Conjoncture

Approvisionnements : que redoutent les entreprises en 2024 ?

Volatilité de la demande, pénurie de produits, risques géopolitiques... En matière de supply chain, tels sont les principaux risques que redoutent les entreprises, dévoile le baromètre annuel du cabinet Kuy conseil.



Bon nombre de risques planent aujourd’hui sur l’approvisionnement des entreprises pour leur bon fonctionnement dont notamment le risque géopolitique.
Bon nombre de risques planent aujourd’hui sur l’approvisionnement des entreprises pour leur bon fonctionnement dont notamment le risque géopolitique.

L'inflation ne fait plus vraiment peur aux entreprises, mais la situation à Taïwan, si. Le 25 janvier, lors d'une conférence de presse, Thibaud Moulin, associé chez Kyu conseil dévoilait les appréhensions majeures des entreprises en matière de supply chain, lors de la publication de la 5e édition du baromètre annuel de Kyu conseil consacré au sujet. Le premier de tous les risques identifiés par les entreprises, et qui apparaît comme de plus en plus important ? «La volatilité de la demande», explique Thibaud Moulin. En effet, la visibilité sur l'évolution de la demande devient de plus en plus faible, sur fond de stocks qui restent encore assez élevés dans certains secteurs. Deuxième risque perçu, même s'il est en baisse, la pénurie de produits liée à des manques de matières premières. «Les entreprises estiment que ce problème des pénuries n'est pas derrière nous, par exemple pour des matières premières pour l'agroalimentaire, en raison des crises climatiques», poursuit le spécialiste. Le troisième risque le plus redouté, celui géopolitique, est en hausse avec les conflits qui se multiplient dans le monde. Et «dans les années à venir, la mer de Chine va devenir l'objet de toutes les inquiétudes, en raison de la question taïwanaise», estime Thibaud Moulin. De fait, pour parer à ce risque géopolitique, les entreprises ont déjà entamé des démarches qui leur permettent de contourner ces obstacles. Ainsi, le Vietnam est devenu une zone de production. Et certaines entreprises regardent vers l'Inde comme à un relais possible de la Chine. Les tensions déjà existantes entre ces deux pays, pourraient s'en trouver aggravées... Quoi qu'il en soit, «la supply chain mondiale se remodèle», note Thibaud Moulin. Le quatrième risque placé sur le podium par les entreprises, celui de l'inflation, est en baisse, tout comme le suivant, la cybersécurité. Mais selon Thibaud Moulin, le niveau d'attention à ce sujet reste élevé : «le niveau perçu de la menace cyber baisse un peu, mais c'est plutôt parce que d'autres risques sont apparus comme plus préoccupants.» De fait, l'inquiétude demeure sur les «maillons faibles» des chaînes de valeur. Ainsi, des fabricants de puces taïwanais. Si leur production devait s'arrêter en raison d'une attaque informatique, l'impact serait majeur pour tous leurs - très nombreux - clients.


Les risques qui montent : qualité et conformité RSE

Le sixième risque identifié par les entreprises (en baisse) réside dans une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. «Pour le secteur de la logistique, une étude a montré que 3 millions de chauffeurs manquent dans le monde», précise Thibaud Moulin. En revanche, parmi les risques qui augmentent le plus figure celui lié à la qualité, même s'il reste pour l'instant en 7e position. En 2022, en effet, «le redémarrage rapide s'est déroulé dans un contexte de transformation de la supply chain, avec des fournisseurs qui n'avaient pas forcément la maturité nécessaire.» Résultat, les donneurs d'ordre s'inquiètent de la qualité de leurs approvisionnements. Suit le risque climatique, qui est «toujours présent et il va le rester», commente Thibaud Moulin. Pour la supply chain, ce risque peut prendre des formes récurrentes, comme la sécheresse qui va engendrer des pénuries dans les domaines agroalimentaire ou du textile (coton). Ou alors, épisodiques, avec des inondations très fortes ou des incendies qui peuvent totalement désorganiser un écosystème. Le risque de défaillance de la supply chain, en neuvième place, est en baisse. Depuis le 15 janvier, avec le conflit au Moyen-Orient et les attaques des rebelles Houthies en mer Rouge, les prix du fret ont certes augmenté. Mais le trafic n'est pas à l'arrêt complet et la demande reste relativement basse. La tension reste donc limitée. Le dernier risque identifié, lui, augmente légèrement, et il pourrait bien connaître une trajectoire ascendante dans les années à venir. Il concerne la conformité RSE. «Il est nécessaire d'établir une traçabilité pour comprendre d'où viennent les matières premières, comment les produits sont manufacturés, quel est leur impact sur l'environnement... Tout cela impose des processus nouveaux, des remontées d'informations. Pour les grandes entreprises, il s'agit d'un chantier très important», analyse Thibaud Moulin. Mais sur le plus court terme, analyse-t-il, «les entreprises sont prises en étau.» D'un côté, la demande est fragilisée avec une croissance atone dans les pays occidentaux, et en net recul dans des pays comme la Chine. De l'autre, l'offre risque d'être déstabilisée par les crises géopolitiques qui s'enchaînent, et constituent une menace physique pour les flux logistiques.

«Dans les années à venir, la mer de Chine va devenir l'objet de toutes les inquiétudes, en raison de la question taïwanaise.»

Thibaud Moulin, associé chez Kyu conseil.