Code du travail
Affichage des horaires du travail et sanctions administratives
Le Conseil d’Etat* vient de juger que lorsqu’une entreprise applique scrupuleusement les obligations de décompte et d’affichage liées à un régime horaire de travail, l’inspection du travail n’a pas le pouvoir de sanctionner l’entreprise au simple motif que ce régime choisi ne serait pas adapté.
Deux régimes horaires de travail
Le principe général, bien connu dans les entreprises, est que «l'employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail, ainsi que les heures et la durée des repos», (article L. 3171-1 du Code du travail), étant entendu que celui-ci doit tenir à la disposition de l'inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.
Les horaires de travail pouvant ne pas être uniformes, le Code du travail prévoit une différence lorsque tous les salariés travaillent selon le même horaire, ou bien pas. Dans le premier cas, le calcul et l’affichage sont aisés : l’employeur peut se contenter d’afficher les heures auxquelles commence et finit chaque période de travail, sans distinguer par salarié.
En revanche, lorsque tous les salariés ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur «établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés» (art. L. 3171-2 du Code du travail). Dans ce cas, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :
- quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;
- chaque semaine, par récapitulation, selon tous moyens, du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.
Sanction administrative en cas d’absence d’affichage
Les agents de l’inspection du travail tirent du Code du travail le pouvoir de contrôler le respect de l’obligation de décompte horaire du travail. Lorsque cette obligation n’est pas respectée, l’agent de contrôle peut proposer au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DREETS) d’infliger à l’employeur une amende administrative d’un montant, fixé par l’article L. 8115-3 du Code du travail, maximum de 4 000 euros par travailleur concerné par le manquement. Attention toutefois, l’article L. 8115-1 du Code du travail prévoit que cette amende ne peut être infligée qu’en l’absence de poursuites pénales.
De plus, tout employeur sanctionné sera attentif à la proportionnalité de l’amende : lorsque le manquement est d’une faible gravité (premier manquement, peu de salariés concernés …), c’est le simple «avertissement» qui devra être privilégié. Ce n’est que lorsque le manquement est d’une ampleur plus importante que le DREETS pourra passer à la sanction pécuniaire. En outre, l’employeur pourra contester le montant de l’amende directement devant le tribunal administratif, le juge ayant le pouvoir de le réduire.
Un pouvoir de sanction strictement restreint
La question à laquelle devait répondre la haute juridiction administrative était celle de savoir quelle était l’étendue des pouvoirs de l’inspection du travail, en la matière. Doit-elle simplement prendre acte du choix du régime horaire de travail par l’employeur et ne contrôler que le respect des obligations attachées à ce régime, ou bien peut-elle aller jusqu’à vérifier que l’employeur a choisi le bon régime ?
Très clairement, le Conseil d’État a penché pour la première option et a sévèrement sanctionné l’inspection du travail. Pour les magistrats administratifs, lorsqu’une entreprise choisit, de surcroît par le biais d’un accord collectif, de privilégier un régime horaire de travail plutôt qu’un autre, l’inspection du travail ne peut rien faire d’autre que de contrôler le respect des obligations liées à ce régime. Dès lors que celui choisi par l’employeur a été «rendu opposable par voie de règlement affiché et adressé à l'inspection du travail», cette dernière ne peut qu’en prendre acte.
A cet égard, la Cour d’appel de Lyon avait indiqué que : «l'administration ne tient d'aucune disposition des articles L. 8112-1 et L 8112-2 du Code du travail définissant ses pouvoirs de contrôle ni d'aucun principe général du droit le pouvoir d'écarter le régime horaire en vigueur dans l'établissement pour lui substituer un régime qu'elle estime plus adapté aux conditions de travail des salariés, et sanctionner l'employeur du chef de manquements à ce régime de substitution».
Une décision conforme à la lettre du Code du travail qui n’aurait sans doute pas dû nécessiter l’intervention de la plus haute juridiction administrative française.
* CE, 1er février 2023, n° 457116, B.