échangent des informations, a détaillé pour l'AFP Bertrand Denis, vice-président chargé de l'observation de la Terre de la coentreprise franco-italienne Thales Alenia Space, qui fabrique l'instrument optique pour les CSO.
Huit pays européens obtiennent des images de la constellation française contre une participation financière, comme l'Allemagne ou la Belgique, ou, pourla Suède, en échange d'accès à l'antenne stratégique de Kiruna (en Laponie suédoise).
Les Etats-Unis comme la Chine comptent "des centaines" de satellites militaires ou civils et militaires, a dit à l'AFP Philippe Steininger, auteur du livre "Révolutions spatiales" et consultant du Cnes.
Cette mission est importante pour l'armée française car le CSO-3, dont la présence en orbite va améliorer les capacités de renseignement, attend depuis 2022 d'être lancé.
Le fait d'avoir ce satellite de nouvelle génération en orbite augmente le taux de revisite, c'est-à-dire permet de voir plus souvent "la même zone au sol" - deux fois par jour au lieu d'une, explique Bertrand Denis.
Les deux premiers satellites CSO-1 et CSO-2 déjà positionnés avaient été envoyés en 2018 et 2020 par des Soyouz russes. La France disposait auparavant de deux satellites Pléiades.
Après le vol inaugural réussi d'Ariane 6 en juillet, un an après le dernier vol d'Ariane 5, ce premier lancement embarquant un satellite commercial doit sécuriser l'accès autonome de l'Europe à l'espace dont elle a été privée pendant plusieurs mois, ne pouvant plus disposer de Soyouz depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022.
L'autre fusée européenne légère, Vega-C, n'a repris les vols qu'en décembre 2024, après avoir été immobilisée pendant deux ans dans la foulée d'un accident ayant entraîné la perte de satellites.
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